Sneakerhead ou simple amateur, pas besoin de te présenter les Air Jordan, tu connais déjà. La marque a suivi un long chemin depuis sa première sortie en tant que chaussure de basketball Nike, en 1985. Presque 30 piges d’une course effrénée vers les sommets, jusqu’à transcender l’industrie de la chaussure ainsi que le sport lui-même. Cette collection de baskets légendaires se vante d’une parcours incroyable et inédit à ce jour. Retour sur son histoire, façon conte de Noël.
Je ne vais pas faire l’affront de te raconter une centième fois la légende du Jumpman. Michael Jordan : symbole des Chicago Bulls, athlète fantastique, compétiteur acharné, charisme absolu et potentiellement sportif le moins bien sappé du XXè siècle. Au minimum. Si squatter tous les classements des plus grands sportifs toutes disciplines confondues ne suffisait pas, MJ tape le doublé sport-marketing : un type qui a popularisé le basket à lui seul aux quatre coins du globe, s’est hissé au premier rang des stars bankables et a même ramené Bugs Bunny dans un film mythique. Un putain de mythe. Ca, c’est pour le rapide cours de rattrapage sur le bonhomme. Désolé, a rien à dire sur ses performances en tant que big boss des Charlotte Bobcats.
Pour en revenir aux sneakers : comment les Air Jordan ont-elles vu le jour ? A l’époque, ce sont Converse (sponsor de Magic Johnson, Larry Bird…) et Adidas (Kareem Abdul-Jabbar) qui dominent le business de la basket. Nike, dont les ventes s’écroulent petit à petit, perçoit l’arrivée du rookie Jordan comme une aubaine, voyant en lui une icône dès ses envolées hoopesques chez les Tar Heels de North Carolina et aux J.O. de Los Angeles. Banco. Michael Jordan signe rapidement un contrat de 2,5 millions de dollars sur 5 ans avec la marque au Swoosh. Sous l’influence de son agent, David Faulk, Nike décide de créer immédiatement une ligne à son nom. Welcome la Air Jordan première du nom, en référence à sa grâce aérienne et dunks déjà spectaculaires. Hop, pour te le prouver, je cale tranquillement les highlights du fabuleux Slam Dunk Contest de 1988, versus Dominique Wilkins.
Dessinée par Peter Moore, la Air Jordan 1 ne coûte à l’époque « que » 65 dollars, ce qui ne l’empêche pas d’être la basket la plus chère sur le marché à ce moment. La AJ1 ne se démarque pas forcément par son style, assez similaire à d’autres modèles Nike. La vraie distinction, c’est la couleur, surtout celle du modèle Black / Red : d’un coté, Michael n’apprécie pas forcément ces teintes proches du diable (« 666 IBLIS« ), mais surtout, la NBA interdit formellement l’usage de chaussures qui ne sont pas blanches. 1 000 dollars puis 5 000 dollars par match joué avec ces pompes, amende que Nike décide forcément de payer. La meilleure des publicités ever : « La NBA lui interdit de porter ses Air Jordan, mais elle ne peut pas t’en empêcher ». La première paire « hype » était née, sourtout que l’arrière décide de scorer cette année-là 63 points en Playoffs sur le pif des Celtics.
Le succès de la AJ1 acquis, Nike décide de sortir un nouveau modèle à chaque nouvelle saison NBA, provoquant des scènes de liesse incroyables devant les shops. En 1988, Michael Jordan collabore avec le designer Tinker Hatfield sur la fameuse Air Jordan III : première paire intégrant le logo du Jumpman, plus première paire pour le basket mid, pour un look totalement rénové. Un modèle d’anthologie, reconnaissable entre mille par son motif éléphant et ses pubs avec Spike Lee, je vais d’ailleurs y revenir. Poule aux oeufs d’or, Hatfield va enchaîner les silhouettes uniques et intemporelles.
Numérotées jusqu’au numéro 23, les Air Jordan n’en avaient pas pour autant terminé avec le game. Ainsi virent le jour les éditions « Air Jordan 2009 », puis 2010 et 2011, avant de revenir aux chiffres romains en février dernier avec la XX8. On en compte donc aujourd’hui 28, déclinées en une infinité d’éditions limités, sans compter les modèles alternatifs, type « Fusion » ou « Hybride ». En 2005, la Jordan Brand fait d’ailleurs preuve de créativité, lorsque les tout premiers modèles de « Fusion » sont dévoilés. Initialement, ses paires combinaient des composantes d’une Air Jordan avec ceux du modèle classique de Nike, la « Air Force One ». Une idée rapidement répliquée par l’entreprise Jordan, enfantant des paires hybrides qui mixent des éléments issus de plusieurs « Air Jordan » différentes : « Spiz’ike », « Dub Zeros », « Six Rings » ou « Son of Mars ».
De nos jours, la marque Jordan continue de rééditer des anciens modèles numérotés appelés « Retro », pour satisfaire l’appétit insatiable des fans. De Chris Paul à Carmelo Anthony en passant par Blake Griffin ou le vieillissant Dwyane Wade, plusieurs stars qui ont rejoint l’écurie Jordan perpétuent la tradition en sortant chaque année des paires pro model : les « CP3 », les « Melo » ou la « Superfly 2 ».
« Que ça plaise ou non, le mythe Air Jordan, malgré ses nombreuses dérives – surexploitation commerciale, détournement par l’ensemble de la pop culture -, s’est imposé dans tous les domaines comme peu de produits. »
A titre personnel, comme tant d’autres, c’est sûrement grâce à « His Airness » que je suis tombé sous le charme de la sneaker. Sans Jojo, je n’aurais jamais eu le plaisir de découvrir ces pompes aux formes futuristes, imprégnées d’un design unique en son genre. Heureusement, Nike et MJ ont donné un grand coup de pied dans la fourmilière et démocratisé cette pièce en bousculant les traditions établies. Un coup de magie et un bon tas de dollars ont imposé ces sneakers au rangs d’accessoires mode indispensables, que Jay-Z n’hésite pas à ressortir un quart de siècle après dans ses clips. Un objet de culte, suffit de citer Mark Bostic, un américain qui collectionne les Air Jordan depuis 1986. Ce sneaker addict, possède plus de 727 paires, addition d’un total de près de 50 000€. Lorsqu’on lui demande pourquoi cette addiction, il dit ressentir les fluides de « La Légende » et se sentir comme Dieu. Ce n’est pas Macklemore qui le contredira, ni Kendrick Lamar ou Nelly, et j’en passe. Dans un autre registre, citons Devo Howarth, prodige du sneak-art, qui rend hommage à ses paires préférées avec un talent de dingue.
Je pourrais aller loin comme ça, jusqu’aux playmates qui posent bien chaussées. A ce titre, Jordan répond aussi aux attentes des femmes, allant jusqu’à concevoir des paires de différents modèles de Air Jordan à talons hauts. Un impact pluriculturel, dont une relation particulière avec le milieu cinématographique, vérifiable grâce au swag de Jean Rochefort. Lors de la commercialisation de l' »Air Jordan III », Spike Lee et MJ collaborent sur le fameux projet « Mars & Mike » : Mars Blackmon, personnage de She’s Gotta Have It interprété par Spike Lee himself, vante la marque dans des sketchs humoristiques. En 2007, c’est la seconde oeuvre majeure du réalisateur, « Do The Right Thing » qui servira à promouvoir une réédition de l’AJ III. Ces campagnes publicitaires vont compter parmi les plus efficaces de Nike. Plus tard, ce projet provoquera le lancement de la « Son of Mars », renvoyant au personnage de Mars Blackmon. Une association juteuse qui a aussi donné naissance à l’ovni « Spiz’ike » en octobre 2006. Un mix entre plusieurs Air Jordan classiques : Jordan III, IV, V, VI, IX et XX. Enfin, impossible de passer à côté de « Space Jam », avec la « Air Jordan Rabbit ». Pour la petite histoire, c’est une pure coïncidence (ou pas), car ce modèle a été créé en l’honneur de l’année du lapin sur le calendrier chinois. Le lapin qui, par ailleurs, est le signe astrologique de MJ.
« Un empire qui pèse la bagatelle d’1,7 milliard de dollars »
En vendant plus de 100 millions de paires dans le monde, la Air Jordan est et reste le leader sur le marché de la basket, flirtant avec les 72% de parts de marché. Des partenariats se développent dans tous les domaines possibles : le football américain (modèle Air Jordan « Cleats » porté par Dez Bryant ou Hakeem Nicks), le baseball (avec Derek Jeter, 1ère signature Jordan en MLB), la boxe, la course automobile, la musique (le rap avec Drake)… Même les jeux vidéos lui rendent hommage. La série « NBA 2K », licence célèbre de basket-ball, permet aux « gamers » de contrôler MJ, de revivre les meilleurs moments de sa carrière, et même, de créer sa propre « Air Jordan », un rêve inaccessible qui devient subitement réalité.
Que ça plaise ou non, le mythe Air Jordan, malgré ses nombreuses dérives – surexploitation commerciale, détournement par l’ensemble de la pop culture -, s’est imposé dans tous les domaines comme peu de produits. C’est fort et ça fait encore rêver le gamin qui sommeille en chacun d’entre nous. Pas vrai Miley ?