Pour boucler une onzième édition qui aura été marquée par des restrictions budgétaires drastiques, L’Original Festival a mis les plats dans les grands pour combler le public lyonnais. Avec un peu de recul, personne ne peut dire que la programmation 2014 était en-dessous des précédentes, loin de là. On a simplement regretté les quelques semaines d’attente entre les shows, mais tous savaient qu’il n’y avait pas d’autres solutions et que c’était un juste sacrifice à payer pour que le festival ne fasse pas une année blanche. Après Dom Kennedy, SchoolBoy Q, Ärsenik et les anciens combattants KRS One, Onyx et Rocca, le festival lyonnais a réuni Mobb Deep et Dilated Peoples pour une dernière soirée de gala. Les deux groupes, qui effectuent actuellement une large tournée hexagonale, permettaient au festival d’aligner un lineup cinq étoiles dans un Transbordeur prêt à vibrer pour ces deux monstres du rap qui ont marqués plusieurs générations.
Arrivé un brin en avance, on décide de siroter un verre dehors pour faire le plein d’air frais avant d’entrer en éruption. Dans une chaleur étouffante, la climatisation du Transbordeur se fait peu ressentir – LeBron James aurait été pris de crampes assez rapidement, c’est dire. C’est Feini-X-Crew, le duo vainqueur du Buzz Booster en 2012 qui lance les hostilités. Avec une mise en scène intéressante et une musique franchement originale, on se demande à la fin de leur show pourquoi le groupe n’a pas davantage percé. Pour nous faire encore patienter avant l’arrivée des têtes d’affiches, DJ Duke, tourneur de disque d’Assassin et habitué de L’Original, prend le relais pour une demi heure de mix. Idéal pour définitivement se mettre dans le bain et étirer nos muscles.
Deux heures après notre arrivée, les Dilated Peoples débarquent enfin au complet. Seul Evidence manquait à l’appel l’an dernier où Babu et Rakaa avaient donnés un show en compagnie de The Dogg Pound. Cette année, on les sent fringuants et motivés à l’idée de défendre et de promouvoir leur prochain album, Directors Of Photography, qui sortira début août (on vous conseille de relire notre interview d’Evidence pour en apprendre davantage sur le projet). Dans une salle comble, ils débutent avec leur nouveau titre, « Good As Gone », qui a fière allure en live. Le tandem Evidence – Rakaa est beau a voir, on sent une complicité forte entre les deux rappeurs. Ils enchainent avec l’un de leurs plus gros succès, « You Can’t Hide You Can’t Run », qui fait basculer le Transbo dans la folie furieuse. Les Californiens enchaînent avec leurs anciens titres – « Microphone », notamment – et le show défile à vitesse grand V. Pour faire reposer les deux emcees, Babu se lance dans une session de scratch de haute volée qui fait bondir le peuple gone. Chaud, avant leur passage à Paris à la Plage du Glaz’art dimanche 29 juin.
Evidence se permet de faire quelques titres solos avec l’excellent « You », s’éclate sur des productions de DJ Premier et montre tout son talent de rappeur sur scène. Claireùent, il est l’un des rares à se bonifier en live avec une telle efficacité. Les Californiens se montrent très proche du public : Rakaa passe son temps a faire des checks à la foule et se permet de prendre un smartphone à un spectateur pour filmer sa ganache. Pour terminer en beauté, l’Expansion Team gratifie son audience du soir de ses hits les plus populaires avec « This Way » et « Worst Comes To Worst », en rendant hommage à Guru. Deux morceaux terriblement efficaces qui galvanisent une foule déjà conquise. La transition est parfaite pour annoncer la venue des troublions de Queensbridge.
Quinze minutes plus tard, encore plus rapide qu’un Boeing 747, on passe de Cali à New York. Le changement est brutal : Mobb Deep, avec un public acquis à sa cause, débarque sur le furieux « Survival Of The Fittest ». Prodigy semble affûté et n’a rien perdu de son mojo. Chaînes en plaqué autour du cou, fitted cap en arrière, il harangue le public avec un charisme débordant. Havoc est plus discret et boude dans son coin – on le sent moins heureux d’être avec nous. La différence d’attitude est flagrante avec le show précédent : les deux compères communiquent rarement, chacun reste dans son spot et nous sur notre faim. Heureusement, la mayonnaise prend petit à petit et le set gagne en intensité au fur et a mesure. On traverse la discographie du groupe en passant par des titres du masterpiece The Infamous, de leur passage chez G-Unit avec « Outta Control » pour finir avec leur nouvel album, The Infamous Mobb Deep, sorti le 1er avril dernier. Le final est une grande réussite avec « Got It Twisted » et bien évidemment « Shook Ones » – on sut comme des boeufs et notre cardio en prend un coup. Un passage en demi teinte sauvé par une fin maîtrisée et des classiques toujours aussi efficaces.
00h15. Les lumières s’éteignent. On ressort véritablement lessivés et trempés après avoir gesticuler pendant trois heures avec deux groupes monstres de l’histoire du hip hop. La onzième édition de L’Original s’achève sur une bonne note et peut être fier de son cru 2014. A l’année prochaine, comme d’hab.