Si vous étiez au taquet sur les Internets au début des années 2010, au milieu de cette émulation autour de nouveaux rappeurs et groupes émergeant de tous les côtés des Etats-Unis, vous avez peut-être entendu parler des OverDoz, un jeune groupe californien auteur de nombreuses mixtapes pleines de bonnes vibes. En 2015, RCA, filiale de Sony Music, leur offre une rampe de lancement avec trois singles, incluant le très accrocheur « Last Kiss », et depuis, on a compté les jours, les semaines, les mois, jusqu’à ce quatrième trimestre 2017. Dire qu’ils étaient attendus tient de l’euphémisme. Décryptage du retour des enfants prodigues de la côte ouest.
Deux ans d’un inquiétant silence radio depuis « Last Kiss » ce fameux single acidulé réalisé par Pharrell. Deux ans à patienter pour que Kent James, P, Joon et Cream redonnent signe de vie avec de la nouveauté. Cette fois ci c’est la bonne : pas un nouvel extrait pour les radios ou une autre mixtape passagère, les quatre garçons dans le vent reviennent avec du concret : leur album 2008 sera marqué du sceau d l’année du début de leurs aventures, avec leur mixtape Rosaries and Bowties. C’est là qu’on soupire un « enfin! » de soulagement, un peu comme à chaque début de mois quand tu auscultes ton compte. Un espoir d’autant plus comblé que ce premier album est une vraie source de contentement.
On a failli avoir peur qu’ils n’aient rien branlé mais les mecs n’ont de toute évidence pas chômé (quoique, un peu car treize morceaux enregistrés en l’espace de 29 mois, on a vu mieux en terme de ratio temps / productivité). Les OverDoz rattrapent le temps perdu avec un projet convaincant dont l’idée est de retracer sept années de tribulations, à essayer de faire quelque chose de leurs vies. Pour être honnêtes , principalement, ça se résume à : festoyer, fricoter avec la bourgeoisie et forniquer. De Snoop à Nipsey Hussle, une tradition veut que les rappeurs westcoast exposent leur lifestyle fumant et ensoleillé. La petite bande de Crenshaw l’évoque en guise d’intronisation sur « Kush & Red Wine » en affichant fièrement leur pédigrée (« I been smokin weed since around thirteen ») et sur le morceau-titre « 2008 » où, comme tout homme débordant d’hormones et peu enclin à contrôler ses plusions, ils montrent à quel point à cette période de leur vie ils ne pensaient qu’à « ça ». C’est tout à fait l’esprit des OverDoz, les bas instincts, l’insouciance, l’immaturité d’individus mâles prêts à croquer le monde, prêts à tous les excès, à profiter à mort pour se sentir vivant.
Tandis qu’on découvre la philosophie très épicurienne des OverDoz, on se familiarise également avec les prods du duo THC, qui composent des instrumentaux très innovants sans avoir peur de mélanger sonorités californiennes bigrement actuelles avec de l’électro, avec grosso modo le même dosage qu’un cocktail jus d’orange/rhum. On leur doit « District », qui est absolument incroyable, « Secret Sunday » (fuck la messe) et « 212 » (fuck à 4h du matin sous influence). Le très en vue Terrace Martin (Kendrick Lamar, Snoop Dogg, 9th Wonder…) apporte sa musicalité toute particulière (et sa touche de vocoder bien à lui qui se fond tel un instrument de musique), avec le crossover r&b « ULETTHEHOMIEHIT » et plus particulièrement le mélodieux « House Party », parfait pour le mojito en soirée au bord de la piscine. Ce titre ne cache pas les influences très nettes de DJ Quik avec ce côté organique, ces basses relaxantes et cette guitare fort agréable au demeurant. Et toujours cette même obsession : les filles.
Quel plaisir également de retrouver le funky « Last Kiss » avec cette ligne de basse matelassée qui fait remuer le bassin d’un côté à l’autre puis en avant, ou bien « Fuck Yo DJ », avec un couplet complètement dingo d’A$AP Ferg sur une prod Beast Coast à la Flatbush Zombie. On connaît déjà depuis deux ans le morceau « Rich white Friends » (produit par Hit-Boy), qui enchaîne sur 2008 avec « Black Beverly Hills » pour suivre cette logique de fréquentation avec le haut de la classe moyenne.
Il arrive aux OverDoz de sortir du carcan rap, d’aller vers du son plus ‘stadium music’ comme le soulignent les grosses caisses de « Dance » qui vont faire trembler les festivals et de se prendre pour des rockstars sur « Backstage » (avec un Miguel toujours top) avec un instru rock fortement inspiré des The Knux (ce duo hipster-ckeuro qui avaient sorti leur premier album Remind Me in 3 days en…2008, tiens). Mais, aussi étonnant que cela puisse paraître, Kent, P et Joon peuvent faire du rap plus classique, comme sur « Manifesto » (produit par les légendaires Organized Noise), ou du genre qui envoie de bonnes ondes comme celles de « Karma » (on s’en serait limite douté).
2008 se termine en chiffres avec « 10 Million », qui se veut un message adressé à la jeunesse de Californie, une conclusion logique de la part de quatre personnages dans le vent (dans l’air du temps?) encore trop jeunes pour mûrir et qui croient en ce qu’ils font. Leur crédo est « de ne jamais cesser d’essayer ». S’ils persèverent encore, peut-être livreront ils une suite plus adulte. D’ici là, on se ressert une rasade de mojito à leurs côtés en mémoire de l’été passé.