Allan Kingdom : le hip hop, son royaume

mardi 4 novembre 2014, par Cedric.

« Le hip hop, mon royaume », rappait Rocca en 1996. En 2015, Allan Kingdom, 20 ans, pourrait bien s’approprier la formule du franco-colombien. Pas parce que la traduction de son blase en français a une visée très monarchique, simplement parce qu’a 20 ans, le jeune canadien incarne cette nouvelle vague de rappeurs prête à envahir nos oreilles à tout moment. S’il n’est pas aussi médiatisé que tous ses petits camarades du même âge, Allan à tout de même réussi à s’accaparer un peu de lumière au cours des dernières années et à creuser sa tanière dans un rap game pourtant pas loin de saturer. Maitre ès plume fine et rythmiques envoutantes, Allan sait déjà de son côté qu’il a une carte à jouer. Reste à savoir si le public est prêt à miser dessus.

Quand viendra l’heure de faire le bilan comptable du cru hip hop 2014, on retiendra comme les années précédentes les grosses sorties, qui auront pour la plupart, word up 2014, été à la hauteur de nos espérances. On retiendra également l’avènement des newcomers qui ont confirmé tout le bien que l’on pensait d’eux en début d’année. On aura aussi une petite pensée pour tous les bâtards rappeurs qui nous ont fait saliver en martelant qu’ils allaient sortir un album, et qui au final nous ont laissé bien en chien. Mais surtout, quand viendra l’heure de faire le bilan comptable du hip hop de cette année 2014, il faudra redistribuer les cartes, regarder vers 2015 et spéculer sur les nouvelles perles de demain. Et si tout se passe bien, Allan Kingdom a de bonnes chances de faire partie des heureux élus.

 

« Le but de Plain Pat et Jonathan Karlow ? Faire d’Allan un meilleur rappeur qu’il ne l’est déjà. »

 

On sait à quel point le rap jeu peut-être impitoyable, pire qu’un épisode de Dallas, mais le jeune canadien, établi dans le Minnesota depuis sa tendre enfance, a tout ce qu’il faut pour devenir une, si ce n’est LA grosse hype de ces prochaines années. A commencer par son entourage. Quand certains rappeurs sont conseillés par leur BFF un peu fêlé du bocal, Allan lui s’est entouré de Plain Pat et Jonathan Kaslow, deux grosses pointures du hip hop qui sont tombés fou amoureux de la musique du canadien. Pour vous situer l’affaire, Plain Pat et Jonathan Kaslow, ce sont, entre autre, des collaborations avec Kanye West, Drake et Kid Cudi. Pas n’importe qui, donc. La détermination du jeune homme à vouloir travailler avec ces deux vétérans à fini par les convaincre et après de nombreux e-mails échangés, c’est tout naturellement qu’ils se sont lancé dans l’aventure. Leur but ? Faire d’Allan un meilleur rappeur qu’il ne l’est déjà.

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Parce qu’au moment de leur rencontre, Allan se débrouille déjà plutôt bien. Du haut de ses 17 ans, le jeune rappeur est impliqué à la fois dans l’écriture et la production de ses morceaux. Ragaillardi par une histoire et un parcours des plus singuliers, Allan souhaite développer un style qui ferait écho à ses origines. Ce style, il le décrit aujourd’hui, à la manière d’un Jean-Pierre Coffe, comme la rencontre entre « une grosse poignée de Northern Gentleman, étouffé dans du Peanut Butter Prince, et une pincée de King Kyariga ». Concrètement, la musique d’Allan se caractérise par une avalanche de sonorités qui sont en fait le miroir de sa personnalité. Le « rappeur hipster », comme certains aiment l’appeler, aime façonner sa musique en puisant sa matière dans la trap, la pop, le R&B et, plus exotique, dans l’afrobeat. Sa musique est un gros mélange d’inspirations puisées conjointement dans le hip hop et la musique africaine. Partant de cet enchevêtrement musical, Allan délivre des beats aux ambiances particulières, entre chillwave mielleuse, cloud rap aérien et trap aux envolées tapageuses.

 

« Mon thème prédominant c’est l’honnêteté. Je trouve que ça craint d’avoir à le dire aux gens, ça devrait être clair quand ils écoutent ma musique. »

 

Même si le tout peut paraitre un peu chelou par moment, le rappeur montre qu’il est capable de dompter ce genre d’instrus en alternant, avec une maitrise étonnante, entre un flow lent et un flow plus rapide en fonction des morceaux sur lesquels il rappe. Doté d’un timbre de voix plutôt agréable à l’oreille,  Allan est aussi capable de pousser la chansonnette. Sur certains morceaux, l’écouter chanter pourra s’apparenter à une purge mais sa marge de progression est grande, et la présence de ses deux gourous l’aidera certainement à s’améliorer. Surtout, on ne peut pas lui en vouloir d’essayer quand le résultat est aussi cool que sur le morceaux « Wavey ».

Il faut dire que son utilisation du chant n’est pas anodine. Elle participe à donner une touche plus mélancolique à des morceaux qui marquent déjà par leur sincérité. En effet, Allan n’hésite pas à s’épancher dans ses morceaux sur sa vie, ses problèmes et ses désirs. Et il ne conçoit pas la musique autrement. « Dans ma musique, j’essaye d’être le plus honnête possible. Mon thème prédominant c’est l’honnêteté. Je trouve que ça craint que j’ai à le dire aux gens, ça devrait être clair quand ils écoutent ma musique. C’est cool quand les gens sont surpris et me disent “OMG t’es tellement honnête dans tes chansons !!” mais c’est aussi un peu triste que ça soit si surprenant…»

Conscient de son avenir prometteur dans un rap game de plus en plus aseptisé, le rappeur avance donc ses pions tout doucement, et avec minutie. Sa dernière mixtape, « Futurs Memoirs », a remporté un franc succès, notamment grâce à une communauté grandissante de jeunes hipsters fans qui s’identifient facilement aux introspections répétées d’Allan. Et ce ne sont pas là ses seuls supporters. Déjà soutenu par le groupe Flatbush Zombie, il se dit dans les hautes sphères du game que le jeune rappeur est observé avec attention par Mass Appeal, le label crée par Nas en 2014, qui abrite déjà Boldy James, Fashawn, Run The Jewels et…Bishop Nehru, l’autre sensation hip hop chez les newcomers.

Un featuring entre les deux jeunes rappeurs aurait vraiment de la gueule mais avant toute chose, Allan souhaite continuer sur sa lancée en développant son style, sa fanbase…et son business de customisation : « j‘ai une passion pour la customisation. J’aime customiser tout et n’importe quoi, des sapes, des voitures, des batiments… Ce n’est pas que j’ai des connaissances poussées dans ce domaines, c’est juste que j’ai toujours été dans la création, en général »La pochette de « Talk To Strangers », sa première mixtape, vous dit quelque chose ? C’est lui qui l’a dessinée. Indéniablement, ce gamin a du talent. Rendez-vous en 2015 pour en avoir le coeur net.

 

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