S’il est une figure persistante dans la mythologie du rap, c’est bien celle du copycat. Le wack MC. Celui qui copie. Qui imite, qui va jusqu’à « biter » (prononcez « baïter », bande d’esprits mal tournés), mordre le style d’un autre pour le régurgiter. À l’heure où les rappeurs ont l’oreille rivée sur les dernières tendances pour y coller au plus près, il est vrai que flows se refilent plus vite qu’une MST un soir de teuf à Ibiza. En attendant cette époque sans doute proche où une imprimante 3D sera en mesure de fournir une copie conforme de ton MC préféré, Fashawn et 20syl délivrent un track by the rules, où beat fat et flow imparable s’associent dans une énième chasse aux sorcières. Ça méritait que les intéressés passent de l’autre côté du miroir.
20syl aurait pu vivoter tranquillement à l’ombre du succès planétaire de C2C. Partir vivre aux Bahamas. Refaire un album d’Hocus Pocus. Lancer une marque de fringues. C’est oublier qu’en bon stakhanoviste de la musique, le nantais dépérit loin de sa MPC. « Je ne vais pas me sentir bien si je n’ai pas allumé mes machines et produit quelque chose dans la journée », nous raconte t’il. Peu étonnant dès lors, de le voir à nouveau endosser sa casquette de producteur pour le EP Motifs II, sorti sur On and On, son propre label. Projet solo sur lequel figure le morceau « Copycat » qui se voit adoubé par le flow de Fashawn, le chouchou de Nas.
Réalisé par le duo Will & Gab, le clip soutient les obsessions graphiques de l’artwork du second EP du leader de Hocus Pocus tout en apportant une narration évoquant la dualité entre copie et original. « Je trouvais intéressant le fait de faire apparaitre l’homme invisible qu’est généralement le beat maker. Du coup j’endosse le mauvais rôle, celui du « copycat » mais ce n’est que symbolique et les rôles s’inversent parfois. »
Il est vrai que les rôles, 20syl les cumule souvent. Tour à tour MC, beatmaker, graphiste, turntablist, réalisateur de clips, il n’en est pas pour autant un de ces control freaks qui refusent de lâcher le manche de l’appareil de temps à autre. « J’avais cette idée d’un clip avec de nombreux jeux de miroirs, des images fortes et très graphiques. On a légèrement décalé le propos de Fashawn pour évoquer la dualité plus que la confrontation directe de l’original et la copie. Je suis arrivé avec un carnet de références, des croquis et j’ai passé le relais à Will & Gab. Ils ont tout géré de la réal’ au montage. J’étais plus là pour apporter un regard global, avec du recul et être relou sur les petits détails qu’on sera les seuls à voir. »
Réussite visuelle qui ne doit rien au hasard quand on connait l’implication et l’exigence de 20syl. Mais au fait, Will & Gab c’est qui ? « Un choix humain avant tout, soutient-il. Je connaissais le travail de Will avec ses clips pour Soul Square ou Flying Lotus et j’avais vraiment envie de bosser avec eux. Quand Will m’a envoyé un extrait de leur court métrage, je me suis dit ‘Ok c’est eux !’ »
Will & Gab précisent que le plus compliqué à gérer a été le peu de temps imparti pour réaliser le clip. « Fashawn venait en France à une date précise, 20syl nous a proposé cette co-réalisation qu’une semaine avant. Après, le principe même de « Copycat » nous a complètement mangé le cerveau. Les différents habits, différentes positions, chaque plan devait être tourné avec toutes les combinaisons possibles. On se réveillait en sursaut la nuit en pensant marinière et champ / contrechamp. »
Les deux réalisateurs peuvent désormais dormir sur leurs deux oreilles… jusqu’à ce qu’un ou deux copycats s’emparent de leur style.