On faisait quoi en 6 ème déjà ? Ah ouais, on regardait les Minikeums en rentrant de l’école. On se tapait des gros paquets de BN, et on se disait que les graphismes de la 64 étaient quand même bien trop stylés. Classic shit, en somme. Trop peu pour Dinos qui lui, pendant ce temps la, s’amusait déjà avec le verbe et les adjectifs dans les ruelles de La Courneuve, à grosses doses de Panthéon dans les oreilles. Entre points et apostrophes, paragraphes et punchlines, portrait d’un jeune prodige.
L’histoire commence donc en Seine-Saint Denis, à La Courneuve. Un beau matin, Dinos tombe sur « Patate de forain ». Révélation : il prend aussitôt le stylo, et va commencer à gratter ses premiers textes tout seul. Très vite, il rencontre d’autres mecs du quartier, avec lesquels il va fonder le collectif Capsule Corp. L’émulation aidant, c’est son pote Beeby qui entend le premier parler des mythiques Rap Contenders. Dinos se précipite aussitôt. « J’ai voulu faire des battles, j’ai donc contacté Dony S (ndlr : créateur des Rap Contenders) pour tenter d’y participer. » Alors que les inscriptions sont closes, Dinos est intégré à la liste à la dernière minute. Sage décision de Dony, puisqu’il fait aussitôt l’unanimité chez les fans, qui voient en lui l’un des meilleurs clasheurs de France. Il profite de ses premières heures de gloire pour sortir son premier EP L’Alchimiste, réalisé en totale indépendance. Dinos a 19 ans.
« On m’appelle Dinos depuis tout petit, et un jour j’ai sorti Punchlinovic sans faire vraiment attention et je me suis dis que c’était vraiment lourd comme blaze »
A peine un an plus tard, désormais signé chez Def Jam France, le rappeur s’installe tranquillement sur le trône largement disputé des acteurs majeurs de la scène hip hop française. Il dit avoir pris le temps pour peaufiner avec sa nouvelle équipe son deuxième EP, Apparences, sorti le 14 avril dernier. « J’ai pris tout les sons que j’avais fait à l’époque, ainsi que quelques exclus ». Et visiblement, l’alchimie a fonctionné. Sans être tout à fait l’EP de la maturité, Apparences se révèle progressivement et plutôt intelligemment, entre instrus léchées et références bien senties à DBZ. Dinos se ballade entre les madeleines de Proust des kids des 90s pour parler de ce qu’il connait le mieux : son quotidien d’un gamin de 20 piges, avec un penchant prononcé pour les grecs et les Nike. « Je pourrais créer une religion autour des grecs, des sites porno et de Dragon Ball Z, j’appellerai ça le Punchlinologie ». On est prévenus.
Jamais happé par les méandres de la street cred’ ni rattrapé par la facilité, Dinos, qui n’est résolument pas le plus sombre des rappeurs, s’essaye néanmoins avec brio à la gravité avec « Paradis en Fer », et en profite pour balancer une pléiade de jeux de mots, injustement bien trop souvent délaissés des rappeurs au profit des figures sonores, plus efficaces à l’oreille. C’est peut-être ce qui fait la force de Dinos : sa singularité, la sérénité de son regard de gosse, mais regard quand même, sur un monde qui est pourtant tous le nôtre. Et s’il excelle dans un rap optimiste et n’hésite parfois pas à enchaîner les références un peu faciles, le Courneuvien se défend pour autant de céder aux sirènes du commercial : « À aucun moment j’ai voulu faire du single », rétorque-t-il quand on lui pose la question.
« Je pourrais créer une religion autour des grecs, des sites porno et de Dragon Ball Z, j’appellerai ça le Punchlinologie ».
Et ça marche : si Dinos a confondu le cours de Maths avec sa sieste, il a en tout cas pas du beaucoup manqué le cours de punchlines. Résultat, les onze titres d’Apparences glissent tout seuls, comme une bonne série de manga. Les 44 minutes écoulées, on a l’impression de sortir d’une bonne vieille semaine au lycée, entre carottes dans le RER, sandwiches à 10 heures du mat, rendez-vous chez le proviseur et dimanche relous, rythmées par deux trois poèmes pour les meufs et séances de taille légendaires. Classic shit, on vous disait.