En janvier 2016, SURL vous parlait du projet Amal qui réunissait 21 beatmakers de renom pour un EP dont les profits étaient reversés à l’association A Syrian Dream. Le rappeur Liqid, à l’initiative, n’a pas pris de repos depuis et était dès l’été 2016, en Jordanie pour initier une nouvelle idée. Wameed, (étincelle en arabe), co-monté avec Remy Dahi, entend bien éveiller et entretenir la créativité de jeunes réfugiés de la région en créant des ateliers musicaux axés entre autres, sur les techniques de hip-hop, de rap et de beatmaking.
Liqid et Remy sont donc partis à Amman en été 2016 pour tâter d’abord le terrain, repérer et former une team de coachs locaux. Ils sont alors mis en contact avec The Synaptik, rappeur jordanien déjà fortement sensibilisé au projet Amal. Sur la même longueur d’onde, le feeling passe tout de suite et The Synaptik amène ensuite dans le groupe l’artiste complet Emsallam, déjà bien identifié dans le rap arabe. Des artistes puissant, à l’image d’une scène hip-hop orientale riche et encore trop méconnue en dehors de leurs frontières. Une collaboration internationale, artistique et talentueuse se forme alors.
Wameed n’a pas été qu’un booster de créativité pour ces jeunes, mais l’a été également pour leurs coachs qui, à force de vivre ensemble ce projet fort, avaient tout naturellement besoin de l’exprimer à leur manière. De cette émulation artistique en sont sortis trois sons différents, qui mélangent parfaitement le hip-hop moyen-oriental et français. Rien n’était prévu initialement. Juste une rencontre artistique qui tombe à pic dans ces moments d’aventures intenses et d’émotions fortes. « Ces morceaux, c’était un peu le défouloir en réalité. Ce n’était pas prévu à la base mais on s’est rapidement retrouvé à installer un petit studio de fortune dans une des chambres, à faire du son et partager nos délires. » nous dit Liqid. Le projet Duwar Kilo, du nom du quartier dans lequel ils vivaient tous ensemble, naît, avec Liqid, Emsallam et The Synaptik en MCs, et Bonetrips aux prods.
Il n’est pas exclu que d’autres sons ensemble voient le jour. En attendant, voici en exclu sur SURL leur premier clip, « Arak Trap », réalisé par Monsieurtok. La vidéo, sombre, s’ouvre sur la télé qui annonce comme souvent là-bas, des mauvaises nouvelles d’attentats. Emsallam dans une camisole démarre quand des hommes essaient de l’empêcher de s’exprimer. Hasard ou pas, ce couplet avait été censuré dans cet endroit conservateur et tradi, il a donc été shooté sur une bande blanche sans parole. Pour cette ambiance particulière, les artistes ont choisi pour décor le marché yéménite d’Amman. Un endroit particulier où on ne vend que des manteaux et où on peut faire repasser ses chemises. La lumière y est sombre et les gens grouillent, fumant des clopes à la chaîne. Tourné en speed, quelques heures avant la fermeture du marché, le clip a nécessité la participation des jeunes des ateliers, des autres coachs vidéo comme Karam et Adrian Bernard qui cadrait, et même de la mère de Liqid et de ses amies.
A l’instar d’Amal, Wameed est un projet bien positif, qui montre encore les étincelles de vies et de créativité que contient cette partie du monde, contre tous ces événements. Duwar Kilo est annonciateur de beaux projets encore à venir : un vinyl à la rentrée avec les créations des jeunes lors des ateliers, et un documentaire sur toute cette démarche artistique et surtout humaine, réalisé par Adrian Bernard.