Son blaze fait penser à un plat servi dans un restaurant indien. Son blaze, c’est Denzel Curry. Sérieusement, quelle idée d’avoir accolé ce mot pas tès saucé derrière l’un des prénoms les plus célèbres des USA ? C’est presque un blasphème. Mais bon. Au fond, on s’en fout. S’il faisait de la mauvaise musique, on lui en tiendrait rigueur. Mais ce n’est pas le cas. Alors que son dernier album, Nostalgic 64 ambiance pas mal d’américains, il serait temps de passer à table, le temps d’une petite présentation.
Le jeune Denzel Curry n’a que 18 ans mais il a déjà un gros vécu. C’est vrai que les jeunes d’aujourd’hui adoptent la fast life, mais quand même… Originaire de Carol City, en Floride, – ça vous rappelle personne ? – c’est dans le Raider Klan de SpaceGhostPurrp que Curry fait ses première armes. Presque à se demander si finalement le Raider Klan représente le crew le plus actif et talentueux du game. Depuis que le Purrp est en froid avec son collègue en jupe longue A$AP Rocky, il s’est donné pour missions de mettre en lumière les MCs de son crew. On peut dire qu’il est sur la bonne voie. Même si certains de ces rappeurs ne font plus partie de la team, comme Denzel (syndrome G-Unit), ils sortent des projets à la pelle, sans renier leur passé dans le klan, en multipliant les shoutouts en direction de leur ancien coach.
C’est donc avec le Raider Klan que Curry a cuisiné ses premiers projets. Sous la bannière de sa team, il va sortir 3 grosses mixtapes, sous 3 blazes différents : King Remembered Underground Tape 1991 – 1995 sous le blase d’Aquarius Killa, King Of The Mischievous South Vol 1 Underground Tape 1996 sous le blase de Raven Miyagi, et Strictly 4 My R.V.I.D.X.R.Z. (1993) sous son blaze actuel, Denzel Curry. Comme King Krule, il a eu du mal à se fixer un pseudo. Enfin bref. Ce qu’il faut retenir ici, c’est l’extrême productivité du gamin. Dans la lignée de ses potes du Klan, il est défoncé au hip-hop. Il lui faut sa dose de musique pour se sentir vivre. Ses projets ne sont espacés que de quelques mois et sont toujours bien fournis. En plus, on a droit à de jolies pochettes, qu’il confectionne lui même. Son dernier projet Nostalgic 64 est l’exception qui confirme la règle, puisqu’il ne possède que 13 morceaux. Le truc, c’est que ces 13 morceaux sont très épicés.
Nourris depuis sa plus tendre enfance aux Hot Boys, Outkast, Soulja Slim et autre Master P, le jeune Curry s’est inspiré de ces figures pour concocter sa musique. Mais ce n’est pas tout. Dans une interview, il avance qu’on pourra retrouver du Odd Future, du Three 6 Mafia, du Kid CuDi et même du Bone Thugs & Harmony dans sa musique. Soit une grande variété de style. En même temps c’est la marque de fabrique du Raider. Des morceaux originaux, travaillés, que t’entendra jamais ailleurs. On peut le vérifier sur son dernier album.
On retrouve inévitablement l’empreinte du Raider Klan, avec des morceaux sombres, des sonorités sorties d’un film d’horreurs et des basses capables de te rendre cardiaque. Ainsi, quand on se prend le morceau « Dark & Violent » dans l’oreille, on se demande si on va pas se faire flinguer en allant aux toilettes. Ou alors quand on laisse une oreille sur le violent « Mystical Virus Pt. 3 » en feat avec Lil Ugly Mane et Mike G. On se met à prier tous les dieux existants de nous laisser sain et sauf. L’instru joue un rôle évident dans la noirceur de ces morceaux, mais il faut aussi souligner les prestations de Mike G et Lil Ugly Mane, qui traversent la track comme des fantômes. De vrais fantômes, avec des flows sortit d’outre-tombe. Et le cauchemar n’est pas encore finit. Arrivé à la track « N64 » on se met à prier encore plus fort.
Dans toute cette noirceur on peut quand même apercevoir quelques éclaircies, avec des morceaux plus posés, moins invectivants, des morceaux qui ne nous font pas croire qu’on va avoir la visite de la faucheuse ce soir. Ainsi, le morceau « Like Me », en feat avec Steven A Clark, qui pose un refrain chanté sans bavures. La prod, elle, est chatoyante, quelques peu joyeuse tout en étant spleenesque. Même Denzel se met à chanter. Mais aussi le morceau « Denny Cascade » servi par une prod plus qu’engageante, incitant à la consommation de produits qui font planer. L’ambiance générale de l’album reste tout de même pesante, et la dernière track du projet est là pour nous le rappeler, avec ses sonorités à la limite du supportable.
On voit alors que même s’il a quitté le Raider Klan, Denzel Curry reste marqué par l’empreinte musicale développée par le crew. Un mélange inspiré par la vie délicate des jeunes de Carol City et par les sonorité du hip hop old school. Il tente toute de même l’émancipation (ah, ces gosses) avec 2-3 morceaux plus relâchés. Pour un résultat plutôt réussi. On prend du plaisir à écouter des instrus qui sortent de l’ordinaire. En bref, Nostalgic 64 est un projet bien équilibré et sans fausses notes. Après, il faut accrocher à son univers. Nul doute que vous serez converti après avoir écouter l’album en streaming. En tout cas, Curry a à peine 18 piges mais sa progression est fulgurante. A tel point qu’un jour, il pourrait bien faire de l’ombre à l’autre Denzel. Et pourquoi pas donner son nom à un plat indien.