Des années qu’on attendait ça. Au moment où on n’osait plus l’espérer, X-Men l’a fait. Hill.G (ou Ill, au choix) et Cassidy reprennent du service avec la sortie imminente de Modus operandi, un EP qui devrait faire mouche. Convaincu que le duo originaire de Ménilmontant, a encore des cartes à jouer sur la scène hip-hop, Hill G revient pour SURL sur l’épopée des poulains de l’écurie Time Bomb, en passant par la case futur.
SURL: En tant que groupe, pourquoi s’être éloignés de la sphère hip-hop ?
Hill.G : Honnêtement, il n’y avait pas de raisons particulières, on était jeunes à l’époque, on avait 20 ans. C’était simplement le rythme de la vie à ce moment là. On avait d’autres occupations, familiales et autres, tout simplement. Entre temps, on a aussi bossé sur des projets solos.
D’ailleurs, tu prépares aussi un album solo, c’est pour quand ?
Oui, mais pour l’instant j’ai mis mon projet individuel entres parenthèses. D’ailleurs, faire du son ensemble ne nous empêche pas forcément de rapper seuls: sur cet EP, il y aura aussi deux morceaux solos respectifs. Le fait d’être actif avec X-Men, ça me nourrit aussi en tant qu’artiste solo.
Vous appréhendez le retour ?
Moi, pas du tout, surtout quand je vois à quel point Cassidy est motivé et affuté, sur les idées, autant que sur le travail. Ce qu’on appréhende tous les deux, c’est la promotion de ce nouveau produit. On veut que les gens sachent ce qu’on prépare. On a plutôt hâte de retrouver la scène, de faire du son, des vidéos, des courts-métrages…bref de faire des bons morceaux et de bien les illustrer.
Je suis un peu comme les sportifs qui reprennent la compétition: je suis curieux de savoir si on saura revenir « en forme »
C’est un défi de revenir sur le devant de la scène ?
Oui, mais c’est un moteur de savoir que les gens nous attendent. Il y a un coté challenge artistique et un côté challenge personnel, dans le sens où on aussi envie d’en découdre avec nous-mêmes. Personnellement, avec le temps qui a passé et le renouveau qu’il apporte, je suis un peu comme les sportifs qui reprennent la compétition: je suis curieux de savoir si on saura revenir « en forme ». Mais au fond, on ne s’inquiète pas trop pour cet aspect, parce qu’on est satisfait des morceaux qu’on a produit. Et puis, ça fait partie du côté politique de chaque individu, on a envie de participer à ce qui se joue.
En parlant de politique, est-ce que le contexte actuel vous a poussé à revenir ?
Non, parce que ça n’a rien de nouveau en fait. Il y a toujours des choses qui se passent en politique. Tu vis avec, donc soit tu les interprètes en musique, soit tu n’en fais rien. On n’aime pas non plus cibler des personnalités politiques en particulier, mais plutôt évoquer des problématiques générales et passer un message global. Quand tu vises une personne en particulier, ça lui donne surtout de l’importance. Au final, ça dessert la cause plus que ça ne la sert. Ça crée des polémiques inutiles. Il m’est arrivé une fois de parler de Sarkozy dans une mixtape et je m’en suis rendu compte. En ce qui concerne le contexte politique, je ne suis pas historien pour évaluer son évolution, mais ce qui est sûr c’est que la liberté d’expression est encore largement bafouée.
Qu’est-ce que tu penses de la scène hip hop actuelle ?
J’ai pas forcément eu de coup de cœurs récemment, il y a des exceptions, sur un morceau, ça peut arriver. Je trouve que certains artistes ont su s’affirmer par leur style, comme Stromae. Dans un autre registre, j’ai beaucoup aimé l’album de Christine and the Queens. Quand tu l’écoutes au casque, c’est magnifique ! En tant que mec qui fait partie de l’industrie musicale, j’ai aimé la précision du travail. Il y a des gens qui travaillent bien dans le rap aussi bien sûr, mais là j’ai trouvé ça fin. C’est un mélange qui me rappelle les sonorités des années 1970/1980.
Ça vous tenterait de collaborer à nouveau avec des artistes de l’époque Time Bomb ?
Ça peut nous intéresser dans le futur, mais pour l’instant on se recentre sur nous deux. J’étais sur un projet solo depuis longtemps et on a pensé à se reformer à plusieurs reprises, sans concrétiser le truc. Cette fois le timing était bon, on a vécu des expériences chacun de notre côté et on est tombés d’accord. Notre relation fait qu’on fonctionne comme ça: on a besoin de faire de la musique ensemble. C’est un projet de vie dans lequel on s’épanouit. Ça nous fait plaisir et ça fera plaisir à ceux qui apprécient notre musique.
L’aventure Time Bomb a finalement été assez courte et intense (deux ans), mais vous avez marqué plusieurs générations d’amateurs de rap, vous en êtes conscients Cassidy et toi ?
On n’en était pas conscients du tout sur le moment, jusqu’à ce que quelqu’un nous le fasse remarquer il y a quelques mois. A l’époque, on se disait juste: « Ça change de ce qu’il y avait avant ». On a finit par s’en apercevoir aussi à travers l’âge des gens qui nous écoutent, qui sont issus de générations différentes. Les jeunes d’aujourd’hui restent aussi choqués, certains sont spécialistes du rap « à l’ancienne », de l’âge d’or: ils aiment ça, pour eux c’est vintage, c’est différent. Un peu comme quand on écoutait de la soul plus jeunes. Je pense qu’on a aussi marqué les esprits grâce à la langue qu’on utilisait. On avait une certaine liberté de ton et chacun apportait une facette de sa personnalité: l’écriture soutenue pour Oxmo, l’écriture maligne et dangereuse pour Booba.
Il fait partie des artistes qui ont opéré un virage à 180 degrés, est-ce que c’est un passage obligé ?
Justement, c’est ce qu’on a envie de voir. Nous, on est convaincus du contraire. Après, chacun sa recette, sa manière de faire. On a pas fait de musique depuis un moment, en partie parce qu’on ne pense pas comme ça. On n’a pas participé à tout ça. Le fait de revenir maintenant, ça nous fait considérer le hip hop comme une chose neuve. Nous aussi on a des choses à faire valoir, cette fois plus en tant que jeunes qui se sont mis à rapper un peu par hasard. Maintenant, on prend conscience de l’enjeu. Ça devient intéressant, vu qu’apparemment un certain manque n’a pas été comblé et que le hip hop ne s’est pas développé tant que ça. On estime avoir encore des choses à dire et c’est comme ça qu’on a entamé un processus de retour il y a deux ans.
Pour ceux qui se demandent si on fait encore du X-Men, la réponse est oui, sauf que c’est du X-Men version 2014.
A quoi on peut s’attendre avec ce nouvel EP ?
On a vraiment essayé de mettre en valeur l’intensité des émotions qui passent souvent au second plan. On dénonce les faits en leur apportant une touche de style et de culture pour valoriser les sentiments. Pour ceux qui se demandent si on fait encore du X-Men, la réponse est oui, sauf que c’est du X-Men version 2014. On espère vraiment que ceux qui aiment ce qu’on a fait jusque là apprécieront.
C’est quoi le modus operandi des X-Men ?
C’est plus une interrogation qu’un mode d’emploi. On s’intéresse à la manière dont les choses se font, tous domaines confondus. En gros, la question qu’on se pose, c’est: « quel est ton style ? ». Que ce soit au travail, en couple ou même quand t’es un voyou et que tu veux réussir un gros coup.
Qu’est-ce qui a changé depuis les débuts d’X-Men ?
J’ai gommé mon accent américain, un peu à la one again ! Disons que le phrasé est plus rationnel. Il faut écouter pour s’en rendre compte. Je ne pensais même pas qu’on referait du son, mais on a le sentiment d’être sur la bonne voie. On met en pratique les connaissances qu’on a acquis et on affine notre produit.
X-Men, c’est comme le bon vin ?
On peut dire ça comme ça ! En tous cas, c’est étonnant, les années ont passé et le mouvement a évolué, mais on sent qu’on nous a quand même laissé beaucoup de place.
Merci à Hugo Giolat pour le hook up. Les X-Men seront en concert au Blogg, à Lyon, le 20 septembre prochain.