Le pantalon léopard de Lil Wayne porté sur la scène des MTV Video Music Awards. La blouse Céline de Kanye qui a autant fait parler que sa performance à Coachella. L’évolution stylistique des rappeurs vers des looks de plus en plus unisexe ouvre la voie à de nouvelles marques qui brouillent les pistes. Pourtant, cela fait plusieurs années que les créateurs transgressent déjà cette frontière vestimentaire. Focus sur la mode androgyne.
Quand en 1910, Rudyard Kipling proclamait « Tu seras un homme, mon fils », il ne se doutait pas que le fils en question allait défiler en robe pour les plus grand couturiers du XXIème siècle. Alors que la littérature britannique est empreinte d’un certain conservatisme, outre-Manche le monde de la mode défraie la chronique et libère la femme de son étouffant corset.
Cent ans plus tard, les créateurs de mode devancent toujours la société, et bien avant les débats sur l’introduction des gender studies dans les manuels scolaires les grands noms de la mode jouent avec la notion de genre. Début des années 2000 : Hedi Slimane, remet la mode rock au goût du jour avec le trio Blazer/Slim/Derby et donne à ses modèles une allure androgyne . Dès lors les créateurs bouleversent la notion traditionnelle du genre et de l’identité. C’est le Givenchy de Ricardo Tisci qui va marquer brutalement cette nouvelle ère dans l’art de la mode androgyne, avec sa campagne Confusion des genres. Ses affiches diffusées en 2010 mettent notamment en scène la mannequin transsexuelle Léa T. Troublant.
Dans le même temps, Jean Paul Gaultier utilise l’ancienne nageuse et mannequin française Casey Legler pour présenter sa collection homme, puis habille habille le serbe Andrej Pejic, du saint Graal de la mode : la robe de marié.
Plus timide, certaines marquent ont suivis le mouvement des podiums, en proposant des morceaux de vêtements « unisex » à des prix abordables.La marque Britannique Religion baigne dans l’ambiance rock-androgyne et propose pour hommes des vestes dont les coupes cintrés rappellent les pièces que l’on retrouve dans les rayons de mode féminines. Toutefois, les marques populaires se font encore rare et demeurent tournées vers une clientèle précise Homme ou Femme, plutôt que des collections identiques indépendantes du sexe du client.
Le fantasque Jeremy Scott est probablement le seul créateur qui propose une totale égalité vestimentaire, en dehors du monde de la Haute Couture. Dans sa boutique en ligne, on trouve trois catégories de vêtements « Hommes », « Femmes » et « Hommes&Femmes ». Dans cette dernière section, qu’importe le genre des modèles, tous portent autant la minijupe en cuir, que le pull oversized.
Un filon de la mode androgyne plus en plus exploité par de nouvelles marques émergentes. Les enseignes américaines Wildfang et Veer NYC, s’adressent aux femmes androgynes qui ne se retrouvent plus dans les rayons femmes, mais pour lesquelles les vêtements hommes ne correspondent pas. Aucunes concurrences entre les deux marques. Basée à Portland, Wildfang s’entoure de la crème du Tomboyland pour présenter sa collection: Hannah Blilie la batteuse du groupe Gossip ou encore la footballeuse US médaillée d’or au dernier JO, Megan Rapinoe. Très West Coast, les vêtements défendent un esprit décontracté : jeans boyfriend, Tshirt large et chemise à carreaux. La New Yorkaise Veer NYC, donne plus dans l’élégance, jeans slims, tee-shirt près du corps et veste en cuir. Coup de coeur personnel pour leur sweat à l’esthétique boyish, mais dont la coupe reste adaptée au corps féminin.
Aujourd’hui, la chanteur britannique Rita Ora prouve qu’elle porte les chemises en flanelles et les shorts de Pyrex aussi bien que Kanye, lequel n’a d’ailleurs pas forcément assumé jusqu’au bout son kilt porté à quelques reprises, pendant la tournée Watch the Throne. Il aurait même exigé que toutes les photos de lui portant cette pièce soient virées des Internets. Ca montre encore la pression qui entoure ce genre de tentatives, même concernant un artiste mondialement connu.
Les icônes de la pop culture actuelle influent considérablement sur cette évolution, notamment lorsqu’un A$AP Rocky se rend à l’émission 106 & Park vêtu d’une robe.
If fashion is your life and that’s what you like and that’s what you’re about, express yourself, wear what you want and nothing matters, nobody else opinions matter.
On est encore loin de la robe de marié pour homme, mais on salue quand même l’effort des marques et des jeunes créateurs de vouloir abolir les stéréotypes genrés. Histoire de permettre à chacun d’assumer sa propre identité, quels que soient les goûts de chacun.