La galerie Fresh Paint, pour ceux qui ne connaitraient pas encore, est un espace d’exposition à Montréal accueillant des artistes issus des cultures graffiti, street art ou encore de l’illustration. Sur SURL, on vous a déjà parlé de plusieurs de ses artistes mais au rythme d’une exposition tous les deux mois et d’une dizaine d’artistes par expo, il est difficile de vous faire découvrir tout les talents qui se cachent derrière les murs de la Fresh Paint Gallery. Mais puisque nous sommes des gens biens, on vous fait partager les artistes qui nous ont particulièrement marqué. Une ligne directe entre l’hexagone et le pays du caribou.
Cette fois-ci on part à la découverte d’Opoze, petit gars d’chez nous, exilé à Montréal !
Selon plusieurs chercheurs, les enfants ont tendance à imiter leurs parents dans les moindres gestes. Pour les enfants de familles en difficulté, ça peut parfois poser problème. Dans le cas d’Opoze, exposé à la musique classique et aux effluves de la peinture à l’huile des natures mortes et des paysages de sa mère, l’effet a été plutôt positif. À dix ans, il s’amuse déjà à créer ses premières bandes-dessinées. Rapidement, l’attrait du « cool » fait de lui un gars de roller, donc de skateparks… et qui dit skatepark, dit forcément graffiti.
Il déménage de Saint-Quentin en France à Alès pour le lycée vers 15 ans. Une fois, dans une bâtisse abandonnée, il décide de peindre par-dessus un mur semi-graffé qui s’avère être la fresque en cours d’un autre graffeur. Un ami de sa classe, qui faisait les trains à ce moment-là, lui dit qu’il l’aime bien et qu’il veut lui donner un coup de pouce. Opoze commencera alors réellement à peindre avec cet ami graffeur du collectif WHO. Puis, pendant un temps, l’artiste prend un recul face au graffiti et se lance plutôt dans la musique avec un band rock nommé DillemmE.
Avant qu’il ne parte pour Montréal, celui qui était devenu Opoze tombe dans l’illustration jeunesse. Ce type d’illustration, du moins à ce moment-là, amène un vent de fraîcheur et de liberté dans son parcours artistique. Son arrivée au Québec, à l’âge de 25 ans, lui redonne le goût de peindre sur les murs. Mais avec un visa étranger, et l’envie de ne pas se faire jeter du pays, il privilégie la toile au béton. D’ailleurs, à ce moment-là, Opoze a déjà abandonné la bombe et ne jure que par l’acrylique dans un style qu’il décrit comme reprenant l’essence même du graffiti. Un style ou coulures et projections se mélangent à l’illustration jeunesse et à la pop surréaliste. Influencé par Gutter, Bom K, Dran, Tim Burton, Edward Gorey, Mark Ryden et Camille Rose Garcia, celui qui dessine depuis tout petit, affiche maintenant un style bien à lui et reconnaissable au premier coup d’oeil de par les grands yeux sans vie de ses personnages.
« Moi, ce que je veux, c’est que l’image parle d’elle-même tout simplement. Je laisse à la personne qui regarde la liberté totale d’y voir ce qu’elle veut. […] C’est bien de faire l’ermite dans son atelier, mais de temps en temps, c’est bien aussi d’avoir le regard des gens sur ce que tu fais et pouvoir avoir un contact direct avec eux devant le fait accompli. »
Opoze peint beaucoup pour lui-même, en mode peinture automatique tout en restant figuratif dans ses toiles. Il cherche à évacuer sa propre tristesse et créer une réaction chez celui qui passe un moment devant son travail.
Arrivé par hasard à l’ancienne galerie Fresh Paint, Opoze découvre le festival Under Pressure et les Beaux-Dégâts. Habitué du live painting, le concept de l’éphémère lui plaît : c’est l’essence même de la rue. Hasard ou véritable singularité de l’artiste, l’éphémère, la mort et le renouveau sont des thèmes récurrents dans l’exposition d’Opoze, nommée “Sombre et colorée”. En effet, on y retrouve un univers d’automne très coloré , une saison ou les choses meurent pour mieux renaître, tout simplement. Autre particularité, ses personnages sont également porteurs de plusieurs couleurs, mais traînent pourtant une tristesse palpable. Enfin, l’exposition est accueille un univers très inspiré des cabinets de curiosité : caissons de bois, petit crâne, vieille valise et bocaux en verre tendent à appuyer le côté glauque et étrange de ses peintures.
Pour l’artiste de Saint-Quentin, le graffiti c’est la base. Maintenant, que nous nous trouvons à l’époque d’une évolution et d’une ouverture d’esprit sans précédent, il ne faut pas lui mettre de barrières. «Parce que la base même du graffiti, ce n’est pas le fait de peindre à la canette; c’est le fait de peindre sur un mur, peu importe le médium. C’est le fait d’aller vandaliser un mur […] et avec un pinceau comme une canette, c’est la même chose.»
Photos et article par Zoé Bélisle-Springer.