Vendredi 6 avril, 18h. Comme nous vous l’avons déjà expliqué hier, L’Original Festival, c’est bien plus que des shows, même si ces derniers viennent véritablement ponctuer ces journées follement hip hop organisées par le collectif.
La projection du film de La Rumeur « De l’encre » inaugurait cette deuxième journée du festival, avec la présence d’Hamé pour présenter ce film contant l’histoire fictive de la rappeuse Nejma, prise au piège dans l’industrie de la musique. « De l’encre est un drame musical rap. Le premier du nom en France. Il nous fait explorer les arcanes du music bizness rap », comme le décrit Hamé, que nous avons eu la chance d’interviewer un peu plus tard dans la journée. Plus de 150 personnes avaient fait le déplacement au cinéma Comoedia, et tous en sont sortis avec des réactions positives quant au travail des deux membres de La Rumeur.
Un peu plus tard, le 81 Store et Spacejunk, une galerie d’art lyonnaise, proposaient dans le cadre du festival la « Cap Street Party » [référence à leur emplacement géographique, dans la rue des Capucins]. L’artiste graffeur Mosa, lyonnais d’origine, était à l’honneur à l’81 Store en proposant une exposition mélangeant peinture aquarelle et sérigraphie, pour créer un univers apocalyptique mélangeant science-fiction et comics des années 80. Sur le trottoir d’en face, changement d’ambiance à la galerie Spacejunk avec l’exposition collective « Circus Circus », regroupant sculpture, peinture, photo et taxidermie sur le terme du cirque. Le cirque, c’est hip hop ! N’en doutez jamais ! Les responsables des deux expositions nous rappellent qu’ils proposeront aussi des évènements pour le Street Day. Tant mieux, nous reviendrons.
20h, Transbordeur, nous voilà. Après Orelsan, Sefyu et Linso la veille, c’est au tour de Demi Portion, jeune rappeur de Sète au buzz fou sur le net, de Kohndo, membre du célèbre groupe de la Cliqua et surtout d’IAM, groupe qu’on ne présente plus tellement les marseillais se sont hissés au rang de demi-dieux. C’est à Demi Portion qu’on a confié la lourde tache d’ouvrir les hostilités, mais attention, le cadet de la soirée n’est pas nouveau dans le milieu. Assez réservé en coulisses, le emcee est complètement extraverti sur scène. C’est une première pour nous, mais une première dont on se rappellera longtemps. L’artiste à l’accent chaud mêle rimes sévères et performances scéniques surprenantes, on le sent à l’aise, dans son élément, lui qui semblait si discret face à notre caméra. Mais le public de ce deuxième show est bon, et Demi Portion leur fait plaisir. « Le mec m’a retourné le cerveau ! », hurle un trentenaire venu pour les autres rappeurs du Sud présents sur le même plateau. « Sur certaines chansons, il m’a mit des frissons. »
Vient le tour de Kohndo, le néo-soul/jazzman au flow léché à souhait. L’ambiance change, c’est plus funky, plus soul, toute la foule fait un « L » avec la main pour représenter La Cliqua. Très rapidement, le public se laisse entrainer par les instrus rythmées de l’artiste, et l’on sent que ce dernier connaît ses gammes. Entre refrains chantés avec un soupçon de soul à des morceaux bien plus hip-hop, tout son catalogue y passe, et sa polyvalence s’exprime. Sur scène, les chanteurs installent une ambiance feutrée, un petit gout de « New Orleans », une atmosphère jazzy. L’auditoire se laisse balader par Kohndo et son backer, et tout le monde semble juste heureux d’être là. Plus le concert progresse et plus l’excitation monte, comme pour repousser le public dans ses retranchements. Kohndo est bon, et le public est maintenant euphorique.
Tant mieux, parce que l’euphorie est un minimum pour se préparer au show suivant. La dernière fois qu’IAM a joué au Transbordeur, c’était il y a 20 ans. L’Original a voulu frappé fort, et les fans ont été réactifs : le show affichait complet, au grand dam de ceux qui espéraient chopper une place à l’entrée. Les marseillais se font attendre, le public scande leur nom. 1700 personnes sont réunies, des connaisseurs et des plus jeunes, tous désireux de voir ses monuments sur scène. DJ Fab annonce leur arrivée, et la salle explose. Akhenaton et Shurik’n débarquent, la salle pleure. On a rarement vu ou connu telle ferveur pour un groupe de rap, une telle passion. Après le concert d’Orelsan la veille, nous pensions qu’il serait quand même difficile de faire mieux, mais avec IAM, « au-dessus c’est le soleil ». Les marseillais connaissent leur boulot, entre moments complices avec leur public et morceaux classiques du groupe : on sent qu’ils savent comment enflammer un show. En passant par « L’école du micro d’argent », des morceaux plus récents du groupe ou encore des sons des albums solos d’AKH et de Shu’, tout y passe, et tout le monde semble aux anges.
L’Original a offert à son public, encore une fois, une soirée inoubliable. Le genre de truc qu’on ne vit qu’une fois dans une vie, ou presque. Trois styles de rappeurs, trois ambiances bien définies pour un public conquis. Belle équation.
Si les mots et les images ne suffisent pas, on ne saurait vous conseiller de mater la vidéo faite, encore une fois, par Eczema Production.