Ambiance « Coldest Winter » à l’entrée du Zenith. La file d’attente se pèle les miches, nous y compris, en attendant de pénétrer dans l’antre parisienne pour le concert unique de Kanye West. Un show annoncé au dernier moment, un vrai coup de communication, à peine 6 mois après la venue de Yeezy et son « big bro » Jay-Z dans le cadre du monumental Watch The Throne Tour. Sauf que pour l’instant, il caille comme jamais et qu’une heure après l’ouverture annoncée des portes, les trois quart de l’audience gèlent toujours dehors. Une file d’attente Disneyland, de la rigolade à côté de cette mission survie. Ne vous inquiétez pas, tout le monde finira bien par rentrer, de toute manière le live ne débutera que deux heures plus tard.
On pouvait se poser quelques questions sur la scénographie, mais les vidéos de ses passages à Atlantic City ou plus récemment Londres avaient un peu spoilé le sujet : du blanc écarlate et des paysages illustrant la puissance de Mère Nature. Un décor minimaliste et de multiples écrans, sobre mais impressionnant. Installé seul sur scène, tel une divinité sur sa montagne, Mr West déferle les éléments au fil de ses chansons, comme lors qu’il fait tomber littéralement de la neige sur la fosse pendant « See you Will » et « Heartless ». Cette fois, il ne partage pas le trône. Les choix stylistiques symbolisent la schizophrénie créative du bonhomme : tantôt camisolé et masqué tel un monstre sorti de sa tanière tantôt sublimé par une cagoule Margiela sertie de diamants, ses costumes de scènes détonnent. Une ambiance vraiment envoûtante, moins frénétique que WTT mais pas moins captivante.
Dommage que ses perpétuels monologues ne détonnent pas autant. Les « Rant » de Kanye, on commence à les connaître, des discours plus ou moins épiques et répétitifs, souvent déformés par son vocoder. Ces interludes ne datent pas d’hier, sauf qu’ils en deviennent vraiment interminable. Un bon quart d’heure à la fin de « See You Will » / « Heartless », un freestyle interminable à la fin de « Clique », puis un « Runaway » étiré jusqu’à en faire claquer le piano. Trop de mégalomanie tue la mégalomanie. Qu’il se compare à Basquiat, Walt Disney, Michelangelo ou Steve Jobs, soit, ça me fait marrer ; mais qu’il gueule vingt fois qu’il adore détester ses détracteurs, que c’est dur à vivre d’être un « motherfucking asshole » et qu’on peut lui pomper le dard, ça saoule franchement. Surtout vu le prix des places.
Pour le reste, ‘Ye reste un performer et un perfectionniste comme on en trouve assez peu dans la musique et le hip-hop. Deux heures de live parsemé de moments épiques (« Stronger », « All of the Lights », « Cold » ou l’immortel « Can’t Tell Me Nothing »), malgré un public parfois complètement paumé sur « Birthday Song » ou « I Don’t Like ». Un public qui pour une partie n’attendait que « Niggas in Paris », certainement trop déçu de ne pas avoir assisté aux concerts à Bercy (?). C’était déjà peu probable que Kanye le tente en solo, ça n’a pas manqué. Malgré l’insistance de l’audience, Kanye s’est contenté d’un simple « Gold Digger » en rappel, pas même de « Touch The Sky », avant de s’en aller. Une fin assez abrupte, lui-même n’a pas du anticiper cette exigence de ses fans.
Qu’il n’ait joué aucun titre de son projet en duo avec Jay-Z, ça ne me surprend pas et franchement je m’en tamponne un peu. Le gars possède une discographie déjà folle à lui seul, il a joué des tracks récents (issus de « Cruel Summer »), puis il ne faut pas tout confondre : les artistes qui entament une carrière solo ne passent pas leur temps à jouer les titres de leurs groupes précédents et personne ne s’en plaint généralement. Logique qu’en achetant les places on n’exige pas du « Otis », « No Church in Wild » et consorts. Il n’en reste pas moins qu’il a un peu foiré sa sortie, laissant un goût d’inachevé même à ceux qui n’attendaient pas le banger de Hit-Boy.
Heureusement, comme il nous a annoncé qu’il reviendrait avec du « new shit », on risque de le recroiser assez vite, pour le meilleur et pour le pire.