Les modèles économiques liés au monde de la musique sont en pleine mutation, et l’époque ou tu guettais la sortie d’un album chez ton disquaire, elle, belle est bien révolue. Mis à part quelques irréductibles adeptes des feuillets CD ou des sillons du 45 tours, la plupart des consommateurs semblent avoir pleinement adopté la dématérialisation. Si certains artistes et maisons de disques comptent aujourd’hui sur les supermarchés du numérique comme Itunes, Deezer ou Spotify pour promouvoir leur musique, d’autres ont pris le pari d’emprunter des chemins plus radicaux.
Grand bien leur en fasse : sur la page d’accueil du site « The Pirate Bay », j’ai eu l’agréable surprise de découvrir Reverie & Louden. Certes, les artistes sont nombreux à avoir épousé le modèle gratuit pour écouler leurs mixtapes, mais de là à faire sa promo sur TPB, il fallait oser. En réalité, le choix de l’américaine relève peut-être plus de l’acte militant qu’autre chose. Quoi qu’il en soit, cette forme de « publicité alternative » m’a permis de découvrir une chica pleine de talent et d’énergie. Alors après avoir découvert qu’elle était de passage sur Paris pour son « Russian Roulette Tour », je me suis fait une mission de la voir se déchainer de mes propres yeux.
Je me pointe en début de soirée que devant la salle du Nouveau Casino, impatient de voir ce que l’artiste a en stock pour le public parisien. Alors que je pénètre dans la salle, une jeune fille noyée dans un large hoodie est déjà plantée derrière les platines. La salle est plutôt vide pour le moment, ce qui ne l’empêche pas de poser un très bon set, mélangeant musique du monde, hip-hop et électro. Sa performance est accompagnée d’une séquence video dans un pur style « Bollywood sous LSD », une véritable expérience métaphysique.
À la suite de ce voyage un peu cosmique, c’est le guest de la soirée Self-provoked qui est en charge d’assurer la première partie. Alors que la salle se remplit, le Mc, originaire de la Sun Valley, déroule un flow rapide et saccadé. Démarche qui n’est pas sans rappeler les débuts d’un certain… Marshall Mathers. Entre démonstration technique et exercice de style, le rappeur outrepasse son statut de mise en bouche artistique pour proposer un show à part entière.
C’est alors que la divine Reverie surgit sur le devant de la scène pour s’emparer du micro. Elle annonce la couleur : sa voix est quelque peu éraillée, et son verre n’est pas rempli de booze mais de thé vert au ginseng. Je crois que dans un concert hip-hop, ça s’appelle avoir des bollocks. Mais dès les premières rimes on oublie tout. Presque habitée par une force supérieure, Reverie pose son verbe avec inspiration et détermination. Elle commence par enchaîner les classiques de sa discographie, comme le très jazzy « It is what it is » ou l’excitant « Palm Trees ». La salle du Nouveau Casino se laisse volontiers séduire, et la soirée évolue dans une ambiance chaleureuse. Réclamée par une foule compacte, Reverie est rappelée deux fois et conclu en apothéose sur une instrumentale très typée trap music, qui, je dois vous l’avouer, m’a laissé pantois. Appuyée par les tracks de son très talentueux frangin, Louden, l’artiste originaire de Los Angeles a assurée un show irréprochable.
Et ce n’est pas le public du Nouveau Cas’ qui viendra dire le contraire.
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Reverie se présente comme une figure incontournable du rap féminin. Avec des artistes telles Gavlyn ou Kreyshaw, la tranche des chromosomes XX du hip-hop semble avoir encore de beaux jours devant elle. Nous garderons alors un oeil ouvert sur les nouveautés concoctés par ce microcosme mélodique. En attendant cela, je vous invite à vous jeter sur l’album « Russian Roulette », et à mettre, vous aussi, un peu de rêverie dans votre vie.