Oz, portrait brut de l’état de nature

jeudi 1 janvier 2015, par Vincent Tonnerre.

Le retour à l’état de nature décrit par Hobbes : un état sauvage, de violence, incompatible avec les exigences d’une vie humaine. Avant de dévorer Oz, je me souviens avoir longtemps hésité à regarder des taulards se tripoter sous la douche. Pendant une après midi de dépérissement, j’ai décidé, moi aussi, de purger ma peine. Depuis, « suce ma bite de taulard » et « prag » sont des expressions récurrentes dans mon langage quotidien. Un illustration trop simpliste de la force de cette série, je vais donc développer.

Oz, ou la série la plus violente, gore et crue du petit écran. Série culte de la fin des années 90 et du début 2000, créée par Tom Fontana (Homicide, Borgia), Oz était au moment de sa sortie the série événement sur le milieu carcéral. Aujourd’hui, elle reste une référence en la matière. Violente, immersive et sans pitié, Oz est le TV show qui fait passer Prison Break pour un conte de préadolsecents bien-pensants – les pauvres frères n’auraient pas résisté deux jours sans se faire violemment sodomiser dans des douches accueillantes aux heures de grand trafic.

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Oz s’attache donc à dépeindre l’univers carcéral américain dans ce qu’il a de plus extrême. Le pénitencier d’Oswald se divise en plusieurs quartiers, mais la série se déroule principalement à Emerald City, une unité spécialement dédiée à la réinsertion progressive des prisonniers. Tim MacManus, directeur de cette section et idéaliste affirmé, interprété par l’acteur Terry Kinney, cherche avant tout à faire cohabiter tous les détenus quelle que soit leur origine ethnique ou le crime qu’ils ont commis, afin de faciliter leur éventuel retour à la vie en société. Emerald City offre ainsi plus de liberté aux détenus que n’importe quelle autre unité. Mais la rédemption est-elle possible ? C’est le leitmotiv de la série. Oz est construit comme un huit clos étouffant et dérangeant où chaque prisonnier doit lutter dans cet univers où se côtoie la haine, la peur et la mort. Plus qu’un héros en particulier, c’est la prison le centre de la série car, justement, on n’est jamais sûr de retrouver les mêmes personnages d’un épisode à l’autre. Certains ne font que passer, d’autres se font tuer brutalement sans qu’on ait eu le temps de s’en rendre compte. D’autres arrivent juste pour mourir. En commençant un épisode de Oz, il est impossible de savoir comment les choses vont tourner tellement la série est imprévisible. Les volte-faces scénaristiques de Games of Thrones vous ont retourné l’estomac ? Ne vous y essayez pas.

Pas de censure dans les idées, pas de censure dans la réalisation, Oz est une série mature. Clairement pas la série à regarder en famille le dimanche après midi. Tom Fontana n’hésite pas à filmer des mises en scène de viols et autres agressions, de tortures extrêmement violentes et de mutilations. Pour information, ce beau programme se poursuivra sur l’ensemble des six saisons de manière croissante en intensité ; les personnes hermétiques au sang et à la violence, tant psychologique que physique, devront s’écarter de leur écran de télévision le plus tôt possible. Cette réalisation est nécessaire pour faire comprendre que la show se veut réaliste et ne cherche pas à enjoliver la réalité carcérale. On a parfois l’impression d’être devant un documentaire tellement la réalisation et le jeu impeccable des membres du casting rendent les situations réelles. Troublant. Certaines scènes sont tout bonnement insoutenables, mais c’est aussi cela Oz, une série très noire, résolument adulte et extrêmement pessimiste. Mais, pourtant, violence extrême ne rime pas avec surenchère obsolète : chaque scène, aussi dure soit elle, a un but bien précis et sert le récit. Elle ne montre ni plus ni moins que la bestialité est devenue le seul mode de communication de cet homme en cage.

 

« Oz est l’endroit où je vis. Oz est l’endroit où je vais mourir, où la plupart d’entre nous vont mourir. Ce que nous sommes importe peu. Ce que nous allons devenir ne compte pas »

 

Cependant, juger Oz uniquement par son irascibilité serait une grave erreur. La série comporte bien plus de bons points qu’elle n’y prétend au premier abord. Pour la première fois, la qualité et la profondeur d’écriture de ce genre audiovisuel prennent tout leur sens : le background se construit au fil des saisons, chaque intrigue est structurée de telle façon qu’on ne peut jamais s’emmêler les pinceaux, et cela malgré le grand nombre de personnages. Oz explose les tabous et dresse avec horreur la réalité du monde carcéral : dureté de la vie en prison, la violence, le viol, la religion, l’homosexualité, la politique, les luttes raciales, le SIDA et enfin, la mort. La relation brusque et paradoxale entre Lee Tergesen, qui incarne le personnage de Beecher, et Jonathan Kimble Simmons, Shillinger dans la série, est la colonne vertébrale du scénario d’Oz et incarne cette réalité aux multiples facettes. Tour à tour bourreau, puis victime, le diabolisme des personnages semblent contagieux et circule de l’un à l’autre. Beecher, violé, abusé, marqué de force d’un svastika indélébile, finira par inverser les rôles une fois que ses nerfs auront lâcher. Narrée par un détenu, Augustus Hill, la série introduit chaque épisode par un constat sur la société, par une interrogation sur la vie carcérale et bien d’autres sujets encore, à grand renfort de métaphores et de sarcasmes, le plus souvent sur un ton cynique qui donne à son narrateur tout son charme et son intérêt.

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Une série incroyable qui te scotchera dès son pilote coup de poing. L’une des plus grandes claques du petit écran. Une œuvre certes ultra violente, sans concession, mais une oeuvre où le génialissime Tom Fontana arrive à nous attacher à une bande de taulards définitivement humains, tout en délivrant un message aussi politique que philosophique. C’est tout cela Oz, l’une des séries plus riches de ces dix dernières années, le genre de truc qui imprime la rétine de quiconque a eu la (mal)chance de poser ses yeux sur cet ovni.

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