ACTE 3 : 30 mars 2017
KODAK BLACK – PAINTING PICTURES
Si l’on devait tenter de résumer Kodak Black en un mot, « surprenant » serait le parfait qualificatif. Une caractéristique qui colle également à la perfection au premier album du Floridien, Painting Pictures, sorti en février 2017. Surprenant, comme la cover du projet, qui a fait s’écarquiller plus d’une paire d’yeux. Si 2017 a eu son lot de jolies illustrations, celle de Painting Pictures est à coup sûr l’une des plus belles, d’autant qu’il semblait difficile de faire plus cohérent avec le titre de l’album que ce dessin. Représentant Kodak adossé à un canapé face à un chevalet affichant une peinture de lui-même, dans une pièce aux murs coloriés de références à lui et son rap, il renvoie forcément à l’identité musicale même du gosse de Pompano Beach. « Ayy, look, I say, I don’t rap, I illustrate. I don’t paint pictures, I picture-paint« , énonce-t-il d’ailleurs pour introduire l’album. Un gamin des projects qui se veut leur voix, un homme qui parle la rue, un héritier de Boosie et Soulja Slim, c’est ce qu’est Kodak. Dès lors, la pochette de ce premier album est tout sauf anecdotique. Et c’est une première réussite.
Surprenant, comme cet album qui en a décontenancé plus d’un. Alternance du meilleur et du plus dispensable dans ce que peut offrir Dieuson Octave, il a laissé passer les auditeurs des plus agréables sensations aux airs les plus circonspects. Les plus agréables sensations, ce sont notamment tous ces morceaux où le flow mâchouillé de Kodak se marie à merveille au travail des compositeurs, laissant ses plus belles lignes briller, comme sur le pénétrant « Corrlinks and JPay » produit par 30 Roc et Mike Will. Les airs les plus circonspects, comme sur cette introduction où il reprend le fameux « Ain’t no cameran, but I’ll shoot a nigga » balancé lors de son interview-culte pour le Breakfast Club.
Surprenant comme « Tunnel Vision ». Cette sublime co-production des Allemands de CuBeatz, de Metro Boomin et de Southside offre un terrain de complainte parfait à Kodak Black. Et ce morceau qui incarne la mélancolie kodakienne à son apogée (et tout le background sudiste qui va avec, notamment via son clip) a réussi à devenir un hit mondial, à être de ces grands tubes qui ont franchi le gap sans céder à la moindre facilité mainstream. Plus grand succès du Floridien, le morceau est à coup sûr le temps fort de l’album, comme « Mask Off » fut celui de l’album FUTURE de Future. Par cette réussite, il restera l’incarnation du changement de statut définitif de Kodak Black, de son basculement définitif dans la cour des gros noms du rap américain, à vingt piges à peine. Dommage que se distingue en parallèle une vérité de plus en plus dure à contredire : il semblerait bien que le père Kodak soit un être humain que l’on pourrait qualifier d’ordure. Du moins dans son rapport complètement vicié aux femmes, que l’on peut entrevoir lors d’une conversation téléphonique filmée dans le documentaire réalisé par WorldStarHipHop à son sujet. En résultent de nombreuses affaires judiciaires préoccupantes qui auront convaincu certains – peut-être à raison – de faire l’impasse sur l’artiste.
Bref, cet album a décontenancé plus d’un auditeur de rap. Solide premier projet à la qualité indéniable, il laisse apparaître quelques défauts, rappelant que l’art du floridien est encore perfectible. Combiné à son Project Baby 2 libéré quelques mois plus tard, il aura fait de Kodak Black l’un des hommes de 2017.