Quatre heures de concert. On se délecte du moment où, confortablement assis dans l’une des rames de la ligne 5, on rentre chez nous après avoir utilisé tous nos sens pendant une longue soirée. Et on se remémore.
Comme des centaines de Parisiens, on est allé faire un petit tour au Villette Street Festival, ce samedi 16 mai. Un week-end comme point final de deux semaines intenses de festivité au Nord de Paris. La culture hip-hop en « version XXL » (sic). Il faut dire que pour sa deuxième édition, le festival avait vu les choses en grand : exposition au profit d’Emmaüs avec 83 artistes invités, battle de danse et concerts, le tout étalé sur quinze jours. Et d’autres choses plus étranges aussi, comme du voguing. On avoue avoir passé un moment assez surréaliste samedi, en fin d’après-midi, en tombant sur cette incroyable féerie dépourvue de toute forme de testostérone. Et on a ri quand des sirènes quasiment nues devaient se trémousser sur la piste pour donner envie aux juges « de coucher avec elles » (sic), devant les yeux ébahis de dizaines de gosses encore imberbes. Ro, c’était bon enfant. Et au final assez impressionnant.
Mais on était surtout là pour le clou du spectacle : un beau plateau avec Ghostface Killah & BADBADNOTGOOD, Rejjie Snow, Apollo Brown & Ras Kass et Jay Prince. On en retient quatre choses. Rejjie Snow est décidément plus que doué et la garçon est tout sauf une version trèflée d’Earl Sweatshirt. Sa performance nous a donné envie de nous plonger en apnée dans son univers (1). Ras Kass demande trop au public français. Oui, c’est dur d’être un lyriciste de légende dans un pays où 90% de l’audience ne saisit pas la finesse de verbe qui le caractérise. Le natif de Los Angeles a même essayé d’expliquer certaines de ses phases, avant d’abandonner : « I just said : ‘The early bird gets the worm, but the hawk gets the bird.’ You get it? Nah? » (2). Ghostface Killah nous a rappelé qu’on pouvait encore être une diva dans le rap en 2015. Et même si le mythe de 45 ans nous a bien fait rire avec ses cordes vocales pétées, son incapacité à chanter juste ou ses coups de pression au technicien lumière de la Villette, on ne peut s’empêcher de penser qu’il ne fait pas honneur au génialissime jazz band qui l’accompagne (3). Oui, les gars de BADBADNOTGOOD sont vraiment, vraiment doués (4). La preuve en vidéo.