DonMonique, future trap queen

mercredi 6 janvier 2016, par Camille Perez.
Quand trap rime avec douceur. DonMonique est une de ces révélations de 2015 qui ne laisse personne indifférent. Séduits par son potentiel, nous n’avons d’ailleurs pas hésité à l’inscrire dans nos 16 visages annonciateurs de 2016. Féminine et burnée à la fois, la rappeuse de New York croque tout sur son passage et remporte l’adhésion partout où elle passe. Qui est cette jeune new-yorkaise qui déambule avec autant de prestance et de naturel dans l’univers de la musique piège ?

En 2011, on se délectait d’une friandise nouvelle produite par un jeune weirdo du nom d’A$AP Rocky : un son tout en slow motion, aux boucles souples, envoûtantes, souvent métallisées. Le tout sous forte dose de syrup, cette drogue qu’affectionne tant le Pretty Flacko, et qui semblait enrober de la même mixture sucrée et planante toutes ses productions. Même si aujourd’hui la tendance trap actuelle semble plus sonore et agressive, on peut y trouver le même moelleux qui nous avait tant retourné il y a cinq ans. Il n’y a qu’à regarder ce que nous a fourni Future l’année dernière, une trap tout en finesse et en retenue. Et il y a un mois, une certaine DonMonique a balancé une petite bombe, le clip de son single « Drown ». Il est lui-même issu du très bon Thirst Trap, EP sorti en juillet dernier. Quel est l’autoportait dessiné par cette artiste rafraichissante ?

« FUCK YO FEELINGS »

« Drown », c’est le refrain familier d’une jeunesse qui s’épuise tour à tour en club, en bande, ou en solo devant les réseaux sociaux. Dans le clip, des oiseaux de nuits aux silhouettes 90’s bien d’aujourd’hui chillent et parcourent nonchalament New-York, de soirée en soirée. Mais le spleen et la fatigue se font rapidement sentir derrière la frime du mode de vie. Dans un reportage publié par Noisey, elle vante sa dureté, son indépendance, une identité quasi bétonnée. « Had a heart in my past but it fade to black » : « j’avais un cœur avant, mais il a viré noir », dit-elle dans « Drown ». Les sonorités sont lentes, planantes, et des élancements trap ponctuent la balade. Dans « Pilates », elle apporte d’une manière originale sa pierre à l’édifice de l’art de conter la bicrave : « got Kendall, got Kylie, got Miley ». Comprendre : j’ai de la coke (drogue des mannequins comme Kendall Jenner), de l’herbe (comme feu les cheveux verts de sa soeur Kylie) et de la MDMA pour Miley Cyrus. A y regarder de plus près, la musique de DonMonique semble être le refrain d’une bande de meufs désabusées, qui s’habillent, se droguent, font la fête et se comportent comme des mecs.

TRAPPY ET SEXY

C’est dans l’aspect identitaire que la démarche se révèle intéressante. Les lyrics de DonMonique prônent une attitude « trappy and sexy ». Trappy pour la thématique des drogues et du deal. Mais comme elle le dit elle-même, sa musique reste « cute and sexy » . Du coup, la thirst trap, qu’est-ce que c’est ? A l’entendre, les hommes sont tous thirsty, c’est à dire assoiffés, et plutôt que de leur courir après, elle et sa clique de copines prennent plaisir à se moquer d’eux et à envoyer tout le monde balader, avec une prestance dingue. La thirst trap, c’est le son de délicieuse arrogance, ce féminisme 2.0. Mais pas de féminité trop exacerbée et de booty cambré, on l’a compris. Au lieu de ça, elle met en avant un style bricolé et confortable, une certaine nonchalance boyish, dans une simplicité qui fait du bien. Comme la Rihanna des années 2010, elle incarne un esprit libre plus qu’agréable à suivre.

De plus, comme sa consoeur barbadienne prend aussi plaisir à faire, elle sème le doute quant à son identité sexuelle, non sans lien avec les débats sociaux actuels. Difficile en effet de passer à côté de l’ambigüité que la Monique transmet via ses clips et ses artworks. La valorisation de la masculinité est d’emblée visible dans son patronyme. Don, c’est le surnom donné au mac. Associé au prénom Monique, clairement féminin, ça donne une opposition intéressante. Bon, ok, en français, Monique la P.I.M.P, ça fait sourire. Toujours est-il que la signature marque, claque, et qu’elle prend plaisir à l’inscrire partout où elle communique : sur Instagram, c’est Tha Don Dada (coucou Paris Sud). Elle reproduit même sur la pochette de Thirst Trap la pose d’une vieille et clinquante photo mettant en scène le Don des Dons : P Diddy. Une photo qui avait fasciné et scandalisé lors de sa publication sur le compte Twitter du rappeur, en 2012, assorti de la sobre déclaration « I love pussy ».

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LA CLINIQUE MONIQUE

Malgré cette apparence badass, on devine une personnalité plus nuancée qu’il n’y paraît, voire même une certaine fragilité. Les caméras de Noisey la suivent dans son Brooklyn natal. Lorsqu’elle vante la liberté, la diversité et la joie de vivre qui y règne, elle adopte une mine d’enfant et dévoile une vraie sensibilité. Elle revient ensuite sur son histoire personnelle, et confie d’une voix peu assurée avoir connu le rejet de ses pairs, à cause d’un look pas assez féminin et des centres d’intérêt trop différents. Elle avoue aujourd’hui essayer de se « girl it up » par petites touches quand on évoque son apparence.

Malgré cela, DonMonique produit un son très clinique et distancié. Comme dit précédemment, les influences louchent clairement vers le Pretty Flacko des débuts, lui aussi gosse de New-York avant d’être appelé dans les hautes sphères. Elle fournit tour à tour un r’n’b glacial, codéiné, un son tendance trip-hop, une trap lente, douce et acidulée. Pas de gros banger dans son EP Thirst Trap, sinon peut-être le tranquille et langoureux « ION », doigt d’honneur en faveur de l’indépendance de son auteur. La mixtape constitue plutôt un enchaînement fluide, une substance qui séduit par ses sonorités diverses mais toutes cohérentes. Les interludes la ponctuent de la thématique qu’on a retrouvé partout récemment : celle du téléphone (« Voicemail », « Phone Call »).

Damn, qu’il est bon de voir une fille s’approprier l’univers de la trap d’une manière tant effrontée et intelligente. A un genre qui nous fait parfois frôler la crise d’épilepsie et convoque un peu trop souvent l’hystérie et l’excès, elle apporte distance, précision et nonchalance. Avec son minois photogénique et son allure tomboy intéressante, les chances (risques ?) pour qu’elle suive A$AP Rocky également sur le terrain de la célébrité et de la haute-couture sont grandes. En tout cas, jamais on n’aurait imaginé que pourraient rivaliser avec les frères des Târterets, champions du spleen version 2015, ce gangs de copines clubbeuses et badass de Brooklyn dont DonMonique est la figure de proue.

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