Écouter quelqu’un qui raconte, lorsqu’il sait raconter, est toujours quelque chose de jubilatoire. Il y a un peu moins d’un, on avait longuement écouté Jacky Brown et Ben-J des Neg Marrons nous conter dix belles anecdotes de vie accumulées à travers leurs 20 ans de carrière. Aujourd’hui, c’est auprès d’un artiste nettement plus jeune, mystérieux et indéniablement charismatique, qu’on tend l’oreille. Doums, qui a écumé le monde avec L’Entourage (surtout avec Nekfeu) et qui vient de sortir le premier extrait de son album, nous raconte cinq anecdotes mémorables.
Il en a fait du chemin, Doums, depuis ses premiers freestyles avec L’Entourage. Révélé au sein du collectif il y a plus d’une demi-décennie, le rappeur du 9ème, de son vrai nom Mamadou Coulibaly, a écumé les scènes et les festivals aux côtés de Nekfeu durant l’intégralité de ses tournées. De quoi nous ramener une bonne flopée d’anecdotes dans les poches de son trois bandes.
Chez les amateurs de rap, rares sont ceux à ne pas connaître la gueule un brin cassée de Doums. Que ce soit au sein de son collectif, dans les clips de ses potes ou en solo, Doums trimbale son mètre quatre vingt quinze et ses dreads avec la nonchalance d’un gosse mais la détermination d’un pur sang lâché sans œillères dans l’hippodrome du rap jeu. Partout où on ne l’attend pas, celui qui aime se faire surnommer Morgan Frémont s’offre même le luxe de s’afficher aux bras d’une actrice oscarisée. Mais sa vie avait déjà, bien avant, l’allure d’un film de Tarantino. Retour sur cinq anecdotes qui ont marqué ses dernières années, illustrées par des clichés extraits de la série « Yakunsta » de notre ami Kevin Jordan.
Le jour où il a failli perdre un cheval à Amsterdam
« Avec Nek et un autre pote, on est partis tous les trois à Amsterdam avec un seul billet, celui de Nek, parce qu’il devait tourner un clip là-bas. On l’a photocopié et on est passés les uns derrière les autres. À l’époque, je parlais même pas anglais. Nekfeu avait fait un son avec Murkage, et Dave se moquait de moi parce que je savais seulement dire ‘nigga’. Bref, on était dans un parc pour le clip, et là je vois une meuf avec un cheval. Un cheval. Dans un parc. À Amsterdam. Forcément je vais la voir, je lui demande de me prêter son cheval, comme si c’était une bécane ! Elle me le file : direct, je commence à bombarder. Je monte en haut de la colline, elle me dit ‘Belek, on est en train de le dresser, il écoute pas bien’. J’accélère, trot, galop, tranquille, mais quand je lui dis de tourner à gauche, il tourne à droite. Forcément je tombe à gauche, le cheval va à droite, je me relève, et là il se barre ! Donc je lui cours après. J’ai dû courir quoi, deux kilomètres ? La petite était en pleurs. Il va sur la route, il voit une voiture, il fait demi-tour, il traverse un pont… Au final, je me suis niqué la cheville. Et le cheval, on l’a retrouvé.
Le jour où ils sont rentrés à 40 au VIP de Cannes
« Un jour, on arrive au VIP de Cannes, on était 42, ou 45. Booba devait rapper ce soir là. On est arrivés dans la boîte, à quarante, on est venus, on s’est posés, on a pris le micro, on est entrés à 15 dans la cabine et on a rappé. De toute façon on s’était dits : ‘Si c’est dead pour une ou dix têtes, on n’y va pas.’ À la Villa Schweppes à Cannes, pareil, on devait venir rapper sur le bateau, à l’époque du bateau. On a donné notre liste, on est arrivés à trois de plus, ils ne voulaient pas les laisser entrer, et du coup ils voulaient même plus laisser rentrer nos invités. Et bah on s’est cassés. »
Le jour où il a rencontré le flic le plus sympa de Paris
« Un jour, j’achète 100 grammes avec mon pote. On a partagé, il est parti en scoot, je suis parti en scoot, on roulait. Je lui demande de s’arrêter parce que j’ai oublié de goûter. Là, pas de toncar. Je lui dis que je dois aller en chercher un. Il avance, je lui parle, mais je vois qu’il ne m’écoute pas. Et là, dans une impasse, on croise une voiture de shtars. Forcément, on se fait péter. Lui se fait pas arrêté, il avait tout bien planqué. Moi si, je vais au commissariat. Dans la voiture déjà, le flic me dit : ‘Elle sent bon putain ! Elle sent fort !’ J’arrive au commissariat, deux fliquettes à l’accueil. Une rebeu, une tissmé, une qui faisait l’accueil et une autre qui vient lui parler. Je leur dis que c’est ma consommation, que c’est pas de la cocaïne, que c’est juste de la beuh. Un flic arrive et me fait monter dans son bureau. Il m’annonce qu’on va dire que j’en avais un peu moins, parce que ses collègues en ont pris. Sauf qu’ils ont pris plus de la moitié, je te jure ! Ils ont pris 30 grammes ! Des têtes énormes. Bref, on discute avec l’OPJ [Officier de police judiciaire, ndlr], une autre OPJ arrive, l’air un peu fatiguée, il lui balance le pochon en disant : ‘Vas-y, descends fumer, on a rien vu.’ Je te jure ! Du coup je sens une ouverture, je lui demande de me rendre le mien. Il me dit que si ça tenait qu’à lui, il m’aurait tout rendu. Sauf qu’après, il prend toutes ses saisies, et il me les jette dessus ! Je suis menotté, et j’ai toutes les saisies devant moi ! Juste pour me rendre fou. Après ça il me les reprend, il met ma beuh dans les saisies, on continue à parler, je lui explique que c’est ma conso du mois, que j’allais rentrer chez moi tranquille, que je faisais rien de mal. Il me dit qu’il va me réduire la saisie à 12 grammes, une petite saisie, et qu’il va me laisser partir : ‘T’inquiète, descends, je te rappelle.’ Je descends tout seul, je me pose en bas, j’attends dix minutes, puis il revient me chercher. On remonte, il me fait signer un papier et là je m’apprête à prendre l’escalier. Il me dit : ‘Attends, on va prendre l’ascenseur. Il y a pas de caméras ici.’ Il m’a ressorti deux pochons, bim, 40 grammes. Et la beuh était trop bonne. Big up à lui. Il a bien trop de cœur pour être flic.
Le jour où il a fait de la prison à New York
On était partis un mois à New York. À la fin du voyage, on était dans un studio dans le Bronx, dans une cité cramée… On arrive, on se pose, un gars nous sort de la beuh, bien visser. Je lui prends, je commence à rouler, mais il me demande d’aller fumer dans le couloir. Un autre pote, qui ne fume pas, m’accompagne. Je termine le joint, je le jette, et là les shtars arrivent dans la cage d’escalier ! Au 17ème étage ! J’ai rien compris ! Ils me pètent, je leur dis que je suis français, que je n’ai rien sur moi. J’étais en short, chemise Lacoste, petites chaussures, 28°, les bonnes ambiances. Gasolina quoi ! Mon pote avait un tee-shirt à manches longues, un jean, une petite paire de baskets. On descend, on part avec la police, ils nous mettent au dépôt. Là-bas, t’as la garde à vue, le dépôt et la prison. C’est la prison avant le jugement, ou après le jugement, quand tu attends. On a galéré quelques jours sur place – du coup j’ai appris à parler anglais ! Mon pote avait son téléphone, je crois qu’on n’avait pas de sous. Je m’en souviens parce qu’on voulait s’acheter des clopes, et les mecs c’est des crevards là-bas ! Tu leur demandes une clope, ils te disent ‘green’. Au final, on a été libérés. J’avais le seum, mais il me restait de la beuh, celle qui restait à l’appart, du coup je l’ai terminée jusqu’à la fin du séjour, puis dans l’avion, et à Paris. »
Le(s) jour(s) où il a eu d’autres problèmes avec les États-Unis
« Lors de ce même voyage à New York, j’ai fumé dans l’avion, à l’aller et au retour. Le joint entier, à chaque fois. Bon, je me suis fait pété au retour. Mais j’avais tchatché les hôtesses de l’air pendant le vol, donc elles m’ont même filé des bières ! Finalement, ils m’ont laissé repartir, et ça s’est bien passé. Mais lors d’un voyage à Los Angeles ça s’est beaucoup moins bien passé. C’était pour clipper « Ma dope ». Je demande à ma meuf de l’époque de me faire mon ESTA parce que j’avais oublié. Mais trop tard, je me fais arrêter. Huit heures dans une salle. C’était juste après les attentats. À un moment, je vrille. Ils arrêtaient pas de me dire : « Tu sors dans 30 minutes. » J’avais Harry Potter en anglais sans les sous-titres, je comprenais rien ! Finalement, j’ai dû faire demi-tour. Résultat : six ans d’interdiction.