Hommage en cinq sons à Clyde Stubblefield, batteur le plus samplé de l’histoire

mercredi 22 février 2017, par SURL. .

Sale temps pour les diggers et beatmakers. Après avoir mis en berne leur drapeau suite à la mort il y’a une dizaine de jours de David Axelrod, les fanatiques du sampling et le monde musical au sens large doivent désormais subir la perte de Clyde Stubblefield. Une autre légende qui s’en est allé taquiner Prince et les autres pour une jam session qu’on imagine désormais dantesque. On revient sur l’héritage inénarrable du batteur de James Brown et son impact sur le hip-hop.

Parfois, 20 secondes peuvent bouleverser une vie. 20 secondes, c’est la durée du solo de batterie de Clyde Stubblefield sur le morceau « Funky Drummer » de James Brown, lui permettant de devenir le batteur le plus samplé de l’industrie musicale et de s’approprier le titre du morceau comme surnom. Que ce soit le beat, la fusion grosse claire/caisse claire, l’accroche de guitare qui vient agrémenter ce rythme tel une pincée de sel sur la côte de boeuf du boucher Nusret, cette rythmique a été reprise plus d’un millier de fois par de nombreux artistes.

Et les plus grands classiques rap ne sont pas en reste : « Fight the Power »  de Public Enemy, « Fuck Tha Police » de N.W.A, ou encore  » Mama Said Knock You Out » de LL Cool J, tous ont contribué à faire de ce solo iconique l’une des  premières colonnes vertébrales sonores du rap. Mais il n’a pas fallu attendre le milieu des années 90 pour voir reprendre ces breaks de batterie : DJ Kool Herc fut l’un des premiers à les inclure en boucle dans ces sets.

Né en 1943 dans le Tennessee, Stubblefield est un musicien autodidacte. Vouant une fascination pour les instruments de fanfare, il apprend la rythmique grâce aux bruits de machine de l’aciérie dans laquelle son père travaillait. Après son départ pour la Géorgie dans les années 60, il intègre des formations musicales prestigieuses qui l’amènent à collaborer avec Eddie Kirkland, guitariste d’Otis Redding. Il rejoint ensuite le groupe de James Brown avec qui il collaborera sur ses titres légendaires : « Ain’t it funky now », « Cold Sweat », ou encore « I Got The Feelin » sur l’album Sex Machine. Il enregistra dans les années 2000 3 albums à son nom.

Dans une interview accordé au New York Times en 2011, le Funky Drummer affirma : « Les gens ont utilisé mes patterns de batterie dans beaucoup de chansons. Ils ne m’ont jamais donné de crédit, ne m’ont jamais payé. Ca ne m’a jamais dérangé, mais je pense que c’est irrespectueux de ne pas payer les gens quand on utilise leur travail. ». Rendons alors à Stubblefield ce qui est à Stubblefield à travers 5 sons s’appuyant lourdement sur les breaks furieux de Tonton Clyde.

BIG Jaz feat. Jay Z – THE ORIGINATORS

Shawn Carter n’était encore qu’un gamin originaire de Brooklyn et n’avait pas encore posé ses petites graines dans le ventre de Beyonce quand il est venu donner la réplique à son mentor Jaz-O sur le morceau « The Originators » en 1990. Ce dernier, à la production, s’est allègrement servi du légendaire coup de main de Clyde Stubblefield sur « Funky Drummer » pour élaborer ce banger oublié des nineties.

Dr. Dre feat. Snoop Dogg, Jewell and Ruben Cruz – LET ME RIDE

Ce n’est un secret pour personne, Dr Dre est un accro du sample. Père adoptif de la G-Funk, le rappeur/producteur s’est fait un nom au début des années 90 grâce à son travail avec le groupe N.W.A. dont il était un des piliers, mais aussi grâce ses goûts pointus en matière de sampling. Sur ce titre en featuring avec Snoop Dogg, Jewell et Ruben Cruz, et présent sur son premier album culte, le californien s’est inspiré du break légendaire de Stubblefield pour affiner son style et délivrer une prod qui marquera à jamais les fondations du gangsta funk, pour le plus grand bonheur des vendeurs de Cadillac Lowrider.

Raekwon, Pusha T, Common and 2 Chainz feat. Kid Cudi, Cyhi Da Prynce – THE MORNING

Il n’est pas étonnant de voir que l’influence de Clyde Stubblefield s’étend jusqu’aux années 2010. Celui qui a été samplé dans plus de 1300 morceaux à servi de base à l’élaboration de ce titre produit à 8 mains et où figure quasiment toute la dream team de l’écurie GOOD Music. Dans The Morning, produit par !llmind et co-produit par Kanye West, Travi$ Scott, et Jeff Bhasker, on peut entendre, en tendant légèrement l’oreille, une courte partie de batterie. C’est celui de Clyde. Intemporel, on vous dit.

Slum Village Feat. Questlove & J Dilla – 2000 Beyond

Le batteur Ahmir Thompson aka Questlove a été l’un des premiers à rendre hommage au célèbre musicien. Certainement parce qu’il admirait son travail, qui l’a inspiré lui et beaucoup de ses collègues. En particulier ses copains de Slum Village avec ce titre qui sample le maitre à la perfection.

JAMES BROWN – COLD SWEAT

Un jour de mai 1967, trois ans la sortie de « Funky Drummer », tout bascule dans le studio King de Cincinnati. James Brown et son saxophoniste Alfred « Pee Wee » Ellis retravaillent un ancien titre du chanteur, qui souhaite rendre plus brut le son R’n’B qu’il chérit alors. Mr Dynamite insiste pour que chaque membre de son groupe accentue précisément le premier temps de chaque mesure. C’est là que Clyde Stubblefield entre en scène. Censé mettre un coup de caisse claire sur les deuxième et quatrième temps, le batteur a une inspiration de génie : il décale la caisse claire d’1/8e de temps sur le quatrième temps de la première mesure de son riff. Vous suivez ? Cette légère modification donne un nouveau feeling au morceau, et deviendra la base du genre musical qu’on appellera funk. Autre première ce jour-là, alors que JB et ses Famous Flames enregistrent leur titre en une prise, dans les conditions du live, le maître de cérémonie offre pour la toute première fois un solo à son batteur, avec le désormais légendaire « give the drummer some! ». Voilà comment naît le premier break funk de batterie de l’histoire, une tradition qui deviendra la marque de fabrique de la musique de James Brown par la suite. Quant au break légendaire (qui démarre à 4’21, pour les pressés), il sera largement samplé quelques années plus tard par les artistes hip-hop et électro, et notamment par Public Enemy sur « Prophets of Rage ».

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My name is Paula Abu and I’m a 20 year old self-taught photographer born in Nigeria and raised in South London. I grew up loving everything to do with films…

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