Quand le temps politique est lourd, certaines voix de notre rap hexagonal font du bien voire redonnent du souffle. Quatre ans après son album Pili Pili sur un croissant au beurre, et après le joli succès de son roman Petit Pays, Gaël Faye revient avec « Irruption ». Le son est réalisé par Guillaume Poncelet, avec les arrangements de Blanka. Fort d’une vision qui surplombe nos divisions, Gaël Faye réussit la prouesse d’éviter deux écueils: celui du propos consensuel et mou, et l’autre, sa cousine incestueuse, la posture contestatrice cousue de fil blanc, qui ne dit à l’auditeur fidèle que ce qu’il veut entendre. Rebelle sans faire de pause, Gaël Faye rappe : « on nous appelle pd, blancos, bougnoule ou bien nègre ». Il traduit un ressenti bien partagé : à plus ou moins long terme, on est tous minoritaires. C’est clair, c’est politique, et ses propos auprès du Huffington Post le confirment : « Irruption est un ‘ »poème volcanique » en réponse aux intolérances et aux racismes qui asphyxient la société française. Un appel à faire peuple, à faire pays, avec nos différences et nos nuances. »
Fracassant nos étiquettes, le lauréat du prix Goncourt des lycéens kicke ça avec force, sur un son mis en images par Rafael Levy. Quand il cite Jacques Prévert, Aimé Césaire ou Jean-Pierre Thorn, ce n’est certainement pas pour la rime. Et avec toujours autant de flamme, « comme Balavoine arrive en ville« , fidèle à lui-même, il en place aussi une spéciale pour « les amoureux au ban public ». Gaël Faye s’inscrit clairement dans la lignée d’un rap, enfin, d’une chanson, enfin comment… disons de la musique qui frappe avec des paroles en français.