Le bac de philo, c’est maintenant – en l’occurrence demain, jeudi 15 juin. Par solidarité, on a une pensée pour les milliers de lycéens qui découvriront demain un vaste sujet sur lequel ils devront s’exprimer en quatre heures chrono. C’est un fait : l’épreuve approche, et les dernières révisions tentent tant bien que mal de combler l’angoisse de la page blanche. Marre des annales ? Ça tombe bien, on a compilé pour vous quelques punchlines de rap français à caser dans vos copies, en reprenant les thèmes probables de l’épreuve.
« Le savoir est une arme, maintenant tu sais », a dit un grand sage en 1996. Plus de vingt ans plus tard, Tidal a remplacé le discman, et le gangster d’amour a cédé son trône aux Peace N’ Lovés. Mais il y a des choses qui ne changent pas. Demain, le moment sera venu pour beaucoup, comme tous les ans, de trembler devant la copie du bac de philosophie. L’an dernier, on vous demandait de plancher pendant quatre heures sur des questions aussi inutiles que capitales : » Le désir est-il par nature illimité ? », « Savons-nous toujours ce que nous désirons ? », ou « Travailler moins, est-ce vivre mieux ? ».
Chez SURL comme chez les rappeurs, on a pour la plupart passé l’âge d’affronter le bac, mais rassurez-vous, pas celui de se prendre la tête et d’allier rap et philosophie. Du coup, on a décidé de faire les choses bien pour faire la nique à la page blanche : à travers les âges, on parcourt les punchlines à ressortir selon les thèmes sur lesquels vous aurez le plus de chance de plancher demain. A vos marques, prêts, grattez !
«L’œil au beurre noir, vaut mieux le faire que l’avoir »
– Shurik’n, Samouraï
De Röcken à Marseille, les choses se passent. Shurik’n a bien compris que dans la vie, il valait mieux dégainer le premier pour s’éviter les soucis. Avant lui, Nietzsche lui donnait peut-être, dans l’ensemble de son œuvre, une bonne raison pour justifier sa pensée : « les hommes ne sont point égaux ». Parce que dans la vie, non seulement on n’est pas nés sous la même étoile, mais on n’a pas non plus le même tour de taille, ni les mêmes cojones. Du coup, rien ne sert d’essayer d’imposer aux forts les règles que suivent les faibles, et inversement. Parce que comme le dit Kaaris, après tout, « le pouvoir de l’amour n’est rien face à l’amour du pouvoir ».
Bonus : ça marche aussi avec plein de trucs, dont Mister You dans « L’Etau Se Resserre », qui assure qu’il « préfère jeûner avec les corbeaux que picorer avec les poules », ou avec Flynt, qui nous rappelle dans J’éclaire ma ville, un peu dépité, que dans la vie, on n’a pas cinquante possibilités : « Y’a ceux qui partagent le gâteau et d’autres la cerise. » A méditer.
« Voter, c’est décider de qui va décider pour toi »
– Nekfeu, Rêve d’avoir des rêves
Nekfeu, le rebelle de la paraphrase ? Jean-Jacques Rousseau aurait en tout cas certainement apprécié de débattre durant l’une de ses promenades solitaires avec son acolyte rêveur 2.1, après avoir affirmé dans « Du Contrat Social » que « soumis aux lois, le peuple en doit être l’auteur ». A caler si vous tombez sur un bon vieux sujet des familles qui mélange les notions, du genre « Puis-je rester libre en suivant les lois ? ».
« Avant j’étais moche dans la tess’, maintenant j’plais à Eva Mendes »
– PNL, DA
Un grand classique des copies de philo depuis 2016 et l’examen de socio des 1ère ES du Cailly. Et bien sachez que dans la vie, les punchlines, c’est comme les gens bourrés, c’est fait pour être détourné. Du coup, on se ressert un petit coup de PNL dès demain à la sauce Spinoza. Pour qui le désir, c’est avant tout la volonté d’exister, dans la tess’ ou ailleurs, et de « persévérer dans son être ». Kézako ? Baruch, c’est son petit nom, cherche simplement à vous expliquer que le désir, c’est la base de l’homme, et qu’en désirant, on vit, et qu’on devient puissant. Moralité ? Si tu désires très fort Eva Mendes, fais du rap et tout ira bien.
« La vie c’est comme ça, on n’a pas tout ce qu’on veut mon gars »
– Stomy Bugsy, La vie c’est comme ça
Et ouais gros. Avant Stomy, Aristote l’avait expliqué à Mécénée dans une lettre qui a depuis fait le tour du monde et des salles de classe : « Réfléchis jour et nuit pour toi-même et pour qui est semblable à toi, et jamais tu ne seras troublé ni dans la veille ni dans tes rêves, mais tu vivras comme un dieu parmi les humains. » Pour résumer, Aristote voulait en venir à une vérité toute simple : vouloir plein de trucs c’est bien, mais calmos : ne désire que des choses plus ou moins accessibles, et fais bien attention à ce qu’elles t’apportent pas trop de galères. Déso, mais la vie c’est comme ça.
« Une larme rejetée, c’est un rire atteint. Y penser chaque jour et puis ça ira bien. »
– Lucio Bukowski, Pinacle
Dites-moi, Lucio Bukowski ne serait-il pas un brin utilitariste ? On ne vous cache pas que c’est un peu tordu par les cheveux, mais merde, on est là pour parler de philo après tout. En plus, ça va vous permettre de citer Jérémy Bentham, une sorte de Kant en plus cool, qui a – entre autres – activement défendu la liberté d’expression, le droit au divorce et aux rapports homosexuels, à une époque où Marie Antoinette était trop occupée à sortir des punchlines sur la brioche. Son idée ? Le bonheur, c’est le juste équilibre entre le plaisir et l’absence de peine. Du coup ouais, moins on pleure, plus on rit. Fact.
« L’espoir fait vivre, mais ceux qui vivent d’espoir meurent de faim »
– ärsenik, Jour 2 Tonnerre
Le bonheur et le plaisir sont deux notions très liées en philosophie, mais nous, on a décidé que ressortir des punchlines d’Ärsenik de 98, c’était plus de bonheur que de plaisir. Pour faire oublier notre subjectivité un poil déplacée en cette heure grave qu’est celle du bac, on vous explique comment réutiliser la phase de Lino dans votre devoir. Précisément grâce à Aristote, qui avait expliqué les choses un poil différemment en 349 avant J.C : dans la vie, on a toujours besoin d’un coup de pouce du destin pour être au max, puisque « l’homme heureux a-t-il besoin que les biens corporels, les biens extérieurs et ceux de la fortune se trouvent réalisés pour lui sans difficultés ? ». Tch Tch.
« Pas le temps pour les regrets, les erreurs n’appartiennent qu’à nous-mêmes »
– Lunatic, Pas l’temps pour les regrets
Booba et Ali auraient-ils pu être les héros de la Métaphysique des Mœurs ? « L’autonomie est donc le principe de la dignité de la nature humaine et de toute nature raisonnable », disait en tout cas Kant dans l’une de ses œuvres phares. En d’autres termes, construis-toi ta morale, et démerde-toi avec, parce qu’elle va te coller à la peau toute ta vie. « Né pour amener ma part de progrès » is the new « Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle » ? C.Q.F.D.
« Ceux qui font les lois vivent au dessus d’elles »
– Alpha Wann, Vinyle
Alpha avait semble-t-il bouffé une petite gorgée d’anti-Machiavel au petit dej avant de gratter son couplet. « Aussi est-il nécessaire au Prince qui se veut conserver qu’il apprenne à pouvoir n’être pas bon », lâchait en effet sans complexe l’auteur du Prince en 1532, avant d’assurer, en toute détente, que « gouverner, c’est mettre vos sujets hors d’état de vous nuire et même d’y penser ». Et nique sa mère la morale.