La rubrique #VIEW de SURL vise à mettre en lumière le travail de certains artistes, photographes et autres graffiteurs. Les images parlent d’elles-même et ne nécessitent, le plus souvent, que très peu de mots pour situer le contexte. Aujourd’hui, focus sur le travail du jeune photographe Adlan Mansri, Français installé (et épanoui) à Berlin.
Adlan Mansri a grandi à Lille et y a passé l’essentiel de sa vie. Il quitte le Nord de la France à 22 ans après obtention d’une licence d’art et culture en cinématographie. Aujourd’hui, il habite à Berlin et se prend à photographier une jeunesse libérée, sans jugement, dans une ville qui l’inspire fortement dans ce sens.
« Plusieurs trucs m’ont donné envie de faire de la photo. […] J’ai vu le film La Haine quand j’avais 16, 17 ans et il m’a mis une grosse claque. À la fin du film j’avais envie de faire des images comme ça. L’esthétique m’a chamboulé, je ne voyais plus les choses de la même manière. » Il commence donc la photographie au lycée en empruntant l’appareil digital du club photo et shoote les mouvements lycéens. « On bloquait le lycée à cause à de la réforme et j’aimais bien prendre les mouvements de masse en photo. » Progressivement, le hobby devient une passion et Adlan se lance dans des projets de plus grande ampleur. « C’est devenu vraiment sérieux après mon premier reportage (Les oubliés du sable, 2013) ou j’ai pris conscience que la photo, c’était vraiment mon truc et ce qui me donnait envie de me lever le matin. Je suis parti à Berlin après ce reportage pour faire une école de cinéma là-bas. »
C’est en Allemagne qu’il découvre la photographie analogique. « J’ai un rapport à la photo argentique très diffèrent de quand je travaille au digital. Je suis beaucoup plus méticuleux et patient. Il y a un autre rapport particulier avec la personne que tu prends en photo qui se crée. Les gens sont beaucoup plus à l’aise quand tu les prends en photos avec une pellicule, ils sont plus ouverts, ils ont moins peur et du coup moi aussi, j’ai moins peur. »
Adlan s’inspire des gens, de leur rapport à leur environnement, des visages, des corps et de la musique. « Berlin m’a énormément inspiré dans mon travail. La liberté qu’on a ici est différente de celle en France. Il y a des trucs que je n’aurais jamais osé faire ou aborder si je n’étais pas venu dans cette ville. Ici on ne te juge pas, personne ne le fait. J’ai plus appris en cinq mois ici qu’en toute une vie en France. » Adepte des films de Larry Clark, Harmony Korine ou Greg Araki, Adlan Mansri y trouve une thématique commune qui l’intéresse énormément : la jeunesse, et son rapport au corps et à sa sexualité. « J’aime les corps, et chaque corps est diffèrent. La jeunesse d’aujourd’hui a besoin de s’exprimer, de trouver des moyens de le faire et le corps, c’est le dernier truc qui nous appartient. Du coup on ressent le besoin de l’utiliser, d’en faire quelque chose, de l’exhiber ou au contraire de ne pas le faire. En fait, on veut juste avoir la liberté de choisir ce qu’on a envie de faire avec notre corps, de le tatouer, de montrer notre cul sur Internet, de faire des piercings ou alors à l’inverse de le protéger, de le couvrir. »
Et quand il ne shoote pas les réfugiés dans le Sahara Occidental en Algérie, le pays de ses parents, son petit frère ou des campagnes de pub pour Havas, Adlan Mansri et son appareil s’intéressent à Kaaris, Mykki Blanco ou la marque française Benibla. C’est lui qui est d’ailleurs derrière leur dernier lookbook. Mais son objectif premier, en tant que photographe, est autre : « Être là, montrer aux gens ce que je vois, leur faire découvrir ce qu’ils ne connaissent pas, ce qu’ils ont jamais vu. Je veux être un pont entre ceux qu’on oublie, ceux qui n’ont pas de voix et les autres. »