Cinq morceaux de rap qui samplent Allen Toussaint

mercredi 11 novembre 2015, par Robin Berthelot. .
Triste année pour les légendes du blues. Après Ben E. King et B.B. King il y a quelques mois, c’est un autre artiste d’exception que vient de nous quitter. Puisque le rap ne cesse jamais de recycler les genres qui l’ont précédé, on se devait de rendre hommage à un des plus brillants pianistes de NOLA. Le matériau sonore qu’il a forgé nous a nourris, comme plusieurs générations de musiciens. Petite rétrospective de l’affection portée par le rap à l’œuvre d’Allen Toussaint.

Décidément, l’année 2015 restera dans les mémoires comme une année noire pour le rhythm’n’blues : après Ben E. King et B.B. King, c’est désormais Allen Toussaint que l’on inhume. Pourtant, à la différence des deux artistes précités, Toussaint n’est forcément associé à un hit unique, à l’influence aussi grande qu’un « Stand by Me » ou « The Thrill is Gone », peut-être parce que les chansons qu’il a composé ont été rendues célèbres par d’autres artistes. Faire la liste des artistes qui se sont réappropriés des chansons de Toussaint prendrait des heures, disons simplement que cette liste va des Rolling Stones à Sylvester en passant par Ringo Starr. On a vu pire comme cortège de thuriféraires.

Allen Toussaint connaît d’abord le succès en tant que pianiste pour le jazzman Professor Longhair avant d’émerger en tant que solide songwriter pour des artistes comme Aaron Neville, Irma Thomas ou Lee Dorsey, qui exploseront tous grâce à ses hits. On ne connaît peut-être pas ou plus les noms de ces artistes, mais tous sont des incontournables de la scène r’n’b-jazz de la Nouvelle-Orléans. Difficile en effet d’aborder l’histoire de ce courant néo-orléanais sans citer le nom d’Allen Toussaint, tant il l’aura durablement marqué.

L’identité musicale de NOLA (l’un des surnoms de la ville) est caractérisée par une place importante laissée au piano ainsi qu’à une section cuivre très présente. On connaît les désormais fameux brass bands, ces fanfares que l’on dénombre par centaines rien qu’au sein de la ville de la Nouvelle-Orléans. Du jazz, le son emblématique de la ville glissera progressivement vers le rhythm’n’blues, en laissant toujours les clés du camion à ces instruments. C’est à ce moment-là, à l’orée des années 60, que Toussaint commencera à exercer et ces aussi à ce moment-là que le son de la Big Easy commencera à rayonner ; des genres musicaux aussi séminaux que le reggae et le ska sont des descendants directs de cette musique cuivrée. Et puisque tout est cyclique et que chaque genre se nourrit du précédent, c’est évidemment le hip-hop qui reprendra en masse les tracks de Toussaint pour irriguer certains de ses titres les plus emblématiques. Jay Z, Gravediggaz, Gorillaz : tous auront tôt ou tard samplé Toussaint. Et, comme un passage de flambeau symbolique, son titre Worlwide sera utilisé dans la track « We Luv Deez Hoes » du groupe qui aura contribué à remettre le Dixie sur la carte du rap : OutKast. Dernier hommage, lui aussi symbolique, et loin d’être anodin : son titre « Yes We Can » aura inspiré Barack Obama, qui en fera le slogan historique que l’on connaît aujourd’hui.

Atmosphere – Little Math You (2008) | Allen Toussaint – Either (1970)

La mélodie d’ouverture d’Either se retrouve dès le début de ce track issu de l’album gratuit Stricty Leakage d’Atmosphere. Pas sûr que Toussaint se soit fait un centime avec ce titre illégitime, mais la production fait honneur au génie sans faille du bluesman.

OutKast – We Luv Deez Hoez (2000) | Allen Toussaint – Worldwide (1975)

Cette liste montrera par la suite comment l’oeuvre de Toussaint a été magnifiée par de brillants new-yorkais. Sur ce « We Luv Deez Hoez », les Outkast montrent tout de même que c’est entre sudistes qu’on se comprend le mieux. Organized Noise récupère un extrait efficace de « Wordlwide » et le ralentit un peu, comme on aime le faire du côté sud des USA. Le résultat est un classique, à l’image de l’album Stankonia dont il est issu.

Gravediggaz – Constant Elevation (1994) | Allen Toussaint – Louis (1970)

Prince Paul transformera quelques notes de piano du morceau « Louie » (sample à 2:08) en boucle entêtante pour un track qui respire le béton durci. Ouverture du premier album 6 Feet Deep des Gravediggaz, ce « Constant Elevation » montre une chose : quand il faut toucher à l’oeuvre de Toussaint, ce sont les meilleurs qui s’y collent.

Flatbush Zombies – Death 2 (2013) | Allen Toussaint – Get Out of My Life, Woman (1968)

Ici, le morceau d’origine d’Allen Toussaint propose une piste de drums toutes prête pour amateur de boom bap éclairé. En 1993, c’est le groupe FunkDoobiest, sorte d’alternative fun de Cypress Hill, qui le sample pour un track au titre élégant : « Shittin’ on ’em ». Ca n’a pas échappé à l’oreille d’Erick Arc Elliot, qui, en bon digger new-yorkais, s’empare vingt ans plus tard de cette loop parfaite et rajoute une couche de crasse pour coller au délire de son groupe de cramés.

Jay-Z – D’evils (1996) | Allen Toussaint – Go Back Home (1965)

Sur ce titre du mythique premier album Reasonable Doubt de Jay-Z, c’est le géant DJ Premier qui incorporait un sample d’Allen à son mélange pour préparer la recette exquise. Le résultat : un morceau classique qui accroche l’oreille dès les premières secondes de sa boucle légendaire.

 

Une sélection non exhaustive issue de Who’s sampled.

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