On aurait presque tendance à l’oublier, mais le rap est par essence un art qui s’est nourri de son caractère contestataire. À l’heure glorieuse de l’entertainment, dans certains pays, le hip-hop constitue toujours un moyen de revendication majeur. Un poil à gratter pour des régimes qui ont une vision assez personnelle des droits de l’homme. Luaty Beirao est de ces rappeurs-là. En Angola, pays africain lusophone de 25 millions d’habitants, le rappeur s’oppose au pouvoir du président – non élu – en place depuis 1979, José Eduardo dos Santos.
Luaty Beirao a 33 ans. Ironie de l’histoire, le trentenaire est issu d’une famille plutôt aisée, a étudié en Europe – notamment en France – et son père était un proche dudit président. Le 20 juin, Luaty est arrêté avec quatorze autres opposants au régime. Motif ? « Tentative de coup d’état » alors qu’ils dissertaient autour d’un livre de l’écrivain américain Gene Sharp, De la dictature de la démocratie, portant sur la désobéissance civile pacifique. Pas le premier passage par la case prison pour le chef de file des « Revùs », nom des révolutionnaires locaux, militants pour les droits de l’homme. Sous le blase d’Ikonoklasta, celui qui est devenu une star du rap local aux disques épuisés, se sert des rimes pour moquer et dénoncer son gouvernement.
Déjà incarcéré en 2011 après des manifestations, Luaty Beirao a entamé le 20 septembre une grève de la faim pour protester contre la durée de détention provisoire maximale, 90 jours. Un peu plus d’un mois sans se nourrir qui ont déjà fait perdre 15 kilos au militant, depuis hospitalisé, mais n’ont pas atteint sa détermination. Au pays de Christiano Ronaldo, dont Luaty détient la nationalité, la mobilisation monte. Ikonoklasta doit être jugé le 16 novembre prochain selon Amnesty International. Lui et les autres militants risquent jusqu’à 12 ans de prison.