Awkwafina rappe sur sa teucha, mais pas que(ue)

lundi 31 mars 2014, par Valentin.

Le rap n’est pas toujours hilarant. Quand Assassin éructe « la justice nique sa mère, le dernier juge que j’ai vu avait plus de vice que le dealer de ma rue » (« Je glisse », 1991), le groupe n’a pas d’intention comique. Il ne cherche pas à provoquer l’hilarité générale, il n’a même pas pour objectif de faire apparaitre le moindre rictus sur le visage de son auditoire.

Toutefois, le rap peut être un support à la franche rigolade, soit à dessein, soit à ses dépends. A ses dépends, ça peut être la biographie de La Fouine ou encore le célèbre tatouage de Gucci Mane. Mais quand il le souhaite, le peura peut également être porteur d’une approche un peu décalée, loin des beefs et des impacts de balles. Cette approche est aujourd’hui apportée par Awkwafina, une New-Yorkaise barrée qui vient poser sa marque dans le game avec humour et dérision, mais toujours sur fond de banger.

Awkwafina, ou Nora Lum, est née de père coréen et de mère chinoise. Elle traîne tout d’abord ses baskets dans le Queens, tout en suivant de manière assidue ses cours de jazz. Elle suit ensuite les cours de l’université de Pékin avant d’arpenter les couloirs de l’université d’Albany (NY) où elle décroche un diplôme de journalisme – quelle idée. Jusque là, rien de bien transcendant d’un point de vue musical. Seulement, il s’avère que depuis ses 17 ans, la emcee diffuse ses palabres sur son Bandcamp et que son premier album Yellow Ranger semble nous signifier qu’elle y a pris goût.

 

« I’m sorry mama that i’m not a doctor, I rap about my vag’ and i smoke marijuana »

Et il s’avère qu’on se prend vite au jeu de cette petite hoodie girl. C’est un peu comme un spectacle de Florence Foresti, mais en drôle et sans Florence Foresti, avec la musicalité en plus. Awkwafina s’est tout d’abord faite connaître avec l’explicite titre « My Vag » où elle vante naturellement les mérites de son appareil reproducteur avec verve – verge ? – et entrain. Elle a su, dès les prémices de sa jeune carrière, poser un style atypique qui tranche avec le relatif sérieux du rap, ou en tout cas de l’image que l’on peut s’en faire.

Nora enchaîne les titres et parvient à jouer sur les deux tableaux. Il est facile de sourire en découvrant certains de ses lyrics improbables, mais il est également possible d’hocher vivement la tête sur des titres comme « NYC Bitches » ou « Queef » qui donnent clairement le change tant au niveau du flow que de l’instru. Et honnêtement, parvenir à être efficace dans les deux registres, c’est loin d’être simple.

Le 11 février dernier, Awkwafina a donc sorti son premier album, Yellow Ranger – qu’elle prend le temps de décortiquer morceau par morceau ici. Un album franchement honorable pour un premier essai : tous les morceaux percutent et parviennent à dégager une véritable identité. La façon dont elle peut aborder le thème du genre est par exemple assez intéressant. Ici, pas d’affirmation perpétuelle de son statut de femme pratiquant l’art de la rime, juste une meuf abordant des sujets qui lui sont propres avec décontraction et humour.

Photo by Niko / http://blog.asianinny.com/

Photo by Niko / http://blog.asianinny.com/

Awkwafina est donc un vrai bol d’air frais ; on appréciera à la fois son autodérision et sa capacité à nous ambiancer. Aux vues de ces dernières publications, il semblerait qu’elle soit également sur des projets d’acting avec des têtes connues de la comédie américaine. Affaire à suivre.

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