Après une année 2018 riche en sorties musicale de qualité, 2019 s’annonce, n’ayons pas peur des mots, stratosphérique. Aux albums de Boogie, Future et Kaaris, déjà disponibles dans toutes les bonnes crèmeries, vont s’ajouter ceux de ScHoolboy Q, Chance The Rapper, Rick Ross ou encore Kanye West. Un plateau de stars, digne de la Ligue des champions, qui sera complété tout au long de la saison par d’autres figures du rap game. Stars en devenir, grands pontes du rap game ou outsiders, ils vont tous essayer de rafler la mise au classement du billboard histoire de mettre la daronne à l’abri ou, à défaut, tenter d’obtenir un succès d’estime, marque des grands classiques auprès des critiques.
Dans l’ombre des mastodontes et malgré une longue carrière débutée en 2004, Freddie Gibbs reste encore un outsider. La faute à un statut de rappeur indépendant récupéré après avoir quitté CTE, le label de Jeezy, en 2013. De fait, et même si tout le monde s’accorde à reconnaître son talent, ses albums ont du mal à se hisser en haut des charts. Et la donne ne risque pas de changer avec Bandana, son nouveau projet réalisé avec Madlib. Pourtant, cet album possède, à première vue, tous les arguments pour être le meilleur album de cette année 2019.
Il l’a déjà dit plusieurs fois dans ses chansons et le martèle régulièrement en interview : « je suis le meilleur d’entre tous ». On pourrait croire que c’est juste une posture, de l’egotrip, comme on en voit souvent dans le rap. Mais si Freddie Gibbs avait raison ? Et s’il était le fameux GOAT — comprendre « Greatest Of All Time » — que tous les fans de rap cherchent depuis si longtemps ?
De nombreux rappeurs se sont auto-proclamés « Best Rapper Alive » au pic de leur carrière, qu’ils soient crédibles, comme Lil’ Wayne époque The Carter 3, ou totalement à côté de la plaque, comme Tory Lanez en ce début d’année. Parmi les fans et les médias, les avis divergent, si bien que pour freiner les guerres entre « @ » qui sévissent sur Twitter et sur les forums, le site Complex a réalisé un article visant à nommer les meilleurs rappeurs, années après années, et ce depuis 1979. On y retrouve Drake en 2015, Kendrick Lamar en 2017, Pusha T en 2018… Freddie Gibbs en 2019 ?
Même s’il reste moins connu que les rappeurs précédemment cités et que ce titre de GOAT reste globalement un concours de popularité, Gangsta Gibbs n’en demeure pas moins un rappeur hors pair — souvent comparé à Tupac — capable de rapper sur d’énormes bangers comme de pousser la chansonnette. Son travail avec de nombreux beatmakers a prouvé qu’il sait s’adapter à n’importe quelle instrumentale pour la plier comme il se doit. L’année dernière par exemple, il a eu l’occasion de collaborer avec The Alchemist et Curren$y pour Fetti, un EP contenant 9 titres de haut vol. Juste avant, il a sorti son 4e album, sobrement intitulé Freddie.
S’il lui est arrivé, à certains moment, de faire preuve de mauvais goût dans le choix de ses instrus, son album à venir, entièrement produit par Madlib, pourrait devenir son tout meilleur projet. Et lui permettre de s’installer à la place au sommet du rap jeu US — au moins pour l’année 2019.
Et cette place de « Best Rapper Alive » serait amplement méritée pour le co-auteur de Cocaine Pinãta. À sa sortie, et malgré ses ventes relativement « faibles », cet album est immédiatement considéré comme un classique. Déjà, parce qu’il ne ressemble à aucun autre disque sorti la même année. Ensuite, parce qu’il réuni deux artistes underground connus pour ne pas faire les choses à moitié et s’investir à fond dans leur projets.
Teasé depuis 2011 avec notamment le morceau « Thuggin », Cocaine Pinãta n’est sorti 3 ans plus tard, preuve du travail et du soin apporté par Freddie Gibbs et Madlib à leur bébé. Plutôt que de suivre la mode, ils ont préféré s’appuyer sur leurs points forts : des samples choisis aux petits oignons par Madlib qui s’accordent à la perfection au flow incisif d’un Freddie Gibbs au top de sa forme.
Si l’on en croit les déclarations du rappeur originaire de l’Indiana, lui et Madlib on gardé la même formule pour la conception de Bandana. Pour le moment, le premier single paru il y a quelques jours, « Flat Tummy Tea », et les différents extraits sortis sur la toile, nous laisse croire que cet album sera le digne successeur de Cocaine Pinãta.
Au-delà du fait que ce disque postule, avant même d’être sorti, au titre d’album de l’année, Bandana risque surtout d’être le dernier projet de Freddie Gibbs. Et c’est lui-même qui l’affirme en interview. Après 15 ans de carrière et une dizaine de projets derrière lui, Gangsta Gibbs sent probablement qu’il est temps de tourner la page pour s’occuper de sa fille et profiter de ces dollars accumulés grâce à la musique. Et quitter le rap game par la grande porte, en donnant un dernier cadeau à ses nombreux fans.
Connaissant le garçon, il va certainement tout donner. Dire ses 4 vérités aux rappeurs qu’il n’a cessé de rabaisser, en clamant haut et fort qu’il était le meilleur. Déjà sur Cocaine Pinãta, il mettait quelques jabs bien senti à Jeezy et Lil’ Wayne avec son fameux « A real G, I never kissed niggas or shot myself » sur le morceau « Uno ».
Alors, qui va t’il s’attaquer pour son dernier tour de piste ? Aux mumbles rappers, souvent accusés de dénaturer le rap ? À Pusha T, qu’il accusait de jouer la montre dans son beef contre Drake ? Ou aux Grammys, pour avoir récompensé l’album de Cardi B ? Au final, peu importe. Ce n’est pas le plus important.
Ce qui compte en revanche, c’est la trace que Gangsta Gibbs va laisser dans le rap à travers son oeuvre. Nul doute qu’il n’aura pas volé sa place parmi les « Best Rapper Alive » si Bandana est à la hauteur des attentes. Et ce, peu importe sa place dans les charts.
Images : Rappcats