8 – « Flygod » – Westside Gunn
Un bâton de dynamite à mèche courte. Personne n’a vu venir cet album qui allait nous faire kiffer la poudre, noire comme blanche. Edité sur la petite structure Griselda Records, qui abrite également le tueur Conway, Westside Gunn remet au goût du jour les recettes traditionnelles Eastcoast – celles que cuisinaient des Raekwon et Mobb Deep -, que ce soit dans l’esprit, les lyrics et les beats, et pour cela nous pouvons attribuer une partie du mérite à son producteur Daringer. Les rares copies physiques disponibles se revendent en moyenne à 100$ la pièce.
> À l’écoute sur Bandcamp
7 – « The Life Of Pablo » – Kanye West
En 2016, Kanye West a inquiété, fatigué, agacé. En 2016, Kanye West en a surtout beaucoup trop fait pour que l’on ne parvienne totalement à se concentrer sur ce qui a fait l’essence de son année musicale : The Life Of Pablo. Dans ce tourbillon médiatique, il a tout de même défini un nouveau type d’objet. L’album 2.0, inspiré du jeu-vidéo, exclusif à une plateforme, que l’on peut mettre à jour, voire étendre par des contenus supplémentaires. Pour l’aspect musical, heureusement, Pablo s’en sort finalement beaucoup mieux qu’on aurait pu le penser à sa sortie. L’album offre une pléthore de bons moments, de la reprise de Nina Simone par Rihanna sur « Famous » aux beuglements gospel de Young Thug en passant par la prod de Madlib sur « No More Parties in L.A. »… Et à peu près tout le reste du disque. Il y a finalement plus de liant qu’il n’y paraît, grâce à l’ambiance générale, association de collages vintages qui composent une pièce d’art contemporain en forme de patchwork. Sur cet album, Kanye, encore plus Kanye que Kanye lui-même, nage en plein délire et varie les thèmes, avec un sens du divertissement à toute épreuve. Le retour au sérieux sur « Real Friends » illustre également le désordre psychologique qui l’occupe. Sans parler de la génèse de Desiigner, qui aura eu le mérite de fournir de la matière à débat aux snipers de Twitter une année durant. Aujourd’hui, The Life Of Pablo apparaît pour ce qu’il est vraiment : encore une œuvre réussie de la part de l’un des plus grands génies musicaux de la planète. Aussi douloureux qu’il soit, parfois, de l’admettre.
> À l’écoute sur Spotify
> À lire aussi : notre double article « Que dire à ton ami qui n’aime pas le dernier Kanye West » et « Que dire à ton ami qui aime (trop) le dernier Kanye West »
6 – « Imperial » – Denzel Curry
Le phénomène Denzel Curry est devenu réel en 2015 quand son morceau phare, « Ultimate », s’est retrouvé en fond musical des Vine les plus populaires sur le continent américain. Il s’est confirmé en 2016 avec cet incroyable album, Imperial, teasé depuis les ténèbres des sombres abysses floridiennes et sorti le 9 mars 2016. Depuis, le rappeur originaire de Carol City est plébiscité de toutes parts. Fini les déboires qui l’ont lié pendant longtemps à son Raider Klan : sur cet album de 10 titres (présentant quelques variations dans sa nouvelle édition), Denzel s’est enfin émancipé, en témoigne le violent « Gook », diatribe éminemment cynique dirigée à l’encontre de ses détracteurs, plus particulièrement de son ancien mentor SpaceGhostPurrp. Il apparaît également plus mature que sur ses précédents projets, usant de son flow-mitraillette sur des sujets à enjeux sociaux qui feraient hérisser les poils des défenseurs du rap conscient. Mais s’il fallait bien une preuve de l’importance prise par Curry, c’est tout de de même la présence des poids lourds Rick Ross et Joey Bada$$ sur l’album de celui que beaucoup considèrent encore comme un rookie – au vu de sa présence dans la XXL Freshman Class de 2016. On parie que ce ne sera plus le cas pour très longtemps.
> A l’écoute sur Soundcloud et en réédition sur Spotify
5 – « Jeffery » – Young Thug
L’icône d’Atlanta continue sa mue, parfois difficile à suivre ou à cerner du fait de sa productivité. Jeffery Lamar Williams a donc choisi un titre éponyme pour présenter son nouveau projet à la fin du mois d’août. La mixtape personnelle d’un rappeur qui semble enfin vouloir maitriser son évolution artistique et son calendrier. Composé de dix tracks et de feats de premiers choix – Gucci Mane, Travis $cott, Wyclef Jean, Quavo… – No, My Name is JEFFERY (ou JEFFERY tout court, suivant les plateformes) est une ode aux personnalités qui influencent l’alien d’Atlanta. Pour dépeindre ces fortes personnalités, le chef Thug a usé de ses habituelles – mais toujours aussi efficaces – recettes en termes de flows et de prods, mais pas que. De nouvelles influences caribéennes, reggae, des textes plus profonds notamment sur l’amour – sisi – et une utilisation de l’autotune moins insistante prouvent que la magie de Thugger ne se limite pas. Le génie de la mélodie prouve à ceux qui en doutent encore, s’il y en a, qu’il en a sous la pédale. Non, Young Thug n’est pas là par hasard et son talent va encore bousculer le game en 2017. Sa pochette, elle, est entrée dans la légende.
> À l’écoute sur Spotify
> À lire aussi : notre chronique complète « Avec ‘Jeffery’, Young Thug creuse l’écart »