4 – « Blank Face LP » – ScHoolboy Q
On ne se lasse jamais d’une bonne histoire de gangsters. Tel Dante contant le purgatoire, c’est avec ses textes crus que Schoolboy Q crée une atmosphère d’outre-tombe dans Blank Face LP, en se servant de la diversité des productions (de Metro Boomin à Tyler, the Creator) comme d’autant de nuances de noir. On pousse de la blanche, on se méfie de ce qui bouge dans les allées, on devient une ombre, on devient quelqu’un d’autre, aliéné : « Blank Face ». Le purgatoire comme salle de triage, l’album de Schoolboy Q est jalonné d’évocations à Dieu, au Diable, à la vie après la mort. Entre Bloods et Crips : en se plaçant en funambule sur les lignes de fractures, en parlant de rites de passages et de trouver sa voi(x)e en eaux troubles, Schoolboy Q transcende sa propre descente aux enfers. Entre urgence, colère, désespoir (« We might die for this shit, might go down for this shit« ), cupidité et prise de conscience, Blank Face constitue un kaleidoscope d’émotions. Schoolboy Q fait dans le brut. Sans perdre son sens de l’humour, sans tomber dans une tendance à la victimisation, sans fatalisme. Sans compromis.
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3 – « Savage Mode » – 21 Savage x Metro Boomin
Glacial mais génial, l’EP Savage Mode a marqué l’été 2016. Le single éponyme symbolise peut-être le mieux l’esprit du tandem : on y retrouve 21 Savage et son flow froid comme une pierre tombale, magnifié par les notes infernales de Metro Boomin. Où l’on apprend pourquoi 21 est devenu Savage, dans une ambiance glauque au possible orchestrée par petites touches, un art où Metro Boomin est devenu maître. À l’heure de Noël, le track sonne d’autant plus comme une comptine maléfique. Brrr.
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2 – « Batterie Faible » – Damso
L’album francophone de cette année nous vient donc directement de Bruxelles. Le cerveau de l’opération se nomme Damso, auteur de son premier projet solo au mois de juillet. Une vraie bouffée de fraîcheur en pleine canicule. Le style Damso ? Franc-parler, noirceur intime, débit affûté, flegme chantant, punchline percutante et pertinence. Capable de s’adapter à peu près tous les styles de son ingé-son De La Fuentes, le Belge a rendu une copie sans égale. Ses détracteurs évoqueront les thèmes assez classiques – drogues et meufs – et l’influence du mentor B2O jamais très enfouie. Mais encore faut-il réussir la prouesse de le faire avec autant de justesse que le Belge. De la dérision sur « Autotune », de la puissance sur « Débrouillard », une authenticité, un hymne sur « Bruxelles Vie » et une force folle dans « Amnésie », une ode à Serge Aurier sur « Périscope »… Batterie Faible dispose d’au moins douze raisons de rester dans les annales. Ce disque complexe aux atmosphères multiples risque de ne pas prendre une ride. Disque d’or, Batterie Faible a encore plusieurs vies devant lui. Damso aussi et on s’en réjouit.
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La séquelle de My Krazy Life, un des incontournables de 2014. On avait quitté YG en ambianceur californien, capable de nous faire venir l’odeur du barbecue au nez dès la première rime. On le retrouve avec une conscience aiguisée, méfiant et futé, mais toujours capable de nous faire venir l’odeur du barbecue au nez dès la première rime. Le pari était risqué car il a fallu rendre la copie de Still Brazy meilleure que la première sans DJ Mustard. Mais finalement, le fait d’avoir réalisé l’album sans l’homme moutarde (à cause d’une brouille d’argent et d’égo réglée depuis) a suffi au rappeur de Bompton pour le rendre meilleur que le précédent. La révélation DJ Swish, producteur d’une bonne partie des tracks de l’album, y est pour beaucoup. Celui qui s’est fait connaître en recréant des prods de singles qui cartonnent, comme « Jumpman », et qui a décliné une offre de signature de Mustard après avoir fait les frais de ses méthodes de travail, signe des instrus au toucher G-Funk intemporel. Toujours inspiré du gangsta-rap du Dogg Pound, YG cartonne en livrant des futurs standards du rap westcoast tout en s’engageant un peu plus dans la politique avec des propos anti-flics et une ogive anti-Trump déjà culte malgré la censure. A tel point qu’on peut se demander quel album de rap mainstream, en 2016, a été plus politique que celui de YG. La clique californienne (A.D., Slim 400, Jay 305…) a répondu a l’appel, et chacun des invités se hisse à la hauteur requise pour le projet. Toutes les conditions sont réunies pour permettre à YG de s’immerger tout entier dans un bain de paranoïa (« Who Shot Me? ») et de revendication (« I Got A Question »). La meilleure sortie californienne de l’été, à coup sûr. La meilleure sortie de l’année ? L’idée ne nous fera pas rougir comme un bandana des Bloods.
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