Ils devaient exploser les records. Ils devaient être l’un de ses groupes de rap dont les amateurs de pop raffolent. Mais près de quatre ans jour pour jour après la sortie de leur premier album à succès, les deux membres de Chiddy Bang continuent de mentir à leurs fans qui attendent désespérément un come-back qui n’arrivera pas. Retour sur l’histoire d’un duo qui, du jour au lendemain, a tiré un trait sur son avenir.
Beaucoup d’entre vous mentiriez en reniant s’être ambiancés sur l’un morceau de Chiddy Bang au cours des cinq dernières années. Que ce soit sur « Opposite of Adults », le track phare du groupe, « Mind Your Manners », « Truth » ou encore « Ray Charles », il y en a eu pour tous les goûts. Et si le groupe en solo ne vous dit rien – shame on you ! – alors vous l’avez au moins entendu en featuring, notamment sur « Too Fake » avec Big Sean. « I’m grabbin’ the fattest asses, just to see ’em shake. » Nombreuses sont les phases qui nous trottent encore en tête aujourd’hui. Bref, toujours est-il que Chiddy Bang a été plus qu’actif entre 2009 et 2012, se forgeant une solide place parmi les artistes hot du moment, de la trempe de ceux qui peuvent exploser bien au-délà de l’Altantlique. Pourtant, depuis la sortie de l’album Breakfast en février 2012, il y a près de quatre ans jour jour, l’actualité du groupe est quelque peu famélique. Un site web pas actualisé depuis octobre 2012. Des releases aussi rares qu’un tennisman français en finale d’un tournoi du Grand Chelem. Rien de bien prometteur. On s’est donc interrogé la mue de Chiddy Bang en général de Gaulle, époque traversée du désert. Mais où est Chiddy Bang ? Lumière sur le mystère.
Chiddy Bang, c’est avant tout l’histoire d’une rencontre qui remonte à l’année 2008. Celle de Chidera « Chiddy » Anamege et de Noah “Xaphoon Jones” Beresin, tous deux étudiants à l’université de Drexel de Philadelphie. La rencontre est fructueuse: le mélange entre le rap de Chiddy et les productions léchées de Xaphoon produisent des sons entraînants et accessible – le genre de truc que tu peux mettre en soirée sans que les non-fans de rap s’offusquent. C’est le site Pretty Much Amazing qui repère en premier leurs créations, met en avant leurs morceaux et collabore à la sortie de leur première mixtape : The Swelly Express, en novembre 2009. Ce premier projet, gratuit, touche une vaste population grâce a la présence du titre « Opposite of Adults ». Le son a fait un carton en Angleterre et aux Etats-Unis où il apparaît dans la série Friday Night Lights, le film 30 Minutes or Less ou encore dans la BO du jeu Need for Speed: Hot Pursuit. Samplant le populaire « Kids » de MGMT, « Opposite of Adults » offre une première publicité mondiale au duo. Et le reste de la mixtape est tout aussi prometteur : des tracks comme « Fresh Like Us », « Truth », « Never » ou encore « Dream Chasin » symbolisent le potentiel du duo.
Chiddy Bang va continuer sur sa lancée dès avril 2010 avec la sortie d’une nouvelle mixtape intitulée Air Swell. Composée de sept morceaux, elle a la particularité d’avoir été réalisée entièrement lors d’un vol aller-retour entre Londres et les USA. La galette expérimentale rassemble des remixes de tracks d’artistes britanniques tels que Tinie Tempah, Gorillaz, Ellie Goulding ou encore Kate Nash. Et le tout fonctionne à merveille. En parallèle de la signature d’un contrat avec EMI, le duo sort deux mixtapes fin 2010, courant 2011 : The Preview and Peanut Butter and Swelly mais gagne surtout une place dans le livre Guinness des records. En effet, Chiddy détient, encore aujourd’hui, le record du plus long freestyle de rap jamais réalisé : 9 heures, 18 minutes et 22 secondes, lors du lancement de la cérémonie des MTV Music Awards.
C’est en 2012 que le duo parvient enfin a sortir un premier album studio. Un virage majeur dans leur carrière, d’où le nom de l’album qui apparaît sous le titre de Breakfast, moment qu’ils considèrent tous deux le plus important de la journée. 31 000 ventes la première semaine, un peu moins de 80 000 au total. Rapidement, deux tubes ressortent du disque et se répande sur les Internets : « Ray Charles » et « Mind Your Manners ». Pour le reste, on retrouve toujours la même formule : une production riche, bourrée de samples sur laquelle Chiddy s’en donne à coeur joie. Malgré le flow unique du MC qui est forcément un poil répétitif à la longue, Breakfast reste l’un de ces albums ou aucune sélection n’est à faire. Chaque track a quelque chose de particulier – mention spéciale pour « Talking to Myself » et « Out 2 Space » – et l’ensemble crée un projet homogène qui s’écoute d’une traite. À la fin de l’année 2012, le groupe a déjà sorti près de soixante morceaux et se démarque par sa capacité à créer une musique positive, énergique et assurément virale. L’avenir leur appartient.
Le petit-déjeuner était censé symboliser le début d’une journée et le point de départ d’une carrière riche. Pourtant, si quelques tracks et featurings disséminés par-ci, par-là sont venus nous remplir le bide à la recréation, on attend toujours le déjeuner, quatre ans après. Tout était trop beau : fin 2012, le groupe disparaît des radars. Un peu de recherche et le coupable est vite démasqué. Il semblerait qu’a partir 2013, en concerts, Chiddy Bang n’était plus représenté sur scène que par son rappeur, Chiddy. C’est quelque mois plus tard que Xaphoon Jones donnera une explication : « I stopped going to live show in November 2012. I’m elsewhere where I’m happiest: in the studio. » Baleine sous gravier ou bien petit moment de dépression ? La réponse nous est fournie le 19 juin 2013 a travers la page Facebook du duo: « Our good friend Noah B, Xaphoon Jones, has decided to step back from the artist role. […] Don’t get it twisted, we are still definitely hommies. »
Eurêka ! Chiddy Bang n’est en fait plus vraiment Chiddy Bang. Pourtant, malgré le départ de son compère, le détenteur du record Guinness décide de continuer l’aventure. Dès la fin de leur collaboration, Chiddy annonce la sortie prochaine d’une nouvelle mixtape appelée Baggage Claim pour septembre 2013. Mais sans le talent de producteur de Xaphoon Jones, le rap de Chiddy peine à sortir du lot. Le flow du rappeur redevient presque anodin, monotone et tout sauf marquant. Exemple avec le premier extrait du projet sorti en août, « Breathe » (produit par un certain Yuri Beat$), puis avec le second en septembre, « Heartbeat ». C’est là que l’histoire devient marrante. Le 9 octobre, il annonce sur Twitter : « Dropping Baggage Claim on friday! ». Le 11, il se rattrape : « I can finally say Baggage Claim will be dropping next week on the 16th of November. Woulda dropped it sooner but had to make some last minute additions and it’s now done. »
Les ajustements de dernière minute d’un projet qui ne verra jamais le jour. À l’heure où nous écrivons cet article, c’est à dire environ deux ans et quelques mois plus tard, Baggage Claim n’a toujours pas vu le jour. Re-re-annoncée pour le printemps 2015, puis re-re-re-annoncée pour l’automne 2015, la galette n’est jamais à ce jour jamais sortie du four. Chiddy Bang aime ajouter un peu de suspens. Étudiant, on a tous fait un jour le coup : « J’ai oublié de citer mes sources, je rectifie cela et vous l’envoie demain sans faute. » Mais là, Chiddy Bang ne joue définitivement pas dans la même ligue. Depuis trois ans, l’artiste vadrouille de ville en ville et de concert en concert, rappant les morceaux d’un groupe qui n’existe plus vraiment, a un public qui n’arrive toujours pas à lâcher prise. Sur les réseaux sociaux, Chiddy fait l’autruche et ne répond pas aux commentaires des fans sur les photos de concert et portraits qu’il publie (trop souvent) sur sa page Facebook : « Where the fuck is the album » ; « where is the new music? Chiddy Bang been promised new shit for 3 years now » ; « LIES ». Chaque publication attire les questions et attise la haine d’un public déçu, affamé. Noah « Breakfast » Beresin, le nouveau nom de Xaphoon, fournirait encore de temps en temps quelques prods a son ancien compère. Mais l’alchimie s’est définitivement envolée.
Malheureusement, l’histoire de Chiddy Bang s’écrit donc aujourd’hui au singulier. Charly sans Lulu, Simon sans Garfunkel, Laurel sans Hardy. Macklemore sans Ryan Lewis. Sans son acolyte, Chiddy n’est qu’un rappeur à freestyle doué mais sans valeur ajoutée. Un mec capable de rapper pendant neuf heures de suite ou de mettre trois ans (et c’est pas fini) à faire des retouches « de dernière minute » à une mixtape. Ça mériterait presque une nouvelle place dans le livre Guinness.
Article écrit par Etienne Laurent.