« Birthday, it’s your birthday … » En ce moment, c’est un peu tous les jours son anniversaire dans la vie de 2 Chainz. Virevoltant de featurings en featurings depuis plusieurs mois, l’ex-moitié de Playaz Circle se taille à lui seul une bonne part des temps d’antenne dans l’univers du rap sudiste. Affirmé en tant que rappeur solo avec Me Against the World 2, porté aux nues depuis le succès légitime de sa mixtape T.R.U. REALigon, l’ancien membre du label DTP a depuis signé un deal solo avec Def Jam, flirte avec Kanye West et facture ses couplets 100 000 dollars. Une reconnaissance mainstream longtemps préparée par le MC, qui avait déjà viré son ancien blaze « Tity Boi », considéré trop dégradant envers la gente féminine. Based on a T.R.U. Story, premier véritable LP, c’est l’étape finale pour planter son étendard sur l’ensemble de la carte, en dehors de sa Géorgie natale.
[highlight]« Based on a T.R.U. Story me paraît bien, bien moins médiocre que j’ai pu le lire ici ou là. Comme si certains puristes avaient envie de le flinguer, juste parce qu’il incarne une image qu’ils n’arrivent toujours pas à encadrer : celle du rappeur sudiste et médiatique. »[/highlight]
Le baptême commence plutôt mal sur un « Yuck » ruiné par un Lil Wayne complètement à la rue. Lui-même l’admettra, c’est dire le désastre. 2 Chaînez lâche quand même quelques bons passages dessus : son envolée a cappella manière gospel en fin de morceau, naturel pour un fils de pasteur, ou son combo thématique « art de vie » : « I just woke up, tell me where the drugs at / And after the drugs, where the girls at / And after the girls, where the love at / And if it ain’t no love, I’m like fuck that ! ». Une impression mitigée, qui devient plus flippante lorsqu’on lit la suite de la tracklist : « I Luv Dem Strippers » featuring Nicki Minaj, « In Town » avec Mike Posner, un sale présage. Heureusement, l’affreux « Countdown » avec C-Brown a été relégué au rang des bonus tracks. C’est déjà ça de gagné. D’ailleurs, si la balade pop préparée par Mike Posner me laisse plus qu’indifférent, la déclaration d’amour aux spécialistes du pole-dance s’écoute bien, Nicki a commis bien pires atrocités. « Every line is dope, you can snort it ».
Pour évacuer le reste des gros featuring, félicitations à Mike Will, qui pond quand même un beat magistral sur « No Lie ». Un Mike Will un peu plus paresseux sur le banger « Wut We Doin », efficace mais qui ne m’a pas retourné. A l’inverse, le déroutant single « Birthday Song » sort clairement des sentiers battus et fracasse un peu plus le crâne à chaque écoute. Kanye apporte vraiment un plus à tout ce qu’il touche. Une ambiance glauque, sombre et comique à la fois : un contraste parfaitement maîtrisé par 2 Chainz, qui peut se permettre de balancer des vannes simplettes – « See I done had more bombs than Pakistan » – avant de reprendre un style de truand sur un refrain qui ne fait plus rire personne. On reste loin des rappeurs cartoonesques à la Young Money.
Loin de l’inquiétude initiale, 2 Chainz délivre du vrai trap-rap sur la majorité de ses morceaux. Drumma Boy sort encore une boucherie accentuée de bruits de « Money Machine », qui rappelle les meilleurs moments de ses mixtapes passées. Super bon, même pas besoin de se consoler avec le classique « Riot » en bonus. L’enchaînement « Crack / Dope Peddler » ne surprend pas par son contenu mais se mange sans faim. « I’m in the trap ’cause I work there ». Reste les deux meilleurs morceaux de ce cru, sans inclure le bonus « I Feel Good » produit par un Don Cannon au top, dont je pensais qu’il réservait ses meilleurs beats pour Jeezy. A commencer par le surprenant et touchant « Ghetto Dreams », magnifié par un refrain nickel de John Legend et le charisme au micro de la légende Scarface. Très bon, mais pas autant que « Stop Me Now », qui couche sur une boucle soulful le ressenti lorsqu’on atteint la quête de toute une vie. Une auto-célébration d’autant plus symbolique qu’elle est clamée en compagnie de son pote de lycée et compère de toujours, le monsieur Dolla Boy. « When they saw me they used to think of dope ; but now when they see me they just think of hope ».
Certes, ce premier LP ne restera pas dans les annales. Sauf qu’à 35 ans, 2 Chainz tape 150 000 ventes la première semaine, au milieu des mixtapes gratuites d’une jeune génération aux dents longues. Surtout, Based on a T.R.U. Story me paraît bien, bien moins médiocre que j’ai pu le lire ici ou là. Comme si certains puristes avaient envie de le flinguer, juste parce qu’il incarne une image qu’ils n’arrivent toujours pas à encadrer : celle du rappeur sudiste et médiatique. Enfin, ceux qui assènent amèrement que 2 Chainz n’est qu’un trap-rappeur de plus, sans talent ou sans intérêt, qui ne sait parler que d’argent et de bijoux, allez écouter ça et réfléchissez. All I talk is money so Chainz is the subject.