POUR – Joackim : « Il n’y a pas meilleur actuellement pour conter une vie de rêve teintée de nostalgie et de regrets ».
Je pensais qu’écouter Take Care m’emmènerait direct aux soins intensifs. Ce n’est pas volontaire, mais Drake commençait à me saouler sérieusement les tympans. Je n’avais donc pas trop envie de m’épancher sur son deuxième album, de peur d’être injuste et de céder aux sirènes de la critique négative et hautaine, aucunement justifiée mais très défoulante. Loin de détester l’artiste initialement, mon ressenti à son sujet me rappelait celui que l’on peut éprouver pour un ami qu’on apprécie, mais qui subitement devient lourd à nos yeux, sans trop de raison particulière. Faut avouer que le si le canadien est « devenu riche en une seule mixtape » comme il aime le rappeler au début d’un « Underground Kings » à l’accent sudiste, son premier LP m’avait laissé un arrière-goût d’inachevé. Ses nombreux featurings, excepté quelques exceptions, m’avaient ensuite lassé, blasé du combo « miaulement sur le refrain puis rap sur le couplet » qui n’avait plus aucun effet de surprise. Sans compter la cover que je n’ai pas vraiment adoré. Des préjugés que j’ai un peu abandonné en me farcissant Take Carede bout en bout.
En effet, Drake a appris de ses erreurs sur Thank Me Later. Musicalement, ce LP s’avère beaucoup plus solide, instaurant une ambiance particulière qui avait du mal à s’installer sur son précédent essai. Les productions sonnent bien, supervisées par son pote Noah « 40 » Shebib et rendent l’ensemble très mélodieux. Forcément, la plupart des tracks restent dans un tempo assez faible, mais parviennent à ne pas être trop mous du genou. Le très demandé The Weekend s’intègre parfaitement à cette ambiance soyeuse, notamment sur l’évasif « Crew Love » et son refrain incroyable. Bien sûr, dès « Over My Dead Body », les bourrins adeptes des gros bangers sudistes ne trouveront pas vraiment leur compte dans cette piscine mielleuse, mais tant pis s’ils ne captent pas la subtilité qui s’en dégage. Ou si, ils prendront leur pied s’ils parviennent jusqu’à la dixième piste. « Lord Knows », une bombe atomique gospel signée du meilleur beatmaker du monde – oui Just Blaze – qui paradoxalement s’échappe complètement de la ligne directrice de l’album. Sauf que cette ode à la victoire featuring Rozay dégomme tout sur son passage, donc on pardonne sans problème. « Know that I don’t make music for niggas who don’t get pussy / So those are the ones I count on to diss me or overlook me ». Saluons aussi l’apport de Jamie XX sur le futur single très réussi et dansant « Take Care ». Sans être aussi marquant qu’un « Over », « Headlines » ne nous avait pas menti sur le niveau du projet.
Sans être un rappeur exceptionnel, Drake ne se défend pas mal du tout, grâce à quelques punchlines bien senties et des accélérations qui prouvent qu’il a taffé ses skills : le premier couplet du correct « HYFR », ou bien évidemment « Lord Knows » en sont les ambassadeurs. A titre de comparaison, Weezy intervient sur deux morceaux sans laisser une impression mémorable. Son mentor Birdman n’envoie que quelques ad-libs très dispensables sur l’excellent « We’ll be fine », caractérisé par son double refrain juste magique. Qu’il reste à compter les billets de son poulain. Andre 3000 se hisse logiquement un cran au-dessus sur « The Real Her », mais il s’approprie toujours avec talent le morceau de ses hôtes. Un tueur. Surtout, avec ou sans vocoder, faut admettre que Drizzy chante bien, encore mieux qu’avant et largement plus que le reste du plateau rap en tout cas. Il suffit de l’entendre balancer des douilles à ses amours perdus de manière langoureuse sur « Shot For Me » pour saisir son talent. « Bitch, I’m the man, don’t you forget it ». Je l’avais un peu oublié, croyant me douter que Drake avait atteint son Everest artistique avec So Far Gone. Je m’étais planté. Il n’y a pas meilleur actuellement pour conter une vie de rêve teintée de nostalgie et de regrets.
Comme je le disais, la force de ce Take Care réside dans l’osmose entre les morceaux, qui s’enchaînent avec une véritable grâce. On déroule le disque du début à la fin sans sourciller. Classe, comme la vraie/fausse participation de Stevie Wonder à l’harmonica sur « Doing It Wrong ». Une musique confortable comme un bon fauteuil en cuir, à écouter dans son intimité. Un peu à l’image du rappeur entouré de tout son or sur la pochette. Un roi Midas aussi confiant que seul et pensif dans un royaume d’abondance, prêt à rappeler une ex et la convaincre seulement parce qu’il manque de sexe : « Marvin’s Room ». J’aurais presque envie de le plaindre de sa réussite …
Contre – Sylvain : « Drake n’est pas un magicien, c’est un illusionniste. »
Après un premier album en demi-teinte, Drake est de retour avec son second album Take Care. Un deuxième essai bien différent de Thank Me Later. Entre temps, le poulain de Weezy a pris du poids dans le rap game. Son statut a changé et c’est désormais l’heure de la confirmation, ou pas.
Bien trop mielleux. Voila ma première impression lors de l’écoute du LP. C’est doux mais cela manque cruellement d’acidité et d’audace. Le problème c’est que tomber dans ce genre de registre peut amener l’auditeur à s’ennuyer voir pire : s’endormir. C’est le cas pour moi. Drake s’est transformé entre ses deux albums. Alors qu’il était majoritairement rappeur avant, il est maintenant plus dans un délire R’n’B que je trouve un peu facile. Des productions trop légères, pas assez travaillées. Moins de rap, plus de chant. Un compromis auquel je n’adhère pas du tout. Le MC Canadien a du talent c’est sûr. Mais il est devenu un peu agaçant à se reposer sur ses facilités. Je parle de chansons telles « Doing It Wrong », « The Real Her » – ou même Andre 3000 ne peut rattraper cet track -ou bien « Marvin’s Room ». Ce sont des morceaux qui se ressemblent et croyez moi je pourrais en citer une bonne dizaine comme ça. Le rythme est lent et la musicalité est faible. Cela donne un résultat peu accrocheur.
Du côté des satisfactions et bien il y en a peu. Le single « Headlines » avec son refrain accrocheur est pas mal. Mais moins bien que « Over », le single de son premier album. Sur « Take Care » on retrouve Rihanna et sa performance ne m’a pas déplu. Pour une fois elle n’est pas pesante et le titre quant à lui est bien mené. Surement la meilleure chanson du LP. J’ai également bien aimé le « Make Me Proud » avec un refrain bien entraînant et une prestation correcte de Nicki Minaj. L’intro « Over My Dead Body » est également audible. C’est tout. Bien décevant de la part de Dreezy.
Pour conclure, c’est un album de plus qui finira dans l’oubli dans quelques années. Car la griffe artistique du MC n’est pas assez présente. Car les productions sont bien trop faibles pour un rappeur de ce calibre. Cela me rappel une phrase d’un certain magazine français de musique: « Drake, magicien du rap ». Non, Drake n’est pas un magicien, c’est un illusionniste. Et comme tout illusionniste, son travail est éphémère.
Trois sons à mettre dans l’iPod :
Lord Knows
Crew Love
Over My Dead Body