Alors qu’il faisait jadis l’unanimité, le Kid Cudi d’aujourd’hui divise. Après la vieille crêpe sans saveur qu’il nous a pondu avec WZRD, beaucoup de ses anciens adeptes ont quitté le navire. D’autres s’y accrochent encore et espèrent que son nouvel opus, Indicud, remettra tout le monde d’accord. Au sein de la rédaction, nous sommes également partagés. Au point d’ailleurs de nous demander si le deuxième mec le plus connu de Cleveland après LeBron James vaut vraiment tout ce mal de tête ; nous rappelant les bons moments passés à écouter la première partie de sa discographie, on s’est quand même dit qu’il y avait un effort à faire. Chronique doublement rédigée par deux anciens fans.
Pour : Vincent
Il s’est écoulé deux ans – deux mondes – entre « Man On The Moon II » et « Indicud ». Une pause musicale pour se consacrer au tv show « How To Make It In America » et le projet indie-rock « WZRD » plus tard, le kid fait son retour, mais dans quel état. Lui qui vient récemment de quitter le label G.O.O.D. Music pour s’affranchir de Kanye et ainsi lancer son propre label, Wicked Awesome, où il se consacrera à son nouveau poulain, King Chip.
Il semble que ce bref hiatus l’ait ramené à la vie, musicalement parlant. L’auto-décrivant comme sa version de « Chronic 2001 », il va même sur certaines pistes de l’album ne faire que produire pour laisser la place à d’autres artistes – ou à l’instru – de s’exprimer. Du coup, côté production, il n’est pas anormal d’apercevoir en lisant les crédits que Cudi himself a réalisé la totalité des pistes de son album, deux seulement en co-production – « Girls », co-produite par 88-Keys, et « Red Eye » co-produite avec Hit-Boy. Niveau invités on est servi : les incontournables du moment A$AP Rocky et Kendrick Lamar sont présents, mais également les glorieux RZA et Too $hort ainsi que son protégé King Chip. Pour le côté alternatif et rock, Scott s’est tourné vers Haim qui apporte une touche féminine sur le très plaisant « Red Eye », et peut compter sur Father John Misty et sa guitare sur « Young Lady »
Alors qu’on pourrait croire à des productions quasi-similaires tout au long de l’écoute, Kid Cudi nous suprend comme sur « Afterwards » en featuring avec Micheal Bolton – oui oui, Jack Sparrow. Pas de surprise, ce son-là est bien trop expérimental et l’apparition du crooner blanc déroute.
« The lost black sheep of G.O.O.D. Music »
Les expériences se poursuivent avec un « New York Rage Fest » qui ne bénéficie pas d’un apport lyrical de Cudi, mais qui par contre reste loin de ses influences rock et rap. D’ailleurs, l’époque WZRD a laissé des traces : on sent les mêmes guitares et basses sur la première moitié de l’album. Le mélange entre les deux genres ne fait pas toujours bon ménage, comme sur « Burn baby burn » où l’alchimie entre la ligne de basse et les voix ne prend pas, c’est bien dommage. Bien que album soit, malgré tout, toujours à tendance rock-alternatif, l’ancien de G.O.O.D Music arrive quand même à délivrer quelques tracks purement rappées : « Solo Dolo pt. II », par exemple, utilise un sample du morceau « Traitor » de Menahan Street Band que Kendrick et le natif de Cleveland exploitent à merveille. »Beez » avec Rza possède également une bonne vibe rétro.
Ce qui est certain, c’est qu’en réalisant et produisant 16 des 18 morceaux, Kid Cudi a voulu faire en sorte que l’auditeur comprenne pleinement ce qu’il est aujourd’hui. Lui qui depuis son second album n’a cessé de monter et descendre les montagnes russes en solo. De la bataille qu’il mène pour le droit de garde de sa fille à l’annulation brutale de « How To Make It In America », en passant par l’absence d’un support pour son projet « WZRD ». Autant d’éléments qui l’ont poussé à faire – et qui font – « d’Indicud » un album solide.
Contre : Sylvain
Comme tout bon Cuddicted, j’attendais cet « Indicud » avec grande impatience, et ce malgré une cover bien dégueulasse. Deux ans et demi se sont écoulés depuis le cosmique « Man On The Moon II », et pourtant certaines chansons résonnent encore dans nos têtes. A l’époque, Cudi était déjà Mr Rager. Un putain de rageux accro aux drogues et solitaire dans son univers spatial. Depuis, il s’en est passé des choses : rupture avec Jamie Barrata (cf « Teleport 2 Me, Jamie »), perte de la garde de sa fille, éloignement de ses anciens producteurs, un album « WZRD » en demi-teinte, départ de son label Good Music. Un contexte pesant qui explique en parti la décision de Cudi de produire tous ses sons. Aussi seul qu’un Yoann Gourcuff période 2010 en équipe de France, « Cudderisback » – mais dans quel état ?
A vouloir trop se la jouer Indie-Cud, le Kid se saborde. Lui qui ne co-produisait que deux tracks sur « Man On The Moon II », il en réalise la grande majorité – 16 sur 18 – sur « Indicud ». J’apprécie l’idée de devenir indépendant instrumentalement parlant, et je veux bien que la M.A.O. soit accessible à tous, mais est-ce une raison pour se priver des beatmakers qui ont fait son succès ? Car Kid Cudi ce n’est pas seulement une voix/un flow, c’est aussi un beat qui se marie génialement avec sa tonalité vocale. Et sans l’un de ces éléments, Cudi n’est plus Cudi. En témoigne toute la fin de l’album qui à partir de « Burn Baby Burn » et jusqu’à « The Flight of The Moon Man » se transforme en théâtre hideux, repoussant et cauchemardesque. Mais ou est donc passé le gamin de Cleveland ?
« I don’t need nobody »
A défaut d’avoir de bonnes instrus, le guru de la bonne vibe pensait s’en sortir avec ses lyrics. Raté, à nouveau. Cudi passe son temps à se morfondre sur la quasi totalité du LP. Le caliméro du rap game semble obsédé par les autres. Il parle sans cesse des ses haters, de ses faux amis, et même de G.O.O.D. Music. A ce propos, il lance sur l’infâme « Cold Blooded » : « Feeling way worthless, the lost black sheep of G.O.O.D. Music/Only good for a hook, huh? ». Pas faux, il n’était pas l’un des mieux intégrés dans le collectif comme on a pu le constater sur « Cruel Summer ». Au fur et à mesure que les malheurs s’enchaînent, cet album ressemble de plus en plus à une crise d’adolescence. Le kid rage sans cesse. Or je pense qu’on ne peut pas prôner l’autarcie artistique/musicale – Cudder est producteur, rappeur et réalisateur de clip – et se plaindre continuellement de sa solitude. Cette incohérence n’est qu’une fausse note de plus dans le bilan mitigé du rappeur.
Pour finir, je ne dis pas que cet album est nul. Il est juste moyen. Si ça avait été un premier projet, on aurait presque pu y croire. Mais là, tous ceux qui ont goutés au Kid Cudi d’avant ne peuvent plus s’en satisfaire. Et même si certains sons rattrapent un peu le coup – « Brothers », « New York City Rage Fest », « Girls, Beez », « Solo Dolo II », en gros – on ressent vraiment une pauvreté affligeante dans les lyrics et dans les productions. Cudi le disait sur le « Solo Dolo » originel : « I don’t have nobody ». A l’époque, on comprenait sa solitude. Sur « Solo Dolo Part II », il change de rengaine en lançant « I don’t need nobody », tel le symbole de son évolution. Il se sentait seul, désormais il veut être seul. Très bien mon grand, tu as fait tes choix, mais cette auto-mise à l’écart te perdra. Du moins, pour le moment.