Comme vous le savez probablement, le premier album studio du duo Macklemore / Ryan Lewis est sorti le 9 octobre dernier. Nous l’avions chroniqué sur la version anglaise de ce site quasiment aussitôt, puis avons décidé de rédiger à nouveau nos impressions, en français cette fois, avec un bon mois d’écoute de l’album comme recul. Une occasion pour un plus grand nombre de personnes de redécouvrir (ou de découvrir) ce petit bijoux.
L’album apparaît sous la forme d’un coffret noir, un coffret galvanisant toute l’énergie qu’ils ont mis à l’élaboration de leur projet. Il est clair que les deux artistes ont vraiment voulu faire quelque chose de spécial, quelque chose qui rappellerait que la musique n’est pas seulement un clic sur un « download » mais bien tout un univers, une personnalité que le ou les artistes tentent de partager à travers quelque chose de matériel, de physique, sous la forme d’un objet que l’on peut toucher, partager, qui mène lui ensuite à l’écoute des morceaux. C’est donc le premier pas vers la connaissance de l’artiste mais c’est aussi un moyen de mettre en avant toutes les personnes qui ont travaillé sur ce projet, et qui restent malheureusement souvent dans l’ombre. Malgré tout, cela n’a pas empêché « The Heist » d’atteindre la première place des albums vendus sur iTunes seulement quelques heures après sa sortie.
Dix milles heures de boulot sur leur album qui se sont aujourd’hui transformées en dix milles mains en l’air pour les soutenir. Pardon, en millions.
Ce coffret contient d’ailleurs dix-huit petites œuvres d’art (une pour chaque titre de l’album) réalisées par différents artistes plus ou moins proches du duo. Appréciable. Dans cette belle tracklist, on retrouve les célèbres « My Oh My », « Wings » ou encore « Can’t Hold Us » ; il serait naïf cependant de croire que les deux bonhommes se sont contentés de regrouper leurs titres déjà phares. Le surprenant « Make The Money » est splendide, et rappelle la nature indépendante des deux artistes, toujours avec cette identité musicale qui leur est propre. Les gros succès de l’album restent les singles « Same Love » et « Thrift Shop ». Le premier, sorti début août, est une ballade sur une production calme, avec Mary Lambert au refrain, morceau qui a fait son bout de chemin sur la toile du fait de son caractère anti-homophobie. Une prise de position du chanteur (soutenant son oncle gay) rare dans le milieu du hip hop, ce qui leur a d’ailleurs valu une invitation au Ellen Show – solidarité lesbienne oblige. Petite parenthèse : allez jeter un oeil sur ce documentaire de cinq minutes sur le mouvement « gay hip hop » à New York, c’est sympa.
« Thrift Shop », qui a atteint les 80 millions de vues sur Youtube, est un son un peu déjanté, semblable à une comédie Eminem-like (en bien plus hipster, on vous l’accorde), qui bouge énormément et qui fait l’éloge du shopping dans les friperies (Leonard, m’entends-tu ?). Le clip, entièrement réalisé par eux-mêmes, rappelle une fois de plus le côté « self-made men » des deux amis.
Si l’album est le produit de leur passion pour la musique, c’est sans oublier les nombres d’heures incalculables passées dans leur studio de Seattle à composer : le morceau « Ten Thousand Hours » en est l’illustration. Elle est inspirée de l’ouvrage « Outliers » de Malcom Gladwell, bouquin mettant avant la théorie que, dans n’importe quel domaine, la clé du succès repose sur 10 000 heures d’entainement, d’où le refrain : « Ten thousand hours felt like ten thousand hours / Ten thousand hands, they carry me ». Dix milles heures de boulot sur leur album qui se sont aujourd’hui transformées en dix milles mains en l’air pour les soutenir, au sens propre et figuré du terme. Pardon, en millions. On note aussi la qualité de « White Walls » en featuring avec ScHoolboy Q avec son refrain très catchy, ou encore le passage d’Ab-Soul, nouvelle perle west coast, sur « Jimmy Iovine ». Une chose est sure, Macklemore & Ryan Lewis font dans l’originalité, entre les invités de leur album et les instruments utilisés : un orgue dans « Ten Thousand Hours », un banjo dans « Cowboy Boots ».
Chaque morceau semble appartenir à un univers totalement différent de celui qu’il précède. Le point commun entre tous ? Probablement cette volonté récurrente chez Macklemore de faire passer un message, de donner une morale à son auditeur de l’instant. Sa manière de le faire ? Raconter une histoire, souvent la sienne, mais sans forcément se lamenter sur ses problèmes. Dans « Victory Lap », le fameux morceau composé à l’occasion de sa sélection parmi les Freshmen of the Year du magazine XXL, il retrace sa progression de ses débuts à son âge actuel de 29 ans, psychanalisant le succès qu’il est en train de rencontrer.
Une ballade dans la vie de ces artistes, peut-être même dans la vôtre ; assurément un moment d’évasion qui ne peut que vous faire du bien.
Il serait d’ailleurs faux de dire que Macklemore a toujours été le même. Ses anciennes addictions au sirop de codéine et autres substances funky sont des sujets sensibles qui reviennent souvent dans l’album, notamment dans « A Wake », « Neon Cathedral » ou encore « Starting Over ». Ces séjours en désintox, ces rechutes, sont des faits marquants dans la vie du rappeur qu’il, de façon souvent imagée, nous raconte avec beaucoup de sensibilité. Ces leçons là, il veut les transmettre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il ne se réclame pas « underground » en adressant un message complexe à un élite dont elle-seule saura saisir le sens, non, il cherche au contraire à toucher des milliers, des millions de personnes. « Neon Cathedral » nous met dans une agréable atmosphère – space, mais agréable – dans laquelle il raconte comment l’alcool était devenu sa religion, sa « neon cathedral » : « I read the Bible but I forgot the verses / The liquor stores opened ealier than the churches ».
Au final, nous vous conseillons et surconseillons de vous pencher un peu sur ces deux-là et leur album. Le genre de truc qui fait du bien, qui rassure. Une ballade dans la vie de ces artistes, peut-être même dans la vôtre ; assurément un moment d’évasion qui ne peut que vous faire du bien. Si vous souhaitez d’ailleurs en savoir un peu plus sur Macklemore & Ryan Lewis, on vous conseille ce documentaire de 15 minutes que nous avons publié récemment, documentaire qui peut au passage donner une vision différente de celle qu’on pourrait avoir d’eux.