On ne t’apprend rien : avant que Walter White n’enfile son costume de Heisenberg et que Khaleesi se fasse enfiler par ses dragons, une autre série mythique a révolutionné l’art du TV show. The Wire est une oeuvre incroyable, si ce n’est «LA» série, honorée par Le Time, le American Film Institute Awards, le Television Critics Association Awards et surtout des millions de fans. The Wire se place en bonne position des références culturelles du XXIè siècle. Jamais une série n’avait dépeint avec autant de réalisme le quotidien dans les quartiers pauvres de Baltimore, celle des résidents qui vivent la violence et la dope et celle des flics désillusionés par leur rôle dans ce paysage où le crime, la corruption et la détresse font partie du quotidien.
Un regard unique sur la société américaine porté par un créateur de génie : David Simon a construit de nombreux personnages aux personnalités complexes qui parviennent à donner une réelle profondeur au scénario. Sans jamais tomber dans le manichéisme, il trace un portrait acerbe de personnages qui mènent leur barque dans cette jungle urbaine. Difficile de démarquer un rôle-clé, mais s’il n’ne resterait qu’un, ça serait sûrement Omar Little. Détrousseur de dealer, indic pour la police, tueur de sang froid, bienfaiteur de quartier, il flirte entre humanité et dureté. Son caractère à la fois passif-agressif, son rôle distinct des « camps » et son homosexualité affichée perturbent la place quasiment convenue des autres personnages dans cette fresque urbaine : McNulty, le flic divorcé alcoolique, Gregs, policière lesbienne carriériste ou le légendaire Stringer Bell, caïd aussi méticuleux qu’ambitieux. Alors bien que leur personnage ne se limite pas à cette courte description, leur position ne surprend pas vraiment. Omar, quant à lui est dépeint d’une telle sorte que bien qu’étant acteur secondaire de l’intrigue principale, il émane de son style un recul glacial, offrant un nouvel angle de vue sur les évènements et leur traduction.
Pourtant ce Robin des Bois du hood n’est pas que fiction : Omar est en effet inspiré de Donnie Andrews, un personnage singulier ayant laissé son empreinte dans les rues de Baltimore. A l’image de son alter-ego fictionnel, il endossa tout au long de sa vie plusieurs casquettes, dont celle de dealer, cambrioleur, tueur à gage ou informateur pour la police. Il a également aidé les drogués dans les rues et dans les prisons de la ville. En 1987n il se rend à Edward Burns, détective à la police criminelle, suite à un meurtre qui ne cessait de le hanter. C’est justement ce Edward Burns qui l’a mis plus tard en relation avec David Simon, à l’époque journaliste au Baltimore Sun. Burns et Simon ont d’abord rédigé The Corner : A Year in the Life od an Inner-City Neighborhood, livre évoquant les rues de Baltimore, entraide et cruauté. Ce livre fut par la suite adapté en mini-série, congratulée aux Emmy en 2000.
Sorti de prison en 2005, Donnie Andrews assiste alors Simon dans l’écriture de The Wire et apparait même brièvement aux côtés d’Omar dans celle-ci. Il s’investit ensuite dans l’associatif auprès des addicts locaux et lance sa propre association «Why Murder ?». Il nous a quitté l’année dernière, âgé de 58 ans suite à des complications post-opératoires.
Mais ce n’est pas le seul parallèle que l’on peut dresser entre cette série et le réel, notamment via l’acteur qui incarne Omar. Au-delà de Donnie Andrews, l’interprète d’Omar Michael K.Williams s’est forgé son personnage dans les quartiers pauvres de Baltimore, dont un particulièrement difficile : «Le Bluff». En plus de ça, il apprécie la bonne musique.
I don’t need to meet him. Let the money talk.
Après son passage dans la série, l’acteur Michael K.Williams a approché Curtis Snow qu’il considère comme «le vrai Omar», afin de faire connaitre les difficultés éprouvées par la jeunesse des projects. Il ont monté le docu-fiction Snow On Tha Bluff, qui retrace le parcours de Curtis au milieu de la pauvreté, de la violence aveugle et de son cortège d’injustice. Alors bien que mis en scène et romancé, c’est une réelle immersion proposée par des acteurs véritable de la vie au sein du Bluff.
Que ce soit pour ces personnages plus vrais que nature, ou son recul sociologique je ne peux que te conseiller de (re)mater The Wire, avant d’enchaîner sur Snow On Tha Bluff. L’université Paris X Nanterre c’est d’ailleurs penché sur la question lors d’un séminaire en 2012, mis en avant dans ce papier du journal Le Monde.