Par Julie Déléant
Darcy Padilla, ex photo reporter pour le New York Times et le Washington Post, a publié l’hiver dernier une série de photos autour de la descente aux enfers d’une toxicomane, Julie.
Retour sur images.
Lors de leur première rencontre en 1993 dans le hall d’un hôtel, Julie n’a que 18ans et vit alors avec le père de sa fille Rachael, Jack, et est déjà contaminée par le virus du Sida.
Julie a quitté sa mère alcoolique et son beau-père incestueux il y a 4 ans déjà, pour devenir à son tour toxicomane et vivre dans un appartement vétuste de San Francisco, entre les mégots de cigarettes, les poubelles ouvertes et les piles de vêtements sales.
Darcy Padilla la photographiera pendant les 18 années qui suivront, d’hôtels en hôtels, des bas fonds de San Francisco jusqu’aux régions les plus isolées de l’Alaska où Julie viendra trouver la mort le 27 septembre 2010, avec la même verve et la même empathie.
Ce reportage, d’une richesse et d’une nécessité rares, alterne photos, retranscriptions téléphoniques, extraits d’actes de naissance, citations, impressions tranchées dans le vif, parfois dans la panique.
Au-delà d’une simple intrusion dans l’intimité de son prochain, Darcy livre un témoignage engagé mené de front et par celui qui s’introduit, le photographe, et par celui qui est le coeur même du message, son sujet. En parfaits miroirs savants, Darcy et Julie se soutiennent, s’enseignent et s’abreuvent l’une de l’autre.
Avec Julie, Padilla ne cherche à vrai dire plus vraiment à dénoncer ; l’évident constat sur la pauvreté se meut progressivement en un travail beaucoup plus personnel, motivé par le seul amour de l’autre, la destinée des hommes à se rencontrer, mais aussi à se laisser vivre et surtout se laisser mourir; à la frontière de l’exercice de journalisme gonzo et d’une criante déclaration d’amour, justifiée par le devoir de mémoire.
Une ode à la liberté. Indispensable.
L’intégralité du reportage est disponible ici :
http://www.darcypadilla.com/thejulieproject/intro.html
Actu :
Darcy Padilla enseignera durant l’automne 2011 la photographie documentaire au San Francisco Art Institute.