Ah, les américains et leur puritanisme deux poids deux mesures… Le pays des rappeurs outrageants est aussi celui qui applique une censure sévère de tous les mots estimés borderline. Vous est-il déjà arrivé d’entendre un son ricain avec des mots atténués voire bippés ? Pire encore, de kiffer un son, d’aller le télécharger et d’entendre une flopée de « fuck » et des n-words impromptus ? C’est ce qui résulte de ce qu’on appelle le clean editing, la version « propre » de vos morceaux préférés.
NPR, mastodonte de la diffusion radiophonique aux USA, nous révèle que la tache est confiée aux ingénieurs des studios d’enregistrement. Des techniques extrêmement minutieuses sont requises pour fournir aux diffuseurs radio et télé des versions politiquement correctes et lissées pour alimenter la machinerie des hits. On demande d’effacer des mots, des phrases, des gémissements et parfois même des couplets, sans dénaturer le son et la musicalité, au risque de voir l’auditeur partir vers la concurrence.
La tâche est plus complexe qu’il n’y paraît : certaines chaînes sont plus flexibles quand d’autres sont catégoriques, comme Radio Disney par exemple – on le comprend. Les artistes sont parfois contraints de retourner en studio pour adapter le son au grand public. Jamais à l’abri de mauvaises surprises, les diffuseurs disposent de techniques internes et immédiates à appliquer : on inverse les mots, on les assourdit complètement. Certains de ces ingénieurs savent même reconnaître les chaînes en fonction des techniques, et plus de la moitié des sons du moment sont concernés. Pas de pitié pour Emmanuel Coquia, directeur musical de Power 106, l’une des plus grandes radios hip-hop, basée à Los Angeles. Il affirme faire écouter chaque nouveau son avant diffusion à au moins trois personnes. « I heard the new Ariana Grande record — she said ‘s***.’ No one is gonna expect that from her. » Oui, même elle.
Source : NPR, « The Art Of Clean Version »