Demi Portion : « L’engouement pour le Demi-Festival est magique »

mardi 9 août 2016, par Ken Fernandez.

« Sur un coup de tête. » Demi Portion s’est réveillé un matin avec l’envie de concrétiser un rêve. Quelques mois plus tard, malgré les galères et avec surtout beaucoup de soutien, son Demi-Festival 100% hip-hop inaugure sa 1ère édition le jeudi 11 août, dans sa ville de Sète. Nous avons rencontré le rappeur, devenu amateur en événementiel pour tout savoir de ce nouveau festival qui place le magnifique Théâtre de la Mer sur la carte rap en France. Créer un festival hip-hop, tout seul ou presque, c’est donc encore possible.

De moins en moins de subventions de la part des villes, une sécurité toujours plus importante et une image rap encore trop connotée. En France, pas facile d’organiser ou même de maintenir un festival de rap. Parce qu’il ne faut jamais se résigner, un irréductible Sétois a décidé de créer son festival hip-hop contre vents et marées, sous le soleil de la ville de George Brassens. Trois jours de rap, 60 artistes, plus de 5000 spectateurs prévus : le Demi-Festival fait son entrée dans la cour des grands. Quoi de plus logique que Demi Portion, activiste invétéré du rap indépendant depuis des années se trouve derrière ce projet fou. Pour SURL, le papa heureux du Demi-Festival vous dit tout sur son bébé.

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SURL : Comment t’es tu vraiment décidé à créer un festival de rap ?

Demi Portion : J’ai été appelé par la Scred Connexion pour participer au Scred Festival, au New Morning (Paris) en début d’année. Ils ont organisé un gros rassemblement pour leurs 18 ans avec une trentaine de rappeurs, des graffeurs, tout leur entourage, etc. J’ai trouvé ça fou et je me suis dit que je voulais faire la même chose, chez moi, à Sète. C’est sur un coup de tête en février, que je me suis dit et pourquoi pas. J’ai de suite eu envie de faire ça en mode « Narvalow », comme le fait Swift Guad à Montreuil : en plein air, appeler des potes et me produire aussi. En sachant que je n’ai jamais joué chez moi.

Tu n’as jamais joué dans ta ville ?

Jamais. Même sur la grosse tournée de mon troisième album « Dragon Rash ». J’ai juste fait quelques concerts acoustiques, du slam, des ateliers d’écriture, j’ai joué le jeu. J’ai aussi toujours jouer le jeu lorsqu’on m’invitait dans mon quartier ou ailleurs, mais je n’ai jamais fait de vrai truc en centre-ville, ou à la plage. C’était toujours compliqué.

Et à partir de cette idée, comment tu t’y prends pour concrétiser ce projet un peu fou ?

Je crée un événement, de nuit sur Facebook « Pour la création du premier Demi-Festival ». Ca a pris un engouement de fou. Je me suis pris une gifle lorsque j’ai vu que 50 000 personnes participent à l’événement alors que ma ville, Sète, compte 47 000 habitants. Surtout quand tu vois que les festivals à côté mettent beaucoup d’argent dans la communication, ont besoin de gros artistes pour vendre… L’engouement pour le Demi-Festival, alors que je n’ai pas annoncé d’artiste et que je suis tout seul, est magique. Cela prouve que les gens aiment le rap et sont prêt à se déplacer pour s’amuser avec la musique qu’ils écoutent. Et puis ça m’a aussi permis d’ouvrir certaines portes plus facilement.

Comment ça se passe avec la ville de Sète lorsque tu leur demande l’autorisation d’organiser un festival de rap… et dans six mois ?

Au début, la ville ne voulait pas le festival. Il me fallait une boite de production, une très grosse structure derrière pour être porteuse de ce projet. Je me suis donc entouré d’Eliel, qui dirige la boîte de production Hook Up et est manager de Tha Trickaz, un groupe dubstep, dans le même délire que Chinese Man. Il m’a beaucoup aidé pour tout ce qui est logistique, billetterie, les assurances, les mails… Il m’a fait 50 à 70% de tout ce qui est bordel et a mis en place mon festival. Je n’ai plus eu qu’à ramener la programmation. On a une bonne petite équipe. Ensuite, avec la mairie, ça m’a beaucoup aidé d’être de Sète et de m’être beaucoup impliqué pour ma ville. Ça m’a permis d’être pris au sérieux. Ils ont été super corrects, très ouverts et au final, ils ont accepté tout ce qu’on proposait et m’ont filé l’une des plus belles salle du Sud de la France, donc je suis content pour ça.

Au final, c’est un festival à ton image, familial…

Oui, carrément. L’engouement, les participants, les bénévoles, il y a de tout dans l’événement. J’ai même reçu des propositions de dons de personnes qui ne pouvaient pas venir mais voulaient aider. La force des gens a été incroyable.

Tu as dû mettre des sous de ta poche pour le monter ?

Non, pas besoin. Le fait d’avoir rempli le festival fait que la billetterie suffit. À la base, j’avais un petit budget, je ne voulais rien demander à la ville de Sète et quand j’ai rencontré la boîte de prod, elle m’a dit qu’on n’en aurait pas besoin. J’ai su qu’ils n’étaient pas là pour gratter au moins.

Beaucoup d’artistes programmés se sont proposés d’eux-mêmes, tu leur file un cachet ?

Oui oui. J’ai fait un appel pour réunir tous les artistes qui souhaitaient venir avec le cœur, mais aujourd’hui, le mot gratuit n’existe pas. On a tous fait des contrats d’intermittence, même le bénévolat n’existe pas. Je ne le savais pas moi, c’est la boîte de prod’ qui me l’a appris aussi. Et puis vu que toutes les places sont bien parties, c’est cool. On a pu donner un cachet à tous les rappeurs.

 

« Aujourd’hui, le mot gratuit n’existe pas »

 

Et comment tu as fait cette programmation d’ailleurs ?

C’est moi qui ai tout fait en 48 heures. Beaucoup d’artistes se sont portés volontaires sur les réseaux sociaux ou m’ont contacté. C’est peut être quelque chose de nouveau de créer un festival, comme ça, mais je l’ai juste fait avec le cœur. Je suis quelqu’un qui demande rarement aux gens et j’ai déjà fait beaucoup pour d’autres artistes donc quand je les ai appelés, il n’y a eu aucun problème. « Allo l’Animalerie ? » – « Je viens. » – « Allo Kacem Wapalek ? » – « Je viens. » Ça s’est fait naturellement. Personne ne m’a parlé d’argent et tout le monde m’a dit oui direct.

Tu as dû refuser des artistes ?

Je n’ai pas refusé d’artiste, c’est chaud de dire ça. J’ai eu beaucoup de demandes, de mecs indépendants, qui débutent pour des demandes de scène ouverte. Je n’ai pas pu dire oui à tout le monde. On a quand même eu plus de 500 demandes de bénévolat et peut être 300 artistes, il aurait fallu faire une quinzaine du hip-hop. Ce sera la prochaine fois. Ça prouve qu’on a beaucoup de rappeurs en France.

Qui est ce que tu aurais aimé avoir et qui ne sera pas présent ?

Peut être des anciens, comme les X-Men, les Sages Po, Rocé, Casey ou la Rumeur. Que des groupes ou rappeurs qui m’ont donné une force à l’époque. Après, ce n’est que partie remise, c’est mon premier festival.

La programmation est très cohérente, mais ne trouves-tu pas que ton festival manque un peu de diversité dans la programmation ?

C’est vrai. C’est mon premier festival, je ne suis pas égoïste, mais je l’ai construit comme je le veux. J’aurais pu appeler SCH par exemple pour remplir, mais ce n’est plus dans mon optique. Le public vient pour ne pas se perdre. Là ils savent ce qu’ils vont voir. Ensuite, je reste très ouvert. Que ce soit Set&Match que je connais bien, Deen Burbigo, Alpha Wann, Caballero, ils m’ont contacté et j’espère les voir dans les années à venir. Sans se voiler la face, j’ai voulu des artistes que je respecte, je côtoie, avec qui j’ai des connexions. J’ai envie de donner envie aussi à d’autres MCs de faire pareil, que ce soit des petites scènes ou des petits rassemblements. Mais oui, je vois ce que tu veux dire, le truc est peut être demi sectaire.

Et à côté des concerts, tu proposes d’autres activités ?

Oui oui, il y a aussi de jeudi à samedi dix gros grapheurs, une scène ouverte samedi après-midi, gratuite et en plein air. Et bien sûr, le soir les concerts au théâtre de la mer. C’est DJ Djel, de la Fonky Family qui animera les soirées, à l’ancienne. Et quelques surprises. Alors je souhaite la bienvenu chez moi à tous et à la deuxième édition pour ceux qui ne peuvent pas venir.

Ton conseil pour celui qui veut lancer un festival demain ?

C’est dur, c’est très dur. On bosse avec une équipe qui te donne rendez-vous à 9h dans le bureau, de lundi à vendredi. Edouard et Eliel vont se reconnaître. Je suis enfermé avec eux depuis deux mois. J’ai mis de côté mes projets, je suis à fond dedans. Mais je suis content d’y aller, de mettre mon petit grain de sel. J’arrive avec mon petit Mac, on partage les Excel, c’est du kiff. Après c’est vrai que c’est un travail que les autres festivals font en un an. Moi je nous ai mis un coup de pression pour le faire en deux mois donc c’était chaud. On a eu Solidays ou Mars Attack au téléphone pour nous demander comment on a fait. Et on leur répond franchement, on ne sait pas. Je pense qu’il faut juste trouver la formule, les artistes : la bonne entrée, les sauces, le bon dessert et une fois servi, si c’est le menu bon, les gens vont venir. Et attention, ce n’est pas forcément le truc le plus vendeur, il faut trouver l’alchimie, la formule qui donne envie.

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