Des tubes hyper formatés qui se ressemblent autant qu’ils cartonnent et finissent diffusés en boucle lors des émissions TV de divertissement. Des stars qui s’agglutinent autour de ses CDs pour y gagner un couplet, voire un morceau complet, histoire d’accéder à leur part de buzz. Un look pas franchement flamboyant et un charisme que l’on pourrait qualifier de « défaillant ». Vous pourriez penser que je décris sommairement (et sévèrement) David Guetta, bien en fait je croyais peindre le portrait de DJ Khaled. Ca tombe bien, puisque le premier s’affichera bientôt en couverture de l’édition française de GQ – début d’un plan promo dantesque pour le LP Nothing But Beat, tandis que le second sort son album We The Best Forever, pas vraiment nécessaire à chroniquer. A partir de ces quelques similitudes, la question méritait d’être posée : DJ Khaled incarne-t-il l’équivalent hip-hop de David Guetta ?
Ils font tous les deux danser la planète
Qu’on apprécie ou pas ces deux artistes, impossible de réfuter cette vérité absolue. Passez votre nuit dans n’importe quel club « branché » – un terme qui n’indique pas forcément une connotation positive certes – vous entendrez au moins un morceau de David Guetta ou de DJ Khaled, voire les deux. Ca dépend du lieu et du style musical, même si évidemment le succès de Khaled à l’échelle mondiale est bien plus modeste. Vous voyez où je veux en venir. Dans les deux cas, les hits concoctés suivent une recette assez simple, qu’ils ne sont pas les seuls à recycler : des beats entraînants, percutants mais pas trop, un refrain facile à mémoriser et surtout assez semblables entre eux histoire que ça parle rapidement au grand public. Ajoutez une brochette d’interprètes à la renommée mondiale, qui vendront le morceau, le reste n’est que marketing et matraquage publicitaire (radios, internet, TV,…). D’ailleurs, si DJ Khaled s’est forgé une réputation autour des rappeurs qui l’accompagnent depuis belle lurette, David Guetta ne s’appuie sur des guests de luxe que depuis quelques temps. Dans les deux cas, la liste non-exhaustive des potes fait rêver. Fat Joe, Birdman & Lil Wayne, Rick Ross, Ludacris, Kanye West, T-Pain ou encore Akon pour Khaled; Rihanna, Black Eyed Peas, Diddy, Estelle, Kid Cudi, Usher, Snoop Dogg, U2 et le même Akon pour Guetta. Des connexions qui aident à squatter les charts. Notons au passage que l’exode aux USA de David Guetta n’était pas gagnée d’avance, beaucoup croyaient qu’ils se planterait royalement en voulant vendre sa musique aux ricains. Les langues se sont tues à ce sujet aujourd’hui.
Ils partagent une certaine conception du Deejaying
Facile de décrire les ingrédients du succès de Khaled et Guetta, mais plus difficile de les reproduire. Il serait trop facile d’oublier que DJ Khaled fut un temps un vrai producteur de talent, affilié au terrible Terror Squad, et qu’on lui doit des « Yes Dem To Def », le génial « Beat Novacane » ou « Gangsta » sur le LP Real Talk de Fabolous. Une carte de visite plutôt crédible. Même parcours royal concernant David Guetta. Sans refaire sa bio, un étudiant qui débarque de nulle part à mixer dans les boîtes parisiennes et se forge une carrière à la force du poignet, ça mérite du respect. Las de l’anonymat courant dans le milieu à l’époque, il a déclaré avoir « renoncé à ses premiers cachets en échange d’un contrôle sur la programmation et la promo ». Un culot digne des grands. Après avoir un temps redoré le blason du Folie’s Pigalle, il rencontra sa future femme Cathy, alors serveuse aux Bains Douches, qui l’accompagnera tout au long de ses projets et le propulsera vers la célébrité. La suite ? Un premier album Just A Little More Love qui vend à fond, des soirées F*** Me I’m Famous, puis une carrière de notoriété publique.
Sauf que ces deux musiciens partagent une relation assez forte d’amour/haine avec le public et un nombre conséquent de quolibets filtrent à leur sujet. Suffi de lire des tweets qui circulent quotidiennement sur Guetta, du style « Le seul DJ qui mixe les deux mains en l’air ». Les puristes moquent le manque d’âme et de complexité de sa musique, l’accusent d’être vendu au système des majors. Pire, des soupçons de plagiat pèsent, que ça soit sur le son « 50degrees » ou plus récemment sur « I Got a Feeling », voire des rumeurs selon lesquelles ils ne composerait pas toujours lui-même ses prods, issues de sa période en duo avec Joachim Garraud.
Pas mieux pour DJ Khaled, le type qui s’est taillé une réputation en gueulant quelques non-sens en background de ses morceaux, soit-disant pour exhiber sa passion. Si Guetta est accusé de ne pas composer ses morceaux, Khaled ne s’emmerde même pas avec ça puisqu’il ne produit quasiment plus. Jetez un oeil aux tracklists de ses albums, il ne s’occupe que d’un ou deux sons par LP, souvent les plus mauvais, puis laisse la place aux Cool & Dre, Runners et autres Lex Luger. Il ne se contente plus que de faire le pitre dans les clips qu’il ne réalise pas, sur des singles qu’il n’a pas produit, puis de plaquer son nom et son faciès sur ses compilations. DJ Khaled s’est auto-restreint au rôle d’intermédiaire de luxe, quoiqu’il commence à rapper maintenant… Non, sans façon, reste dans le fond à beugler s’il-te-plaît.
Des hommes d’affaires reconnus
Près de 6 millions d’euros. Le revenu annuel (France + étranger) de David Guetta selon Le Figaro. Si la valeur d’un homme correspondait à celle de son compte en banque, Guetta serait roi. Un set du monsieur pour une soirée privée, genre anniversaire ? Il faudra débourser la modique somme de 400 000 euros (estimation GQ). Si David Guetta demeure très vague et discret sur ses cachets, c’est peut-être pour ne pas attiser encore plus le rejet de certains. Sans oublier son jet privé à 5 millions d’euros, prend-ça Air France. On passera les montants de ses apparitions TV, des reportages sur son sujet, des produits dérivés, des soirées, etc…
Encore un parallèle pour DJ Khaled : le fric. Sauf que lui ne cherche absolument pas à le planquer, ça ferait mauvais genre dans le rap US. La provenance des billets verts ? Ses ventes d’albums, son label We The Best Music qui a déniché Ace Hood, les multiples placements de produits – surtout d’alcool – dans ses vidéos, ou son deal exhorbitant avec Cash Money Records de Birdman, un autre businessman affirmé de l’industrie. Un vrai robinet à dollars, ce DJ Khaled.
Au final, les deux DJs partagent véritablement quelques points communs. Taxés d’opportunistes, ils ont tout de même tracé leur route vers le succès et génèrent un business faramineux dont ils ne sont pas les seuls à profiter. L’un s’est spécialisé dans l’électro-pop, l’autre a vulgarisé une sorte de hip-pop. Leur différence majeure ? David Guetta approche des 22 millions de fans sur sa page Facebook, quand DJ Khaled n’en cumule que 170 000. La route est encore longue…
Update : aller je termine en musique, le clip évènement de Guetta, « Little Bad Girl », avec Taio Cruz et Ludacris, vient de sortir. C’est le moment ou jamais de le partager, même si je n’adhère pas trop.