Les formules magiques ne manquent pas à l’écoute du dernier Drake, que ça soit dans le camp des irréductibles fans essayant de se convaincre de la suprématie d’Aubrey ou dans celui des haters ayant fait de Drizzy leur jeu de fléchette favori. Histoire de crever l’abcès, on vous aide à contre-attaquer en quelques arguments bien huilés, avec ce petit guide d’autodéfense musicale.
Depuis le début de sa carrière, tout a été dit ou presque sur Drake. De ton pote qui le traite de génie au moindre mème, en passant par ton coloc fan de rap vintage pour qui Drake est aussi crédible que Gilles Verdez en combattant MMA, jusqu’à ta meilleure amie, fan transie qui se prépare un thé pomme-canelle sous son plaid à la moindre évocation de son nom. Dur de savoir au final quoi penser de VIEWS dans ce maelström de crachats et de vénération, surtout à une époque où les projets blockbusters se suivent et se ressemblent comme les mauvais animateurs à Canal +. Si ça se trouve, tu n’as même pas encore écouté VIEWS ? Ne t’en veux pas, on l’a fait pour toi. Puisqu’il est souvent difficile d’être dans la demi mesure avec tes ami(e)s qui ont un avis sur tout, autant faire appel à la mauvaise foi. Avec notre petit traité rhétorique, tu sauras quoi répondre en cas de débat pro ou anti-Drake. Tu nous remercieras plus tard.
« Les références sont toujours les mêmes, ça devient vite ennuyeux »
C’est très faux. Contrairement à d’autres poids lourds du rap jeu, Drake se distingue par un name-dropping de haut vol, plutôt original, qui traduit d’un champ culturel assez riche. Mannie Fresh et Birdman (Big Tymers), DMX, Marques Houston, Juelz Santana, Eddie Murphy, Kevin Durant, T-Minus, Vince Carter, Jodeci, Hype Williams, Teddy Pendergrass, Chaining Tatum, Justin Timberlake, David Beckham, Christian Bale et Truman (joué par Jim Carrey dans « The Truman Show ») sont cités dans VIEWS. Quoi, t’es déçu qu’il n’y ait pas les traditionnels Montana, Frank Lucas et autre John Gotti ? Tu perds tes repères ? Drake est un mélomane Canadien de classe moyenne, et ça se ressent dans ses (plutôt vastes) références. Don’t blame him for being honest.
« C’est beaucoup trop long : personne n’écoutera l’album d’une traite »
Tu as l’air d’être un arrogant plein de certitudes, du genre de ceux qui disent avoir bien cerné #nuitdebout après avoir regardé le JT de TF1. Ça ne t’a pas traversé l’esprit que Drake soit sûrement autant au courant que toi de tout ça ? Il sait très bien que son album sera écouté à la va-vite sur des enceintes à deux sous, chroniqué dans l’heure qui suit par la moitié des blogs américains, puis démantelé pour être vendu à la pièce aux mélomanes post-Spotify. Finalement ce qu’il cherche, c’est d’avoir les titres les plus efficaces et percutants. Tout le monde a de quoi manger sur VIEWS. Et si l’écoute peut être fastidieuse, tu as sans doute des la première session placé cinq ou six titres dans tes favoris du moment, comme « Hype », « Child’s Play » ou « Western Road Flows ». Et si Drake n’avait pas cherché plus loin ? Après tout, rien que d’avoir placé « Hotline Bling » en bonus lui aurait permis d’atteindre la certification or de l’album. Alors que tu l’écoutes d’une traite ou en trois fois, ça ne doit pas plus le perturber que la brise au sommet de sa tour.
« HOTLINE BLING EST LE SEUL BON MORCEAU »
Bon, je comprends. Entre ton stage d’apprentissage qui se passe mal, les retours de vacances sous un ciel gris Hollande, tu as besoin d’évasion. Et c’est tout naturel, tu sais. Néanmoins, de là à préférer cette resucée de D.R.A.M. (no homo) au reste de l’album, c’est faire peu d’égard quand au travail de Noah 40 & Drizzy. Un peu comme si tu résumais Nero Nemesis à « Validée ». Il n’y a pas que le rhum arrangé et les vacances au Club Med dans la vie, mon ami. À t’écouter, « Tu veux mon zizi » serait le seul hit de Francky Vincent, alors que son clash « Le restaurant de Francky » pousse la barre plus haut lyricalement que n’importe qui d’autre dans le zouk game. La comparaison est certes un peu tirée par les dreads, mais pour ta peine, tu me réécouteras l’intégrale de la Compagnie Créole. Oh, et pour info « One Dance » vient de se hisser à la première place des charts, ce que ni « Hotline Bling » ni aucun autre titre de Drake n’avait réussi à faire jusqu’à présent. Et ce n’est qu’un début : l’avenir te donnera de plus en plus tort.
« Drake n’est pas un rappeur »
Bon déjà, tu te calmes. T’es peut-être rappeur toi-même ? Ouais ok, tu as a vendu deux mixtapes (à ta mère et ta sœur qui ont préféré ne pas te dire que c’était de la merde) et tu te penses chaud sur tes freestyles. Drake est un ovni dans le milieu hip-hop. Chanter, danser, rapper, mettre des paniers : il sait presque tout faire notre ami canadien. Bon, il faut reconnaître que Drake mélange rap et pop dans VIEWS mais c’est aussi la marque du personnage, la marque des meilleurs. Mais osez dire que Drake n’est pas un rappeur, là on dit non. Drake est un des meilleurs MCs actuellement, approuvé par tous, et trop longtemps sous-estimé. Il est loin le temps où Drake traînait en fauteuil roulant dans Degrassi : Drizzy fait aujourd’hui bouger la terre entière et toi aussi, tu t’es lâché sur ses tubes en soirée.
« Il continue a s’approprier tout ce qui lui passe sous la main »
Avec tes théories complotistes dignes d’un collégien ayant passé un peu trop de temps sur le deep web, on ne risque pas de faire évoluer grand chose. Grâce à la réputation qu’il s’est faite, Drake ne peut plus s’approcher d’un courant musical sans qu’on le taxe de vautour. Est-ce à cause de gens comme toi qu’il n’a pas osé aller jusqu’au bout sur VIEWS ? On trouve finalement moins de références que prévu au dancehall ou a l’afropop sur le disque. Pas plus de grime, malgré un net rapprochement entre Drake et Skepta au cours des derniers mois. Rien que de voir le fait qu’il ait utilisé un sample de New Orleans Bounce sur « Child’s Play » faire les gros titres en dit long. Comment peut on créer dans ces conditions ? N’en déplaise aux jaloux, le plus grand talent de Drake sur les dernières années à été de s’approprier ce qui fonctionne pour l’améliorer. Mieux encore, le rendre parfait. Est-ce à cause de gens comme toi qu’il le fait moins que d’habitude sur VIEWS ? Je ne te remercie pas.
« Drake n’est pas un homme, un vrai »
Oh, comme si ça t’avait empêché d’aimer Lady Gaga. Tu es quelqu’un que je respecte énormément, mais si je dois choisir entre notre amitié et Drake, je te laisse savoir qui a ma priorité. Parce que cela fait quelques années que je piste de la gazelle grâce à sa musique et clairement, lui me fait toujours des passes décisives. L’été arrivant, Drake est mon allié pour survivre dans la jungle urbaine, donc arrête ta zumba et laisse moi coller la petite sur « One Dance ».
« DRAKE EST CLAIREMENT AU DESSUS DU GAME AVEC CET ALBUM »
Bon, posons la question différemment : peut on être fan de Drake et le trouver sur VIEWS aussi charismatique qu’une moule ? La réponse est oui, petit canaillou. Aussi workaholic qu’il est, le canadien anone son discours habituel de façon aussi laborieuse qu’un jeune myopathe appelant aux dons un soir de Téléthon. VIEWS est un album qui ne passera pas à la postérité. Ça reste un bon album de Drake, mais qui ne surclasse pas les précédents. Ça risque de gâcher tes prochains statuts Facebook, je sais.
« C’est un album varié mais cohérent, qui reflète la polyvalence de Drake »
Tu as trouvé la plongée abyssale avec Earl Sweatshirt étouffante, le délire jazz de Kendrick un peu gavant sur la longueur, et tu aimerais bien que Future essaie de faire un morceau sans vider l’armoire à pharmacie avant. Finalement, un peu de variété dans les ambiances musicales n’était pas pour te déplaire. Et c’est vrai que Drake est bon dans ce domaine. Après une ouverture sur des envolées vocales, il est capable de passer au rap avant de t’emmener sur des amuse-gueule a la « One Dance » ou « Controlla ». Mais tout ça tourne en rond. Les mêmes thèmes reviennent souvent : je suis seul a cause de mon succès, je rep my city, j’aime les filles mais c’est compliqué, blabla. Tout cela crée une certaine longueur. Longueur qui n’est pas aidée par les 20 titres et 82 minutes de l’album. Au final, on a plus l’impression d’entendre une playlist. Presque une suite de déclinaisons de ce qui n’aurait pu être qu’une poignée de titres. Une compile, en somme. Mais est ce qu’une bonne compile fait un bon album ? C’était sans doute vrai hier, ça ne l’est plus aujourd’hui. Réécoute les derniers opus des MC cités précédemment pour t’en convaincre.
« Drake fait des bons sons posés pépère »
Oui, c’est vrai, disons-le, cet album est posé mais c’est là où le bat blesse. Contrairement à ce qu’a dit KRS-One récemment, Drake est surestimé. La preuve, chez Nature & Découvertes, VIEWS a été rangé dans le rayon « berceuses pour enfants », juste à coté de l’intégrale d’Henri Dès. Du coup t’as acheté ça pour ton neveu sans t’en rendre compte. Puis après sa petite sieste, ta enfin commencé a t’enjailler sur « Hotline Bling ». Triste. Oui la prochaine fois tu ferras gaffe à ce que t’achètes.
« C’est le seul rappeur de cette envergure qui prend des risques en mettant en avant des sons africains »
Mouais. Ça c’est la promesse que tu t’es fantasmée. Tu as trouvé cette tendance à faire s’imbriquer les cultures très rafraîchissante, tu as entendu parler des feats avec plein d’artistes nigérians et tout ça t’a conforté dans l’idée que Drake était clairement novateur et qu’il le faisait hyper bien. Tu t’es même peut-être dit que Drake et le Soleil s’étaient mis d’accord pour faire arriver en même temps VIEWS et les premiers rayons sur ta peau. Alors tu as cru, genre très fort, et c’est dur de voir la réalité maintenant. A savoir un seul petit feat avec Wizkid, un petit peu de percu avec Rihanna et le reste des sons aux airs de déjà entendu. Tu veux même pas voir que Drake se moque ouvertement de toi avec le titre « Summers Over Interlude ». On est très loin de l’album chaleur tu attendais. Avoue-le, les pas de danse que t’as appris sur « Hotline Bling », tu pourras les placer nulle part ailleurs. Toi qui as réactualisé ta manière de pécho pour la rendre beaucoup plus exotique, tu peux plutôt blâmer Drake pour t’avoir laissé avec des sons de lover so 2012.
« De toute façon, dès que je parle de Drake tu as les poils qui s’hérissent »
Avec des contre-arguments comme ceux là, je ne suis pas surpris que tu te sois ramassé lorsque nous avons parlé de Dr Dre ou Kanye. C’est vrai, si dès qu’on fait un commentaire constructif, comme dire qu’on n’aime pas sa coupe de cheveux, on se fait traiter de hater, alors autant en rester là. D’ailleurs, mets toi a la place d’un fan de rap qui n’apprécie pas l’œuvre du Canadien. Pas un extrémiste, juste un brave type que les complaintes de Drake ne touchent pas. Ce mec se voit obligé de lire à longueur d’année des articles sur lui, de le voir en gifs, en memes, en train d’essayer de marquer des paniers de basket, et bientôt, en tatouage sur la fesse de son meilleur pote. Ce que je dis, c’est que si Drake n’avait pas autant cherché à jouer de son image, se faisant omniprésent à grands coups de meme plus ou moins autoproduits (cf les applis pour faire sa propre cover de VIEWS, ses montages sur scène à l’encontre de Meek Mill), peut être que les gens se concentreraient davantage sur sa musique. En attendant, il ne devra pas s’étonner si l’on parle plus de lui que de VIEWS.