Clairement, il déteste être perçu comme tel. C’est d’ailleurs assez facile à comprendre mais chez Robb Bank$, le syndrome de l’abandon et le rejet de la figure paternelle qui en a découlé ont atteint des sommets. Pendant plusieurs années, le rappeur de Broward, dans l’aire urbaine de Miami, a systématiquement montré les crocs dès qu’il entendait le nom de son géniteur. Avec hargne, il affirmait que le jamaïcain n’était que son oncle – it wasn’t me! Il a finalement fallu qu’une photo avec sa petite frimousse et celle du Mr. Boombastic côte à côte soit leakée pour que Rob Bank$ lâche l’affaire, une bonne fois pour toute. Peu rancunier, il en a fait la cover de sa dernière mixtape, Tha City, sortie le 2 octobre 2013.
Oui, Shaggy est bien le daddy de Robb. Mais être identifié comme tel, c’est reléguer au second plan la valeur intrinsèque du bonhomme en tant que rappeur et ça, ce serait vraiment dommage. Ne passez pas à côté : du haut de sa vingtaine d’années, le natif de Brooklyn et New-Yorkais jusqu’à ses six ans et devenu l’un des tous meilleurs rappeurs de Floride.
Début 2012, alors qu’il est encore au lycée, Robb Bank$ sort Calendars, une mixtape acclamée par la critique qui contribue à faire parvenir son blaze jusqu’aux réputées plateformes de téléchargement que sont DatPiff ou Mixtape Monkey – au total, 130 000 téléchargement cumulés à ce jour. Au travers de ses 14 titres, Calendars raconte les déboires d’un gamin dans qui grandit dans les rues de Coral Springs et de Margate en vendant de la codéine coupée au sirop de maïs. Il y raconte aussi beaucoup de conneries, et l’admet dans une interview donnée à Noisey : « Tu vois, je racontais ma vie, mais beaucoup de trucs étaient juste des conneries qui me passaient par la tête. Pas tout, mais tu comprends, des trucs de rappeur quoi. » Au final, c’est normal qu’un gosse de 17 ans n’ait pas, sauf exception, des trucs monstrueux à raconter. C’est plus rare qu’il l’admette : « C’est pas comme si j’enchainais les allers-retours en taule », explique-t-il dans le quotidien de Broward, « je ne mentirai jamais sur ce genre de truc. C’est comme ça. Par contre, if you down here and a nigga try you, fuck you going to do? You got to show the nigga what’s up. »
14 titres de qualité et un projet homogène qui laisse entrevoir le potentiel du rappeur. Ses oreilles sifflent, on parle de lui à une trentaine de miles plus au Sud, à Carol City. SpaceGhostPurrp et le Raider Klan l’approchent et commencent à bosser avec lui. Nul doute que les deux Floridiens ne partagent pas qu’une accroche musicale : Purrp et Bank$, ancien New-Yorkais, n’ont que très peu d’atomes crochus avec le nouveau visage de la scène rap de la Big Apple, A$AP Rocky. La musique de Robb et sa dentition dorée ont, dans un premier temps, immédiatement favorisé les comparaisons avec pretty flacko. On l’a compris, le bonhomme n’aime pas être dans l’ombre de quelqu’un : « Je me suis débarrassé de mes golds. Maintenant, je ne porte que des platines parce que j’en avais marre qu’on soit assimilé à cause de ça. Every nigga with grills ain’t trying to be A$AP Rocky. »
« @asvpxrocky When i see yo pussay ass in fla, you finna die. pie ass jit »
Un peu plus tard, toujours en 2012 et alors que les Raiders et l’A$AP Mob semble vivre le parfait amour, un membre du premier crew (Matt Stoops) aurait été frappé par un mec du second (Twelvyy). De là, les choses s’enflamment et Purrp rompt tous les liens qui le lient à Rocky and co : « T’es une pute nigga, tu sais que t’as volé mes lyrics pour les mettre dans ‘Goldie’, tu sais que t’as volé mon beat et l’a balancé à Coachella. » Naturellement, Bank$, très proche du Klan et loin d’apprécier le bonhomme, se retrouve impliqué. Il a même tweeté qu’il tuerait Rocky s’il venait à s’aventurer en Floride, mais l’a supprimé peu de temps après – son tweet, pas Rocky.
Du beef, du-du-du beef. Le temps passe, Robb se fait discret. Tout au long de l’année 2013, il bûche et réfléchit au genre de rappeur qu’il veut être : « Tous les ans, le hip hop, surtout l’hip hop d’Internet en fait, traverse des phases et est porté de nouveaux artistes, blah blah blah. » Il explique – notamment dans une interview donnée à Vibe – que tout ce qu’il a proposé sur Calendars, ou presque, était « jovial ». Le dreadeu a l’impression que le hip hop a atteint ce point où tout le monde est pote, où tout le monde se tient la main, et ça ne lui plait pas du tout. « Je sais de quoi je parle quand je parle de hip hop, je sais tout ce qu’il y a à savoir et d’où les choses viennent. S’il devait y avoir une nouvelle tendance aujourd’hui, autant que ce soit le retour des lyrics. » Aujourd’hui, il a besoin d’autre chose, il ne peut plus raconter des conneries et porter le masque d’un personnage qu’il n’est pas. Le conflit avec A$AP, ses déboires avec son paternel – « il a trois nouveaux enfants, trois chances de ne pas reproduire ce qu’il a fait avec moi » –, il est temps pour lui d’en parler à travers sa musique. Fini l’amour, place à la peur. Avec son nouveau projet, Robb Bank$ veut tirer quelques gunshots et dégoupiller des grenades lyricales.
Tha City, une mixtape de 17 titres qui mériterait une chronique dédiée – en attendant son premier album, Year Of The Savage. Des airs de drill, un parfum de Floride et un flow de New-Yorkais pour un mec qui s’auto-surnomme Young Basquiat et qui écoute Sade, Lil Boosie, Brother Ali, Webbie et Drake. Pour te bercer le soir ou t’énerver le matin, Tha City a sa place parmi les projets que tu as pu zapper en 2013 mais que tu n’as pas le droit d’oublier en 2014. Et puis, c’est le fils de Shaggy quoi : « Genre, tu penses vraiment que si mon père et moi avions de si bonnes relations et que nous vivions dans la même baraque, je ne serais pas une putain de superstar aujourd’hui ? Obviously, I’m doin’ this by myself. » En interview, Mr Bombastic le confirme.