En 2013, le verdict de l’affaire Trayvon Martin défrayait la chronique. Un jeune afro-américain de 17 ans froidement abattu par un coordinateur de la surveillance de voisinage, George Zimmerman, alors qu’il se baladait sans menacer quiconque, c’est déjà assez flippant. Mais lorsque le tireur a été reconnu non coupable de toutes les charges retenues contre lui, imagine le sentiment d’injustice qui a soufflé les braises d’une polémique aussi médiatique que fondée. Pourtant, quelques années plus tôt, une autre affaire avait déjà foudroyé les consciences sur fond de tension raciale, jusqu’à susciter des émeutes aux États-Unis. Oui, je cite l’affaire Oscar Grant, qui elle-même rappelait le scandale Rodney King. Un putain d’éternel recommencement.
Ce 1er janvier 2009 au matin, le jeune homme de 22 ans croise des agents de police dans la station de métro Fruitvale, à San Francisco, sans se douter que son destin va tragiquement chavirer. Celui qui se dirigeait simplement vers le centre-ville pour admirer les feux d’artifices avec sa copine ne verra plus la lumière du jour. Cet arrêt à Fruitvale sera son terminus. Il reçoit un coup de feu dans le dos lors d’une interpellation musclée, par un flic qui aurait, selon lui, confondu son taser et son gun. La victime est noire, le tireur est blanc : les soupçons de meurtre raciste naissent rapidement.
Ryan Googler,cinéaste américain très touché par cette affaire, a décidé d’en faire le sujet de son premier film. Déjà primé dans de nombreux Festivals, dont Cannes et Sundance, sa sortie dans les salles française le 1er janvier 2014, soit cinq ans exactement après les faits, n’est évidemment pas un hasard.
Fruitvale Station, le récit des 24 heures précédant le décès d’Oscar Grant. Le réalisateur a eu l’idée de mettre en scène de façon fictionnelle les derniers instants du jeune homme, jusqu’au moment crucial. Bien que ce film ne soit pas un documentaire, il commence à partir d’ images amateur captées sur le vif par des passagers témoins de cet acte de violence policière. Le même film s’achève par des images de la commémoration du meurtre devant la station Fruitvale, un peu comme un témoignage en sa mémoire. Avec cette volonté de coller au plus près du quotidien du jeune homme, Ryan Googler nous montre un être imparfait, qui tente de se racheter une conduite auprès de sa femme pour l’avoir souvent tromper, auprès de sa fille pour son manque de présence et enfin auprès de sa mère. Le réalisateur évite de tomber dans le piège d’en faire un saint ou un héros.
Oscar Grant, un genre de mec à t’aider à faire les courses, mais à te rentrer dedans sans craintes des représailles. Incarné par un Micheal B Jordan (The Wire, Friday Nights Live) excellent et tout sourire, lorsqu’il tente de rassurer ses proches, assurant que ses mauvais jours et son passage en prison pour trafic de drogue sont derrière lui. Une scène loin d’être anodine m’a marqué : le jeune homme se trouve confronté à un chien écrasé sur le bas côté de la route dans l’indifférence de tous, mauvais présage d’un déferlement de violence.
Le souhait du réalisateur était de réhabiliter la mémoire d’Oscar Grant, lui qui avait été injustement déshumanisé par une partie des médias américains à cause de son passé de délinquant. Hors, ce jour-là, il n’avait juste rien fait de mal.
La fameuse séquence dans la station de métro Fruitvale nous plonge dans la confusion : les raisons de la détention du jeune homme et de ses homies ne sont pas claires. On aurait aimé se contenter d’une explication de la part du réalisateur autre que raciale. Malgré tout, le film offre un élan d’espoir et de solidarité. Les scènes de liesse populaire dans le métro pour célébrer ensemble le nouvel an en constituent un bel exemple. Toutes les couleurs de peau se rassemblent pour cet événement, au coeur d’une société américaine où le racisme se vit au quotidien.
Sans prendre trop de risques, Ryan Googler dirige un film juste, rempli d’empathie pour un personnage finalement attachant. Le souhait du réalisateur était de réhabiliter la mémoire d’Oscar Grant, lui qui avait été injustement déshumanisé par une partie des médias américains à cause de son passé de délinquant. Hors, ce jour-là, il n’avait juste rien fait de mal.