Michael B. Jordan, ça ne vous dit rien ? De son nom complet Michael Bakari Jordan, l’acteur n’en est pourtant pas à ses premiers faits d’armes et affiche déjà, à 27 ans, une carrière sans fausse note. De ses débuts sur le petit écran dans les Sopranos à son premier grand rôle dans Chronicle en passant par sa performance bluffante dans Fruitvale Station, retour sur la carrière d’un prodige dont on a pas fini d’entendre parler.
Natif de Newark, dans le New Jersey, d’une mère professeur à Arts High et d’un père cuisinier, Michael B. Jordan n’avait d’une star que le nom. Le destin va pourtant se charger de remettre les pendules à l’heure. À 12 ans, il décroche son premier rôle dans un épisode des Sopranos et un second dans le Cosby Show, dans lequel il donne la réplique à la légende Bill Cosby. Des débuts prometteurs, mais qui vont rapidement prendre une autre dimension. En 2002, il est casté pour interpréter le personnage de Wallace dans la mythique série d’HBO The Wire. Les choses sérieuses commencent.
Son interprétation d’un gosse paumé au grand cœur sous la coupe des dealers de Baltimore lui vaudra une première reconnaissance du public. Mais c’est surtout son premier grand rôle dans un chef-d’œuvre du petit écran, Friday Night Lights, qu’il dévoilera au monde toute sa largeur d’épaule. Pendant deux saisons, l’autre MJ, alias Vince Howard dans le show, sème la pluie et le beau temps sur la bourgade de Dillon, décrochant au passage une nomination aux EWwy Awards en tant que meilleur second rôle dans une série dramatique. Il faut dire que Michael B. Jordan a plus d’un tour dans son sac de sport.
Ancien mannequin – pour un détaillant new-yorkais inconnu en France et Toys ‘’R’’ Us, mais quand même -, il a déjà de son côté un sourire à faire tomber par terre toutes les nanas de l’état et un physique de petit basketteur de quartier plutôt avantageux. Mais l’acteur a surtout eu l’intelligence de choisir des rôles qui ont su le servir, et ce dès ses débuts dans l’industrie. Hasard, chance, finesse des directeurs de castings, l’histoire ne le dit pas encore, même si les futures interviews ne devraient pas manquer et nous en dire plus sur le phénomène. Une chose est pourtant bien certaine : en seulement deux rôles, son personnage de type à moitié mystérieux à moitié responsable-mais-pas-encore-trop-adulte s’impose vite comme une référence. Dans le paysage des personnages types de l’époque, le gamin de Newark, qui fête à la fin de la 5ème saison de FNL son 24ème anniversaire, commence sérieusement à faire parler de lui.
Dans un entretien pour Interview Magazine, par Forest Whitaker, il revient justement sur son lien avec le jeu, dans une longue tirade qui vaut son pesant d’or : « La première fois que je me suis jeté à corps perdu dans un personnage, c’était dans The Wire. Tu vois Andre Royo, qui jouait Bubbles ? Il y a une scène où Wallace commence à sniffer de la drogue, et là je ne faisais qu’imiter », explique-t-il. « Je viens du New Jersey. J’avais déjà vu des mecs vendre de la drogue mais bon, j’avais rien à ajouter de particulier, donc il m’a un peu poussé dans le rôle et m’a coaché – tu vois, ce sentiment que ça te prend des pieds à la tête ? C’est ce qu’il m’a conseillé de faire pour le rôle. » En même temps, qui n’aurait pas aimé avoir Bubbles comme coach d’un soir ? « ‘Oublie les caméras. Fous tout ça de côté et concentre toi sur ce moment précis, ce que tu endures, et pourquoi tu le fais. Qu’est-ce qui t’a obligé à faire ce truc que tu n’avais jamais fait avant ?’. A 15 ans, c’est la première fois que quelqu’un me coachait de manière aussi directe. » Une expérience qui lui fait « perdre la tête » au point de le rendre triste, sans qu’il sache pourquoi. « Donc André, toujours lui, m’a aidé à me sortir la tête du trou. Et je me suis dit : ‘Mais wow, c’est incroyable comme sensation.’ J’étais tout excité, je pensais qu’à recommencer ! Depuis ce jour, je pense que j’ai toujours essayer de retrouver ce genre de moments et ces rôles dans lesquels je peux totalement me perdre. »
L’année suivante, il est à nouveau remarqué dans le bon Chronicle aux côtés de Dane DeHaan, une autre valeur montante du cinéma indépendant. Mais c’est en 2013 que l’acteur va exploser en grand jour grâce à son interprétation bluffante du lascar au grand cœur, Oscar Grant, dans l’ultra primé Fruitvale Station qui reconstitue la dernière journée d’un jeune américain avant son assassinat pas vraiment fair par des officiers de police – un thème récurrent dites-vous ? De Sundance à Zurich en passant San Francisco, Cannes et l’American Film Institute, le film rafle toutes les récompenses et Michael B. Jordan remporte pas moins de cinq prix et six autres nominations, dont celui du meilleur espoir aux prestigieux Satellite Awards de Los Angeles. « Je suis juste méga content d’être avec vous dans l’aventure les gars. C’est pas rien », se contente-il alors de confier à Interview, pas show-off pour deux sous.
On attend maintenant de voir ce que donnera son passage (obligé ?) par le blockbuster, puisqu’il sera à l’affiche du très attendu Les Quatre Fantastiques dans lequel il retrouvera toute la fine fleur des nouveaux acteurs qui montent, dont Kate Mara et l’excellent Miles Teller. A raison d’environ un film par an, M(B)J semble en tout cas ne pas vouloir précipiter les choses, et c’est à vrai dire tout le mal qu’on lui souhaite. Rien ne sert de courir, il faut partir à point. D’autant plus que si sa prestation dans Fruitvale Station lui a offert son premier grand rôle en lead, l’épaisseur psychologique limitée de son personnage laisse espérer un avenir des plus sereins pour l’acteur, toujours en course pour son premier vrai chef-d’oeuvre.
Clear eyes, full heart, can’t lose.