Un tarmac isolé quelque part dans le monde . Une femme s’avance, fichu gris et lunettes noires, vers un garde du corps blessé. Regards et sourires complices.
– « So you’re quiting show business? » demande-t-elle. « Too bad, you had talent. »
Au second plan, les membres de l’équipage s’agitent, les amants s’enlacent une dernière fois puis la femme se dirige vers l’avion, impériale. Premières notes d’ I Will Always Love You. Gros plan sur l’hélice, la femme, la roue…puis Rachel crie « Wait », s’élance, capricieuse et tragique, vers l’homme qui lui a sauvé la vie. Baiser mythique du cinéma des 90s (les gens romantiques peuvent cliquer sur l’image):
Impériale, Whitney Houston, surnommée « The Voice » l’a toujours été. Fille de Cissy Houston, choriste R’n’B renommée (Elvis Prestley, Aretha Franklin…) et cousine de Dionne Warwick, intéprète du Phil Spector de la soul Burt Bacharach, Whitney Houston naît sous une bonne étoile musicale.
Capricieuse et tragique, elle le deviendra, a son insu, des années plus tard, rongée par les excès et la célébrité.
La célébrité, fléau, mal du siècle qui nous a déjà privé de Michael Jackson, nous a donc ce week-end aussi arraché Whitney Houston. Immédiatement ce monde entier qui l’ignorait la pleure et lui rend hommage lors des Grammy Awards.
Mais derrière le fichu gris de Bodyguard et la voix d’or, qui était réellement Whitney Houston? Pour Surl, son parcours en quelques dates :
1963 : Naissance dans le New Jersey. Premier solo à 11ans, et très vite, elle est repérée par Chaka Khan, Jermaine Jackson ou encore Lou Rawls qui la demandent comme choriste. Sa carrière débute.
1985 et 1987 : Sortie de Whitney Houston, qui a ce jour demeure son album le plus vendu (24 millions d’exemplaires), et le plus abouti. Y figurent les superbes The Greatest Love Of All et Saving All My Love For You, puis de Whitney, qui se classe immédiatement en 1ère place du Billboard 200. Photographiée par Richard Avedon, elle rayonne. Une star est née.
The Greatest Love OF All, Live @ Grammy Awards, 1986.
1990 : Rencontre avec Babyface, qui deviendra son compositeur de toujours. Whitney se tourne alors vers des productions plus soul, plus urbaines. C’est aussi l’année où elle rencontre Bobby Brown, qui partagera sa vie durant les 14 années qui suivront.
1992 : Bodyguard, dans lequel elle incarne aux cotés d’une Kevin Costner héroïque une star passionnée harcelé par un mystérieux fan (attention spoiler spécial 92: en fait c’est sa propre soeur), engrange plus de 400 millions de dollars au box office, et fait rêver toutes les adolescentes normalement constituées qui courent s’acheter la BO, interprétée elle aussi par Whitney. Résultat : 44 millions de copies, 4ème album le plus vendu de tous les temps, derrière Thriller (Michael Jackson), The Dark Side of The Moon (Pink Floyd) et Back in Black (AC/DC). Phrase de l’année : « Tout en haut près des étoiles, tu sais, à coté de Whitney Houston. »
La même année, Whitney épouse Bobby Brown, artiste assez minable mais authentique bad boy. On pense à Ike & Tina, mariage en grande pompe, 800 invités un après midi de juillet. Erreur. BB, a défaut d’avoir le talent d’Ike Turner, a néanmoins en commun avec l’ex mari de Tina un pendant pour la drogue et les coups de poings. Battue, trompée et humilié, Whitney sombre doucement dans la drogue et laisse de coté sa carrière musicale pour se tourner vers le cinéma (dans lequel elle s’investit tout autrement que dans la musique), et sa famille.
1998 : Le retour. Avec My Love is Your Love, Whitney semble aller mieux. Elle s’entoure des meilleurs musiciens du moment (Missy Elliot, Lauryn Hill, Wyclef Jean…), et enchaîne à nouveau les tubes : My Love Is Your Love, Heartbreak Hotel, When You Believe, en duo avec Mariah Carey, ce qui lui permettra d’écouler plus de 12 millions de copies.
La suite est plus mitigée. Globalement : elle est finie.
Moins inspirée, elle ne sort plus que des compils (Greatest Hits en 2000 et Love, Whitney en 2002) et assure des performances TVs dispensables mais surtout moquées. Elle sort un nouvel album en 2009, I Look To You, qui en dépit des résultats corrects dans les charts n’arrive objectivement pas à retrouver l’énergie des premiers. Alicia Keys et Norah Jones sont là, Whitney Houston a 46ans, elle est hors du coup.
Pendant ce temps là, ses frasques (retards aux interviews, pertes de poids fréquentes, saisies de drogues…) font les choux gras de la presse people et Whitney l’impériale sur le tarmac n’est plus qu’un lointain souvenir.
Dans un dernier sursaut, Whitney va alors prendre le bon virage, celui qui ne doit visiblement pas être indiqué dans le GPS de Madonna : vieillir avec dignité. Oprah Winfrey l’accueille sur le plateau de pour une interprétation magistrale d’ I Didn’t Know My Own Strength :
Pour Oprah Winfrey comme pour le reste du monde, Whitney est de retour, la performance est extraordinaire.
Mais il est déjà trop tard. Elle s’embarque pour une nouvelle tournée mondiale, Nothing but Love World Tour, mais, malade, est obligée d’annuler des dates. Les fans se plaignent, plus rien ne va pour « The Voice ».
2012 : Un après-midi de janvier à Beverly Hills. Whitney se lève, prend son petit déjeuner. Il fait beau, chaud, le tout Los Angeles s’échauffe : deux jours avant les Grammy, c’est toujours un peu l’euphorie sur la côte Ouest. Alors les stars se rendent visite, échangent leurs prognostics, les anciens conseillent les plus jeunes. Jeudi, Whitney est allée rendre visite à Brandy et Monica pendant leurs répétitions. On en saura pas davantage. Le surlendemain, Whitney est retrouvée inanimée par ses gardes du corps dans la baignoire de sa suite de l’hotel Hilton.
Fin de l’histoire.
Hier matin, Whitney Houston était 1ère mondiale des ventes du top Itunes.
Comme avant.
« – So you’re quiting show business? Too bad, you had talent ».