Confession. Je sentais une très légère appréhension à l’idée d’interviewer Dope D.O.D. Ces néerlandais un peu tarés ont redonné une certaine noblesse au rap brut et violent, limite horrorcore, avec leur album Branded. Le trio composé de Dopey Rotten, Skitz Vicious et Jay Reaper cultive un style très dark, qui ferait passer OFWGKTA pour des gentils garçons. Alors, en allant discuter avec eux avant leur performance live à Rock-en-Seine, je commençais à sérieusement réviser mes questions, en espérant qu’ils ne me recalent pas sèchement s’ils en trouvaient une pourrie. Mais vous savez encore mieux que moi que les apparences sont trompeuses. Musicalement déjà, parce qu’il ne faudrait surtout pas limiter ce crew à une bande de bourrins dénués de sens artistique : leurs lyrics sont mûrement réfléchis, leurs influences subtiles et précises, leur ambiance méthodiquement travaillée. Cela vaut aussi par leur personnalité : ces types sont hyper accueillants, humbles, déconneurs et matures. Ca ne pouvait donner lieu qu’à une rencontre sympa.
SURL : Vous êtes déjà venus plusieurs fois en France, notamment à Paris. Que pensez-vous de la communauté hip-hop française ?
Dopey Rotten : La France c’est vraiment cool, la communauté est tellement importante ici. En plus on est apprécié, donc c’est toujours un plaisir de venir.
Pas de rituel avant de monter sur scène ?
Jay Reaper : En général on se tape quelques checks, on boit quelques verres, rien de particulier.
Vous avez enchaîné les concerts cette année. Une anecdote sur un truc un peu fou qui a pu arriver pendant la tournée ?
Dopey Rotten : Le courant a sauté deux fois pendant notre live au Sziget Festival. Deux fois ! C’était assez dingue.
Félicitations pour votre album Branded, que j’ai beaucoup aimé. Parmi les rares featuring, vous avez l’excellent Sean Price. Comment cette collaboration s’est mise en place ?
Skitz Vicious : C’est simple, j’ai envoyé un email ! J’avais réussi à récupérer une adresse mail, je lui ai envoyé le morceau et il a adoré. J’ai donc récupéré son numéro de téléphone, je l’ai appelé et puis on a monté ça.
Je sais que vous bossez déjà sur votre prochain album. Peut-on s’attendre à de nouvelles sonorités ou est-ce un projet dans la continuité du premier ?
Skitz Vicious : Je dirais que Dope D.O.D. a un style assez unique, que personne ne fait vraiment. C’est donc difficile de comparer avec le reste, mais on prépare un truc qui va bien secouer …
Vous avez des morceaux de prêt ?
Skitz Vicious : Ouais, la moitié de l’album. Mais on garde ça secret pour l’instant.
[highlight] »On préfère que les gens comprennent ce qu’on rappe, une musique plus universelle. Si on abordait les mêmes sujets en néerlandais, personne ne comprendrait ce qu’on raconte. »[/highlight]
SURL : Votre musique est assez inspirée du rap eastcoast des années 90. Vous adhérez avec les propos de figures telles que Nas qui disent que le hip-hop d’aujourd’hui est mort, ou sous respirateur ?
Dopey Rotten : Le hip-hop a toujours été en vie. Cela dépend de ton angle de vue en fait. Si tu t’arrêtes à la « pop shit », tu peux dire que c’est mort. Mais si tu sais où regarder, tu trouveras toujours de la bonne musique, toujours.
Skitz Vicious : Je dirai que le hip-hop est « étouffé », « contenu », plutôt que « mort ». Quand le rap est arrivé au top, les bons sons ont été rapidement supplantés par des trucs moins violents, qui usent moins de la liberté d’expression. De la musique plus commerciale, qui recherche plus à devenir un hit qu’à être intéressante. Alors que le hip-hop ce n’est pas ça.
Vous n’avez jamais essayé de rapper en hollandais ?
Skitz Vicious : Non, il n’y a pas vraiment de raison de le faire.
Dopey Rotten : On a tous des racines anglaises. Ma mère est anglaise par exemple. On est tous bilingue.
Skitz Vicious : On préfère que les gens comprennent ce qu’on rappe, une musique plus universelle. Si on abordait les mêmes sujets en néerlandais, personne ne comprendrait ce qu’on raconte.
Le dernier morceau que vous avez vraiment kiffé ?
Skitz Vicious : J’aime bien le morceau de Danny Brown, …
SURL : « Grown Up » ?
Skitz Vicious : Ouais, avec la vidéo quand il est gamin. Mais il est vraiment bon dans l’ensemble.
Dopey Rotten : Ab-Soul aussi, « Terrorist Threats ».
Parlons sérieusement : qui a le plus de groupies ?
Jay Reaper : (rires) Ca dépend de pas mal de choses ça ! Du pays par exemple, de qui est le plus chanceux ce jour-là, …
Et donc, en France ?
Jay Reaper : Je crois que c’est ici qu’on en a le plus !
Dopey Rotten : Les filles françaises, « très bon » ! (il le dit en français)
Vous avez des marques de fringues favorites ?
Dopey Rotten : De fringues ? Pas vraiment …
Jay Reaper : « Dope D.O.D. Wear » !
SURL : Pourquoi, ça va arriver ? Vu que votre crew réalise pas mal de visuels, …
Jay Reaper : On a quelques tee-shirts de merchandising, mais rien de sérieux.
Skitz Vicious : Perso j’aime bien les tee-shirts de film ou de comics. J’achète ce genre de trucs dans des magasins qui vendent des comics, ou des shops de musique underground.
[highlight] »On est prêt à prendre des vies pour arriver là où on veut être, comme Heisenberg ! »[/highlight]
Tu as un héros de comics favoris ?
Skitz Vicious : Je pense que c’est Spawn (il me montre son tatouage). C’est un choix difficile entre Spawn et Batman. Spawn est vraiment stylé pour son côté obscur. Batman est assez dark aussi, il est imbattable. C’est un humain qui n’a pas de super-pouvoir, mais c’est un des meilleurs au final.
Quelle question on ne vous pose jamais, mais à laquelle vous aimeriez répondre ?
Dopey Rotten : Une question à propos de nos rimes, genre ce que signifie une de nos punchlines.
Il y en a une en particulier qui vous avez envie d’expliquer ?
Jay Reaper : Non pas comme ça, faut poser la question !
Ok je me lance. Bon, je viens d’écouter « The Island » avant l’interview, et il y a un bon passage qui fait référence à une légende du catch : « Hit a nigga on his bad ankles […] twist bones I be Kurt Angle ». Tu es fan ?
Jay Reaper : (rires) Ouais, tu sais on s’inspire de tous les domaines pour imager nos propos. Il se trouve que je matais du catch quand j’étais petit, j’aimais bien Kurt Angle : le Angle Lock, Angle Slam, tout ça. Wrestling shit !
Dernière question, une tradition : si votre musique était un plat, quelle serait la recette ?
Skitz Vicious : Crystal Meth !
Comme Heisenberg ?
Skitz Vicious : Exactement, de la pure ! On est prêt à prendre des vies pour arriver là où on veut être, comme Heisenberg (rires) !
L’équipe de SURL remercie l’agence Ephelide pour nous avoir accordé ce créneau d’interview.