Collé à son époque comme un Helly Hansen sur les épaules de Method Man, le name-dropping dans le rap devient parfois rapidement une langue morte, comme l’avait justement relevé notre confrère Yérim Sar. Heureusement, le rap français sait aussi percer l’air du temps, être « actuel, mais pas à la mode », et passer des petites histoires à la grande. L’exercice est certes casse-gueule, et mieux vaut maîtriser un peu son sujet. C’est le cas de JP Manova qui vient de clipper « Sankara », extrait de l’album 19h07, réédité il y a quelques jours avec cinq nouveaux titres. Dans un clip d’une sobriété bien sentie, les rimes de Manova sont mises au service d’un hommage à Thomas Sankara. Président du Burkina Faso – « pays des hommes intègres » – de 1983 à 1987, il devint, par ses discours et son action, une grande figure de la lutte anti-impérialiste, se démarquant par ses positions sociales et féministes. Un son qui a trouvé de l’écho chez nombre d’auditeurs, comme nous l’avait confié JP Manova en interview.
Il suffit de savoir que Sankara avait remplacé les luxueuses voitures de fonction de l’État par des Renault 5, pour saisir la dimension universelle du personnage, et avoir envie de s’y intéresser. Les circonstances de sa mort et de celle de ses compagnons, durant le coup d’État de 1987, font d’ailleurs encore l’objet d’une enquête qui curieusement, peine à trouver une issue. Un passé qui ne passe pas, et « provoque l’embarras d’un Occident pernicieux », comme rappe Manova. Un peu de marxisme ne fait jamais de mal, et peut même amener les plus téméraires sur le chemin de la bibliothèque, n’est -ce-pas Malek Boutih ?