C’est au mois d’octobre dernier qu’on avait donné rendez-vous à L.O.A.S, Loïs de son prénom, au Musée de la Poupée. Un objet qui traverse peut-être mieux les époques que ne le font les albums de rap. À ce moment, Tout me fait rire est prêt, la date de sortie incertaine, L.O.A.S. déjà attelé à autre chose. Mais dans notre conversation autour de son album, la thématique du temps n’était pas la seule à être abordée.
Comme une collection de jouets humanoïdes peut modeler des aspects différents de notre humanité, Tout me fait rire met à nu des moments de vie qui résonnent d’un son familier. A force de jouer avec les masques : entre L.O.A.S, Loïs, ses propres limites et notre finitude, l’artiste nous donne à entendre un album aux facettes multiples. Un tour de main réussi qui nous a motivé pour rencontrer Loïs. Pour en apprendre plus sur sa singularité, mieux comprendre comment il s’en sert pour créer. En apprendre sur l’homme pour mieux écouter le emcee.
SURL : Il y a un morceau sur l’album qui s’appelle « Chambre 237 ». J’imagine que c’est en référence à The Shining ; tu as souvent cité le cinéma de Kubrick comme une influence majeure. Est-ce que Tout me fait rire est une porte ouverte sur ta chambre 237 perso ?
LOAS : Exact. Ça n’est pas du tout la volonté que j’avais en faisant le morceau ou même cet album. Mais c’est une super analyse. D’autant plus que sur la pochette intérieure du CD, je suis au seuil d’une porte. Comme si j’étais au seuil de quelque chose.
Est-ce que c’est inspiré de quelque chose que tu as vécu pendant la préparation de l’album ?
C’est un truc que j’ai vécu avant même de faire du rap en fait, une expérience autour de la mort que j’ai faite où je me suis retrouvé à voir des choses et à rencontrer des êtres. Je me suis retrouvé au seuil de quelque chose. J’en parle dans le morceau de l’album qui s’appelle « 170727009 » et dont je parle aussi à moitié dans « Déjà mort » (sur NDMA). C’est une expérience qui m’a énormément marquée. Depuis ce jour-là, j’ai toujours ce trouble et je ne sais pas si je suis revenu de cette expérience ou pas… Si je suis revenu de là-bas. Donc je suis toujours à la limite du seuil de quelque chose et d’un autre monde. Dans ma manière de voir les gens ou de voir la réalité, il y a toujours quelque chose qui est en filigrane derrière.
Dans Tout me fait rire, tu n’es pas du tout dans le même registre vocal que dans NDMA au niveau des voix nasillardes, aiguës, poussées. Tu chantes beaucoup également. Qu’est ce qui t’a guidé dans TMFR ?
J’ai toujours chanté. Le tout premier morceau que j’ai balancé, c’était un refrain chanté. Je pense que ça fait partie maintenant des skills, des aptitudes d’un rappeur, de savoir chanter. Donc ouais, là je l’explore plus. Sur l’album précédent le morceau chanté avait été très très bien reçu donc là je me suis dit vas-y. Puis, c’est dans l’air du temps.
TMFR c’est l’état de dépression et de tristesse, qui suit justement le pic de colère, de rage et de haine. Je voulais pas du tout me répéter. En fait comme je l’ai déjà dit, avec NDMA je voulais explorer une direction, une émotion, une interprétation… C’est un album assez extrême sur plein de points de vue : la direction artistique, la manière dont je rappe, les textes ou les sujets que je traite. Je pense être allé au bout de quelque chose. Donc sur ce deuxième album je voulais explorer un autre versant en fait, une autre émotion. Du coup l’interprétation, le jeu de la voix, étaient autres. Ce qui ne veut pas dire que le L.O.A.S. de NDMA ne reviendra pas, ou que cette manière d’interpréter ne reviendra pas… C’était juste que je voulais explorer autre chose.
TMFR, c’est la redescente ?
La redescente, exactement. C’est l’autre versant de la montagne en fait. Clairement il y avait quelque chose que j’illustrais physiquement par l’interprétation vocale dans NDMA, dans l’expression de la haine pure, qui allait très très haut dans les aigus, et qui là redescend en fait. Donc c’est un album qui est autant dépressif, triste, mélancolique, que liquide, coulant, poisseux, dans les sonorités d’interprétations.
Le sentiment mélancolique se ressent à l’écoute. Mais tu disais récemment que tu t’adressaiss à ton fils dans TMFR, album qui semble plus ancré dans le quotidien. Est-ce que tu as des rapports ambigus avec la paternité ?
Non pas du tout, c’est quelque chose que je voulais absolument. Mon fils est né, je le voulais. À un moment dans ma vie j’ai tout plaqué parce que je voulais ça. J’ai pas un rapport ambigu mais j’ai un rapport douloureux avec la paternité parce qu’elle m’est retirée. Après, je suis content tu l’aies perçu parce qu’effectivement, c’est un album que j’ai essayé d’ancrer dans le temps, il y a une réflexion temporelle autour de ce disque : l’urgence, le temps, les dates, l’histoire.
« Je me suis retrouvé face au monstre qui était en moi »
Même si l’usage du symbolisme dans ce que tu écris donne la possibilité de se reconnaître dans ta musique, est-ce que tu n’as pas peur parfois d’être trop personnel ?
Non, parce que je pense que plus tu parles de choses personnelles plus tu touches à quelque chose qui est essentiel à tout être humain. En approfondissant ces choses personnelles, plus tu creuses à l’intérieur de toi-même plus tu vas trouver de similarités avec les personnes en face de toi et les personnes qui t’écoutent.
En mettant autant de choses perso dans le rap (comme dans « Amnésie » de Damso, par exemple), le principe même de l’entretien, dans lequel on demande à l’artiste de se confier est remis en question. Quel est l’intérêt, à part promotionnel ?
Je suis d’accord. J’ai toujours été partisan du « comprenez les choses par vous-même ». Les morceaux, les films, les peintures, il faut partir du principe que ce sont des choses qui existent malgré nous. Nous, on est juste là pour les transmettre. Il n’y a pas d’idées qui t’appartiennent, tu ne créées pas une idée. C’est comme quelque chose de vivant, que tu attrapes, qui est là, ou pas. C’est pour ça qu’à deux endroits différents du globe, des gens peuvent avoir au même moment la même idée. Ça se vérifie dans les découvertes scientifiques, artistiques, ainsi de suite. Donc je pars du principe que si les œuvres existent malgré nous, nous on est juste là pour les transmettre. Y ajouter un commentaire, c’est quelque part la dénaturer. C’est à chacun de la recevoir comme il a envie.
Mais c’est important aussi d’avoir les clés de lecture. Si une œuvre est là pour transmettre un message, c’est important de créer des liens. En particulier pour donner à des personnes qui ne seraient pas forcément réceptives une manière de la comprendre ?
Je suis d’accord. Et c’est pour ça que j’essaie de m’appliquer à donner ces clés de lecture.
Dans cet album, tu évoques le regard des autres : « Je ne suis qu’un bouffon c’est certain, mais vos enfants m’écoutent. » Est-ce que c’est l’expression d’un besoin de reconnaissance, d’être pris au sérieux ?
C’est plus un désir d’être compris que de reconnaissance. Je pense que c’est ce qui est plus fondamental dans ce que je fais. J’espère être compris. Si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera peut-être demain. Le regard des autres… Avec ce que je fais, tu te mets sous les feux des projecteurs et il y a forcement un aspect monstre. Tu cherches à attirer l’attention, à « amuser », c’est pour ça que je parlais de bouffon.
Enfin, ce n’est pas toi directement qui est sous les projecteurs, tu as créé un personnage ?
Oui, bien-sûr, mais l’être humain c’est comme un oignon : tu enlèves une feuille, une feuille, et chacune est une facette que tu donnes à voir en
fonction du cadre. L’important c’est d’en être conscient. Certes, il y a un personnage artistique, un personnage familial, un personnage parental. Je suis un personnage avec mon fils, j’ai un personnage amoureux… Mais l’important c’est la conscience qu’on en a.
Aux vues de ton expérience de quasi-mort, est-ce que tu utilises les symboles comme un langage ?
Non, c’est quelque chose que je vois. Je ne vais pas lire des bouquins pour chercher des symboles et des choses et décider d’en parler parce que c’est cool… Ce sont des liens que je fais naturellement, si tu veux. Mais c’est inconscient en fait : quand je vois quelque chose, une scène par exemple, je vois quelque chose en filigrane derrière. Je vais voir une forme, et je vais l’associer à quelque chose d’autre. Mais c’est pas volontaire, c’est malgré moi.
Et ces choses que tu vois, elles ont toujours été présentes en filigrane ou c’est suite à l’expérience que tu décrivais ?
Depuis que je suis tout petit, sincèrement. Mais ce que j’ai vécu m’a transmis une forme d’urgence. J’étais une direction de vie complètement différente. J’organisais des événements, j’étais dans des choses un peu plus superficielles. J’organisais des événements dans Paris à une époque, du rap, des raves, des expo, des concerts… C’était assez rigolo. Mais aussi je passais aussi à côte de quelque chose d’essentiel et je me suis pris une claque dans la gueule. C’était comme une initiation. Je me suis retrouvé face à un monstre qui était en moi.
Et il a fallu tuer le monstre ?
Non faut pas le tuer… C’est un reflet de soi. Il faut le comprendre.
Cet album alors fait partie de cette démarche de compréhension de ton monstre ?
Ouais, tout à fait.
Est-ce que mettre les choses en image c’est quelque chose que tu as en tête quand tu écris, ou ce sont des processus différents ?
Non, ça m’est arrivé d’écrire un texte et de savoir déjà quel clip correspondrait. En fait j’écris beaucoup sur les choses que je vois, mais qui ne sont pas là en fait. Un morceau comme « Flingue en porcelaine », je l’écris parce que je vois des choses en fait. Je vois une pièce, j’ai la mélodie et je vois la chambre dans laquelle je suis et il y a une silhouette à la fenêtre. La silhouette est en train de se confondre avec le ciel, les nuages ne sont pas vraiment des nuages mais en fait sont très lourds… Et en fait je décris, j’écris ce que je vois.
Pour TMFR, quels sont tes projets en vidéo ?
Je me suis placé une contrainte pour cet album qui est de ne pas faire les clips. Je me suis détaché de ça.
Pourquoi ne pas vouloir réaliser tes clips alors que ça t’a réussi auparavant ?
C’est comme dans les films d’action où le héros s’attache une main dans le dos pour se battre avec une seule main. Là, je m’enlève une arme de L.O.A.S. qui était les clips. Au début les gens ne parlaient que de ça et ça m’a gonflé en fait. Je pense que j’ai d’autres qualités que la vidéo mais à un moment donné, le concept L.O.A.S. c’était les clips, donc j’ai décidé de mettre ça de côté. J’ai fait appel à des gens dont j’apprécie le travail : Kevin Elamrani, Jules Baudry, d’autres à confirmer… Du coup on est dans des objets esthétiques qui ressemblent à ce que font ces réalisateurs là mais qui ne sont pas ce que j’aurais fait. Enfin, bien sûr je garde un œil et j’apporte ma touche. Après, le prochain album que je suis déjà en train d’écrire, parce que TMFR met six mois, un an à sortir, ça va être un autre truc encore.
Tu as le prochain projet en route ?
J’ai déjà la moitié de l’album qui est prêt, l’autre moitié je suis en train de l’écrire. J’ai déjà maquetté une bonne partie et du coup sur celui-là il y a des chances que je me remette dans la vidéo.
C’est important de sortir de la musique qui arrive dans une époque prête a la recevoir. TMFR a mis un an à sortir ? Est-ce que ça risque pas à un moment donné d’être daté ?
C’est catastrophique. Il est extra daté. On en parlait avec mon ingé son, avec qui je fais de la scène : il bosse avec un autre groupe qui a un album qui est prêt depuis un an. Il disait, le drame c’est qu’on peut plus le sortir, on ne peut plus être dans l’air du temps. On ne peut pas fonctionner avec des grosses structures. Moi, l’album je pourrais encore être en train de le peaufiner, je lui trouve plein de défauts parce que c’est moi qui l’ai fait. Mais il est fini, c’est très bien, je passe à la suite.
On en revient à l’air du temps, tu penses que c’est important d’adapter la forme pour être dans l’air du temps ? Ça permet d’amener le message à un public un peu plus large ?
Oui, après on peut être dans l’air du temps justement en décidant de ne pas s’y coller. C’est aussi être dans l’air du temps que de considérer que tout le monde part dans une direction et décider de s’en détacher. Ça peut aussi être ça d’être dans l’air du temps. Être conscient de l’époque. Après, décider de choisir de suivre tel ou tel truc… De toute façon il faut toujours qu’il y ait une certaine idée du futur dans ce qu’on fait. Pour que ça ait une vraie portée. Une anticipation. Parce que j’observe le présent, ce qui est autour de nous, ce qu’on fait, ce qu’on vit, si je me mets à penser là-dessus, forcement il y aura une portée vers le futur. C’est ça être dans l’air du temps, c’est toujours anticiper un peu sur ce qui arrive après.
Justement, comment tu décrirais ton rapport au futur ?
Quelque fois j’ai l’impression de le voir le futur. Et ça peut autant être un avantage qu’un inconvénient, parce que des fois tu t’enfermes dans un schéma et forcément ce que tu as dans la tête va se réaliser. Donc je ne sais pas… Le futur c’est quelque chose de relativement sombre, pour moi. D’une manière générale, sans y apporter une notion positive ou négative. C’est assez obscur.
Il faut pratiquer les arts divinatoires et la cartomancie pour voir dans le futur ?
Les arts divinatoires, surtout pas. Le tarot, en revanche c’est un outil que j’adore. C’est un outil que j’utilise beaucoup, sur lequel j’ai travaillé, que j’ai étudié dans un cadre académique et non académique. Mais les arts divinatoires, non, surtout pas. Prédire le futur et te dire « ah il va m’arriver ça », tu te bloques tout le champ des possibles. C’est super fermé. Le tarot, tu tires des cartes : tu racontes une histoire en fait. C’est comme du cinéma. Tu projettes le scénario en fonction de la situation où tu es, la personne que t’as en face de toi. C’est le proto cinéma, en fait c’est du montage. Il y a des arcanes du tarot dans mes textes.
Je laisse plein de petites énigmes, de petits trucs dans mes textes qui sont autant de l’ordre symbolique et ésotérique que purement rap… Je fais plein de références au rap français, genre l’histoire du rap français. Je vais citer des gens sans que ce soit perceptible, c’est juste des anecdotes en rapport avec le rap ou l’art en général. C’est morcelé comme ça mais c’est un amoncellement de choses comme des énigmes. Les textes sont là, les morceaux sont là, on les écoute : qu’est-ce qu’il a voulu dire, après chacun fait son chemin a lui, je donne pas de direction. Ces choses-là sont là pour mettre en mouvement en fait. C’est pour ça que je pars souvent des émotions en fait. En anglais motion, les choses qui te mettent en mouvement. Ce qui te meut physiquement.
« Je suis content que la personne que je suis s’efface un jour »
Et pour parler du futur du futur : tu crois en la réincarnation. Est-ce que tu as vécu des expériences qui t’ont amené à y croire ?
Moi j’ai pas eu d’expériences, mais quand j’étais petit des moines bouddhistes sont venus voir mes parents pour dire que j’étais un Tulku. C’est le terme qui désigne les réincarnations de maîtres. Ma mère m’a raconté parce que j’ai vu les photos de moi tout petit avec les moines tibétains. Et j’ai toujours été là-dedans en fait. En étant petit, j’ai eu une éducation « religieuse » non conventionnelle qui m’a énormément enrichi et apporté. J’ai pas fait d’expériences de vie antérieur. Au contraire je me méfie de ça. Justement, ce que ces gens m’ont apporté c’est d’être très critique par rapport à tout ça. C’est pour ça que je me méfie des gourous, des enfumeurs qui racontent des choses juste pour exercer un pouvoir. Je suis très critique par rapport à ça.
TMFR comme le reste de ton travail a une dimension spirituelle. Pour certains cet aspect passe par l’usage de psychotropes, tu en penses quoi ?
Je pense que si on vivait dans un monde plus ouvert aux choses spirituelles, peut-être qu’on n’en aurait pas besoin en fait. Le problème c’est qu’on vit dans un monde extrêmement matérialiste où il y a des centaines ou des milliers d’adolescents qui ressentent à l’intérieur d’eux le besoin de faire des expériences… et on ne leur propose rien. Du coup ils vont chercher eux-mêmes, pas des voies biaisées et détournées, des états que ni la société ni le système religieux peut leur procurer. Je pense que c’est un vrai besoin fondamental chez énormément d’adolescents et d’individus dans ce monde. Ils ont besoin de faire des expériences d’extase, de communion, et il n’y a rien dans les sociétés ou les systèmes religieux qui le proposent. Du coup ça passe par, oui la prise de psychotropes quels qu’ils soient. Que ce soit fumer un joint, du sirop pour la toux ou de l’ecsta, au final c’est la même volonté de connecter avec quelque chose qui n’est pas là.
Tu parlais d’urgence. Alors que l’humanité tend vers l’immortalité, par des moyens scientifiques, techniques,… Est-ce que tu penses que tu serais toujours dans l’urgence si l’on devenait immortel ?
Très sincèrement moi j’espère qu’on ne va pas vers une immortalité scientifique. Ça c’est mon point de vue. Je pense que la mort nous permet de mieux profiter de la vie. À partir du moment où elle va disparaître, on passera à côté de l’essence même de la vie. Moi je suis contre l’immortalité scientifique. Il y a différentes manières d’atteindre l’immortalité et je pense que la méthode scientifique n’est pas la bonne. Il n’y a que le temps qui dira, mais laisser des choses derrière toi c’est une façon d’être immortel, d’une manière artistique, ou à travers l’éducation que tu vas donner à ton fils, des idées, des valeurs… J’essaie de ne pas trop m’attacher a l’immortalité de la personne. Je suis content qu’elle disparaisse un jour en fait. Je suis content que la personne que je suis s’efface un jour. Je pense que vouloir à tout prix préserver le corps humain, si ça ne s’accompagne pas d’un développement moral, c’est vain.
Un développement moral ou spirituel ?
Moral et spirituel, c’est lié. C’est dans le spirituel qu’on va chercher les bases morales. Jusqu’à présent dans l’histoire de l’humanité la moralité était quelque chose qui était dicté. Aujourd’hui il faut aller chercher la moralité à l’intérieur de soi.
T’en es où toi dans cette quête morale et spirituelle ?
Oh là, j’en suis nulle part. Il faut écouter les albums pour savoir où j’en suis. Je pense que je donne plein d’éléments, je fais des interview parce que c’est important pour permettre à l’album d’exister. Mais l’essentiel est dans l’album.
En parlant de spiritualité et des gens qui sont autour de toi, qu’est-ce que tu y trouves artistiquement ? Est-ce que tu partages une certaine vision des choses avec des gens comme Hyacinthe ou Krampf, de qui tu es proche artistiquement ?
C’est une bonne question. La première fois que j’ai entendu parler de Krampf, c’était sur Internet, il avait même pas 16 ans et il était déjà une célébrité des forum hip-hop du web. Je l’ai pas vu, je l’avais pas devant moi et je lui ai dit : « Mec tu vas devenir big. » Et il s’est foutu de ma gueule. Il m’a traité de Nostradamus. Parce que je savais. Et l’époque, tout le monde était sur ces forums mais on ne savait pas qui est qui et qui ressemble à quoi, etc. Tout le monde pensait que Krampf c’était un mec de 25-30 ans parce que c’était une bible de la musique, parce qu’il écrivait bien… Mais moi tu me la fais pas : je le lisais et je voyais bien que c’était un kid. Je l’ai rapidement identifié et je l’ai trouvé intéressant. C’est lui qui m’a mis en contact avec Hyacinthe, ils venaient d’enregistrer leur première tape. C’était en 2012.
Hyacinthe, le premier truc qui m’a marqué chez lui c’était une vidéo qu’il avait faite avec deux copines où il se filmait dans un appartement. Je pense pas que ce soit encore en ligne maintenant, et je sais pas, j’avais trouvé ça touchant. Quand on s’est retrouvé concrètement, on a réalisé qu’on était trois entités vraiment différentes, avec des directions différentes, mais que ce que l’on fait ensemble défonce. C’est juste ça qui est cool : c’est pas forcément qu’on partage une vision des choses ; c’est plutôt que quand les directions se rencontrent, on fait des choses qui surpassent ce qu’on ferait chacun de notre côté.
Mais tu n’écrivais pas du tout avant de rencontrer Hyacinthe ?
Si j’écrivais énormément. Mais pas forcément du rap. Et bêtement, il est arrivé avec deux, trois contraintes d’écriture et j’ai trouvé ça cool. Je m’y suis collé pendant un temps jusqu’à ce que je dise : bon, va te faire foutre avec tes contraintes, j’écris comme j’écris. Mais cette manière de travailler ça m’a intrigué et du coup je me pose des contraintes, d’une manière générale pour créer en fait. Mais il n’y a pas de recette: des fois j’ai une instru, j’écris le premier mot et tout va découler. Pour NDMA par exemple, j’ai accumulé de la matière textuelle pendant des mois. Vraiment j’ai écrit, j’ai écrit, j’ai écrit, j’ai écrit, et après a l’intérieur de ça j’ai fait du tri : j’en ai enlevé pour aller à l’essence des choses. Des fois je commence par la fin du texte : j’ai ma conclusion, j’ai une rime et hop j’écris celle qui vient au dessus et ainsi de suite jusqu’au début. Des fois, c’est rythmique. En fait il n’y a pas de formule mais je me pose des contraintes. J’essaie justement de casser certains schéma de rimes.
Est-ce que ça t’arrive de penser à écrire dans d’autres formats ? Pour t’essayer a d’autres choses ?
Oui, bien sûr. Ça viendra. C’est encore un autre business l’industrie du cinéma. Je pense qu’il y a un truc d’énergie aussi, qui est lié à l’âge que tu as. J’estime être à un âge où la musique c’est cool. Peut-être que dans quelques années, j’aurais moins d’énergie à mettre la dedans : l’enregistrement autant que la scène, et peut-être que je mettrai de l’énergie dans des tournages. On verra. Quand j’aurai encore moins cette énergie la, dans 30 ans ou quoi, j’écrirai peut-être un bouquin, j’aurai plus de choses à raconter.
L.O.A.S. sera en concert au Badaboum, à Paris, le 18 mai.