Latasha Alcindor, nouvelle étoile de Brooklyn

samedi 14 septembre 2013, par Cedric.

Bienvenue à Brooklyn. Température, 25 degrés. Quelques nuages dans le ciel. Une bonne odeur de musique. Terre promise pour tout amateur de culture hip hop, la ville fait naître chaque jour, ou presque, de nouveaux rappeurs poussés vers la lumière par le fantôme de Christopher Wallace, gardien de la pérennité du mouvement. Avec un peu de chance. Qu’est-ce qu’on laisse aux rappeuses ? Les femmes dans le hip hop sont condamnés à twerker comme Miley Cyrus. Peu arrivent à se démarquer comme Foxy Brown ou Lil Kim. Ou Latasha Alcindor. Cette jeune rappeuse repping from Brooklyn fait partie de celles qui prouvent qu’il y a une place dans le rap pour les femmes. Une place plus imposante que le derrière à Miley. Et qui sait, au top de sa carrière, peut-être qu’elle rentrera dans les petits papiers de Biggie…

UCANCALLMELA1-620x413

Pendant que tu jouais avec tes Lego® et que tu découvrais qu’ils n’était pas comestibles, Latasha elle découvrait Radio Hot 97. Une rencontre impromptue entre une gamine de 5 ans et un flot d’insultes, de rimes, et de personal branling. La rencontre entre une enfant de 5 ans qui forme ses premières phrases et un mouvement en plein boom. La rencontre d’une vie. Elle n’a même pas l’âge de savoir ce qu’est un chagrin d’amour ou un connard qu’elle tombe amoureuse d’un amant incroyablement généreux, le hip-hop. C’est devant son miroir qu’elle exprime cet amour, en imitant Lil’ Kim et Foxy Brown, ses idoles de l’époque… Parce que sa chambre était un terrain d’expression trop petit et son miroir un public trop silencieux, Latasha s’est lancé en grandissant dans des activités en rapport avec sa passion. La poésie, pour ses rimes, le théatre, pour ses punchlines de Shakespeare, et la dance (la vraie, pas le twerk). Et pour ceux qui disent que la poésie, ça craint, sachez que c’est en bossant sur un docu-poème intitulé « Memoirs Of Hip Hop » qu’elle a été approchée pour un cypher (= dans un cypher, les rappeurs présents freestylent les uns après les autres, sans interruption). C’est à We Got Bars, le nom du cypher, qu’elle a trouvé sa vocation « j’ai trouvé ma vraie passion, ne pas seulement parler de hip-hop mais créer ma propre forme de celui-ci ». C‘est ainsi que l’histoire commença.

« la musique sera une affaire d’artistes, et non de besoins exprimés par la société »

Comme beaucoup d’autres, c’est sa famille et la religion qui l’inspire. Un soutien qui lui permet d’avancer et d’évoluer. L’art aussi joue un grand rôle dans sa vie. Loin de se limiter à la musique, elle a touché à la dance, à la photographie, au théâtre, à la poésie, et plus récemment à la peinture. Tout ce qui peut lui permettre de s’exprimer devient un support viable. Cette idée d’évolution est prégnante chez elle. Elle est vraiment influencée par l’objectif du changement. Ce qu’elle veut, à travers sa musique, c’est amener du changement dans sa vie. Voire dans celle des autres, par la même occasion. Prend ça François Hollande.

Cette volonté de changement se perçoit dans sa musique. Les thèmes qu’elle développe dans ses chansons évoquent sa personne atypique évoluant dans une société  remplie de normes et d’obligations, mais aussi les problèmes qui touchent ce monde en perdition, ou encore sa situation personnelle et familiale qui change progressivement à travers sa passion. Le tout avec un flow incisif. Sur ce point, elle rappelle Lil’ Kim, l’une de ses idoles, quand elle était en pleine possession de ses moyens et avant qu’elle ne se transforme en une espèce de poisson que l’on a privé d’eau. Sur d’autres tracks en revanche, elle adopte un flow plutôt envoûtant et lancinant. C’est prenant. Donc on se laisse faire.

On se laisse prendre, comme on s’est laissé prendre par d’autres rappeurs ou rappeuses avant elle. Peut-être parce qu’elle dégage une certaine sincérité dans sa musique. Cette absence de superficialité peut encore séduire aujourd’hui, même si c’est le lot de pas mal de rappeurs. C’est le regard qu’elle porte sur l’industrie aujourd’hui. Elle dit apprécier le travail de Kendrick Lamar, qu’elle considère comme un des leaders du game actuellement, celui qui a su ramener une réelle dose d’authenticité dans la musique. Elle apprécie aussi d’autres artistes comme Scienze, Ryshon Jones, Abstract Random, Kid Cudi, Lupe Fiasco, Absoul, MIA ou encore Andre 3000. Elle se dit moins emballé par beaucoup d’autres, qui sont plus préoccupé par l’appât du gain, rapide et conséquent dans le milieu. Mais elle espère que bientôt « la musique sera une affaire d’artistes, et non de besoins exprimés par la société ». Un retour à l’expression artistique, de la création d’une oeuvre au détriment de la création d’un produit.

Une oeuvre dictée par ses émotions, c’est ce qu’elle compte créer avec son futur album LALytes: Revelations of a L.ife A.ddict. S’il prend du temps, c’est parce qu’elle a « beaucoup de chose à dire, dans ce format étriqué que représente un album ». On comprend. C’est toujours compliqué à gérer les contraintes. Même si elle a déjà sorti plusieurs projets, la mise en oeuvre d’un album demande toujours de la patience. Mais elle assure qu’elle essaye d’extraire toute la matière nécessaire à l’accomplissement de cet album. Entendre par là ses émotions, ce qui lui permet de s’exprimer. Et peut-être qu’en sortant, son album sera adoubé par une génération de jeunes filles fans de hip-hop qui s’intéresseront plus à la musique qu’a l’image. Plus au rap qu’au déhanchement d’un derrière. Plus à ce que réalise l’artiste qu’à la mode. Et peut-être qu’après qu’il soit sorti, le fantôme de Christopher Wallace aura envie de pousser vers encore plus de lumière cette artiste pleine de talent.

latasha

Pas convaincu ? Elle vient de sortir son Spark EP, plus aucune excuse de la rater.

Article recommandés

Be Ready : l’album « Bandana » de Freddie Gibbs et Madlib sera l’album de l’année
On dit souvent que les ventes ne reflètent pas la qualité générale d’un album. Ou d’un artiste. En ce qui concerne Cocaine Pinãta, première collaboration long format entre le rappeur…
Paula Abu, ce que Londres a de mieux en réserve.
My name is Paula Abu and I’m a 20 year old self-taught photographer born in Nigeria and raised in South London. I grew up loving everything to do with films…

les plus populaires