On se souvient tous de la déferlante Mac Miller lors de son arrivée dans l’échiquier du hip-hop. En 2010, avec sa mixtape K.I.D.S., le natif de Pittsburgh squatte le haut des charts avec plus de 800 000 téléchargements. Son entrée dans le rap va provoquer un bulle d’air frais qui se fait rare. Encore aujourd’hui, elle reste l’une des cassettes les plus téléchargées ; on a encore en tête les refrains entêtants de « Knock Knock » ainsi que « Nikes On My Feet ». Le plan est clair : Mac Miller veut conquérir une fan-base très large. En samplant des productions de Lord Finesse, les puristes trouvent la démarche intéressante pour un rappeur de son âge, tout en proposant des pistes accessibles pour capter des audiences plus larges. À ce moment là, on est pile dans ce qu’on peut appeler la « Mac Miller Mania ». Je le sais, j’en ai fait parti.
Après le succès de K.I.D.S., il surfe sur son buzz et dévoile dans la foulée Best Day Ever, qui constitue l’aboutissement en matière de notoriété avec son tube « Donald Trump ». Mac Miller est omniprésent sur tous les médias, qui en font la coqueluche des 16-24 ans. Sur Rostrum Records dés ses débuts, un label indépendant de Pittsburgh où Wiz Khalifa est toujours signé, le rappeur résiste aux sirènes des grands labels comme Def Jam ou Sony. Le but étant d’avoir toujours la main mise sur sa musique et de ne pas devenir une icône marketing. C’est avec ce label qu’il va sortir son premier album, Blue Slide Park, va va permettre à Mac Miller de rentrer un peu plus dans l’histoire. 145 000 copies écoulées en une semaine, ce qui constitue un record de vente d’albums pour un artiste indépendant. Le dernier en date à avoir réalisé des chiffres similaires, c’est Tha Dogg Pound avec l’album « Dogg Food » en 1995. Cependant, ce premier opus va marquer un réel tournant pour le rappeur. L’accueil de la critique est mitigé, ses fans sont déçus et trouvent l’EP mou. En soi, Blue Slide Park est solide, mais on y retrouve un Mac Miller plus sérieux qui n’hésite pas à montrer sa faculté à élargir ses thèmes.
Le rappeur va prendre un virage surprenant, assez inédit. Au lieu de mettre les deux pieds en avant dans l’industrie de la musique, Mac Miller surprend son monde en laissant de côté le micro pour se consacrer à la production. Sous le pseudonyme de Larry Fisherman, il va distiller des prods à divers artistes dont il apprécie le travail, dont Earl Sweatshirt, Ab-Soul ou encore SchoolBoy Q. Et ça paie assez rapidement, via des mixtapes ou quelques morceaux mis en ligne. Mac Miller s’éloigne une nouvelle fois de sa fan-base, mais cette fois-ci pour en construire une autre. Les personnes qui le trouvaient trop tendre à ses débuts se sont ravisés. Lui à besoin de se retrouver dans son studio pour faire de la musique, produire, sampler des morceaux de jazz : Mac Miller propose désormais un hip-hop beaucoup plus sombre et personnel qui est en lien avec sa vie affective, privée. Après Blue Slide Park, il sort la mixtape Macadelic, dans laquelle il parle de sa relation de l’époque. La musique l’aide à retranscrire ses émotions et ne s’en cache pas, MM est un mec sincère, on le sait. Il ne cache plus non plus sa dépendance à certaines drogues, ce qui le rend encore plus triste.
Quand on regarde les Freshmen XXL de 2011 où Mac Miller est plébiscité, c’est le seul à avoir pris la tangente, a changé de registre. Meek Mill, qui a fait parti de cette liste, est l’exemple parfait. En signant avec un major, ce dernier s’est complètement perdu et n’arrive plus à proposer quelque chose de nouveau. On pense également à Wale, talentueux et créatif en indépendant mais insipide avec une grande maison de disque. Comment peut on l’expliquer ? Pour lui, il est encore trop jeune : « I don’t want to jump into reality star next. » Agé seulement de 22 ans, il a toujours proclamé son amour pour le hip-hop dit « underground », avec comme référence Pete Rock, J Dilla et bien d’autres. C’est avant tout un passionné qui veut apprendre, travailler, tenter des choses, quitte à bousculer ses auditeurs et à se brûler les ailes. Difficle de trouver un autre artiste avec un CV aussi rempli à son âge. Ses deux casquettes de rappeur et producteur le rangent dans une case où peu d’artistes sont capables de s’aventurer avec brio.
« La seule fois où Pitchfork avait parlé de moi avant S.D.S., c’était pour mettre 1/10 à mon album »
Son dernier album sorti en 2013 Watching Movies With The Sound, est aux antipodes de ses débuts. Il produit certains morceaux mais s’entoure également de tout le gratin du hip-hop, qui semble sous le charme de ce gamin aux idées bien conçues. En atteste les productions de Flying Lotus, Clams Casino, Pharrell ou encore Chuck Inglish. L’impact de ce premier lui a valu de se retrouver en home page du site Pitchfork, qui traîte pourtant (trop?) légèrement le rap, mais l’impact de Flying Lotus a été important sur le titre « S.D.S. » : « The only time Pitchfork wrote about me before I dropped “S.D.S.” was when they gave me a 1 on my last album. Which is fucking sick. » [« La seule fois où Pitchfork avait parlé de moi avant « S.D.S. », c’était pour mettre 1/10 à mon album. Ce qui est putain de dégueulasse. »] Une apparition en une qui a tout son sens : Mac Miller n’est plus fiché comme un artiste faisant du « poppy rap » mais comme étant plus éclectique et musicalement approfondi.
Lors de la promotion de son dernier album, il fait comprendre qu’il se ré-oriente musicalement : « I think the album was a step in the right direction and 2014 will be another couple steps in the right direction. I’ve got a lot of music ready for people to hear. » [« Je pense que cet album était un pas dans la bonne direction, et 2014 ira aussi dans ce sens. J’ai beaucoup de son à faire écouter aux gens.] Début mai, il sort une nouvelle cassette Faces, qui regroupe pas moins de 25 titres, chacun, on l’espère, confirmant cette évolution.
Alors, bilan ? Avec ses productions et son phrasé particulier, Mac Miller a su créer son propre univers, quitte à parfois décevoir une partie de ses fans de la première heure. Toujours au service d’un contenu plus travaillé et sérieux, l’intérêt des fans est pour lui certes important mais pas primordial. Il fait ce qui lui plait, peu importe l’avis des autres. Larry Fisherman ou Mac Miller, appelez le comme vous voulez, continuera à proposé des contenus et thème différents pour ne pas tomber dans la facilité. Une chose est sûre : à 22 ans, l’originaire de Pittsburgh a désormais toutes les cartes en main pour devenir une pièce maitresse du rap kainri.
Si ce n’est déjà fait.
Crédit photo cover : josh.hofer