Il s’agit de la dernière idée brillante du ministère de la Culture : créer un diplôme de hip-hop. Non ce n’est pas un article du Gorafi, mais un projet sérieux qui viserait à certifier les professeurs de danse hip-hop comme pour le modern jazz ou le classique, comme le rapportait un article du Monde en 2013. Le ministère de la culture propose désormais d’intégrer cette formation au plan banlieue pour aider à la professionnalisation de la discipline.
Outre le fait que Fleur Pellerin semble avoir regardé Street Dance plus souvent qu’elle n’a mis les pieds dans les quartiers, on peut s’amuser de cette volonté « d’aider à la professionnalisation » de la danse hip-hop quand on sait que certains danseurs français se retrouvent sur les plateaux de Madonna ou Beyoncé et que d’autres excellent en danse debout depuis déjà des années.
En revanche, on rigole moins quand on pense que la danse hip-hop est née, en même temps que le rap, dans les block parties du Bronx, de façon clandestine dans un esprit de défi de l’ordre établi : d’où les revendications des opposants à la réforme.
Du côté des B-Boys les raisons de la discorde sont multiples. Pour Aziz Khalil , programmateur du festival de danse hip-hop stéphanois TRAX, c’est le risque d’aseptiser une culture : « Ca fait plus de 20 ans qu’ils en parlent. Perso,ce qui me dérange le plus, c’est le contexte dans lequel ça a été annoncé : visite de Valls aux Mureaux. Ils n’ont toujours pas compris que le hip-hop avait largement dépassé les frontières de la banlieue… »
Pour Clément Viricel, danseur et animateur de cours, c’est que la création de ce diplôme pourrait aider un ou deux gamin à apprendre les codes d’une société académique: « J’ai peur qu’en faisant un diplôme d’état, on guinde l’esprit des cours et que cela devienne trop sérieux. Je ne veux pas dire que je ne prends pas la danse au sérieux, mais il faut avouer que le swag ne se force pas. Mais par ailleurs, donner un diplôme à certains danseurs qui n’en ont aucun, poussera peut-être les gens du milieu à plus travailler à l’école. Peut-être que le diplôme est mis en place pour ces raisons. Du point de vue d’un danseur, le hip-hop est un mouvement, et un de ceux que l’on ne peut pas contenir. » Pour Mourad Merzouki, figure tutélaire de la danse hip-hop, c’est l’occasion d’en finir avec un paradoxe: « C’est une très bonne nouvelle. Depuis le temps qu’on l’attendait ! Enfin ! »
Sans faire les esprits chagrins, on s’interroge surtout sur l’utilité de la démarche. Faudra-t-il faire passer des cours de grammaire à Large Pro ou Professor Griff et demander à Dr Dre d’enfin soutenir sa thèse ? En attendant, on propose à Fleur Pellerin et ses conseillers de réviser un peu avec Shake The Dust, le documentaire sur le break dance produit par Nas.